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La surperformance liée à la matérialité de l’ESG remise en cause par deux chercheurs
information fournie par Newsmanagers 25/08/2022 à 12:15

(NEWSManagers.com) - Et si l’analyse de matérialité ne permettait en rien de sélectionner les meilleurs titres sur les marchés actions ? Une telle affirmation nous semblait encore jusqu’à peu impensable, tant les études académiques vantant les bienfaits financiers de l’investissement responsable sont nombreuses. Pourtant, la contestation de l’ESG monte petit à petit chez les professionnels de la finance. Deux professeurs, Luca Berchicci et Andrew A. King*, viennent de leur apporter un supplément de doute qui pourrait faire vaciller les débats.

Dans une récente étude, les chercheurs ont décelé d’importantes incohérences dans le papier Corporate Sustainability: First Evidence on Materiality (« Durabilité d’entreprise : une première évidence sur la matérialité »), publié en 2015 par Khan Mozaffar, Serafeim George, et Yoon Aaron**. Cette étude, très influente, avait deux principales conclusions : l’utilisation des facteurs ESG offrait une surperformance par rapport au marché, et les données du Sustainability Accounting Standards Board (SASB) permettaient aux gérants de choisir les mesures ESG ayant un impact sur la performance dans chaque secteur.

Les trois auteurs de l’étude originale avaient comparé la performance d’indices ESG construits à l’aide de données considérées comme matérielles par SASB à des indices ESG construits sur la base de données non-matérielles. Il en était ressorti que l’approche ESG utilisant des données de matérialité de SASB aboutissait à une surperformance de 300 à 600 points de base par an entre 1991 et 2012 par rapport à l’utilisation des données non-matérielles. « Ces résultats ont été utilisés par des organisations non-gouvernementales et de nombreuses sociétés de gestion pour justifier auprès du Sénat américain et de la Securities Exchange Commission que l’usage de l’ESG permettait d’obtenir de meilleurs rendements », raconte Andrew King.

Des résultats trop beaux pour être vrais

Pour Andrew King et Luca Berchicci, ces résultats semblaient trop beaux pour être vrais. Ils ont cherché à obtenir des rendements équivalents avec plusieurs centaines d’autres modèles de construction de portefeuille. « Nous avons cherché à simuler ce qui se passerait si de nombreux chercheurs ou investisseurs tentaient de reproduire cette analyse », relate Luca Berchicci. Cependant, quasiment tous les modèles ont échoué. « Nous avons constaté que 98% de ces modèles avaient un résultat négligeable, voire même négatif pour plus de 50% des modèles. Notre interprétation est qu’il n’y a aucune raison de croire que combiner des données ESG et l’approche de SASB permette de générer de la surperformance. La moitié du temps, les portefeuilles sous-performent même le marché », ajoute Andrew King.

La surperformance de l’étude originale se trouve peut-être dans un choix méthodologique contestable, qui aurait favorisé l’apport de l’industrie extractive. Les trois auteurs avaient en effet dû contourner le fait qu’ils n’avaient pas assez d’entreprises dont les données de matérialité avaient changé dans le temps. Pour passer outre, ils ont décidé de classifier les entreprises qui n'avaient pas connu de changement négatif comme étant plutôt de bonnes élèves. Et l’industrie extractive, qui faisait partie de l’étude car labélisée comme durable à l'époque, était en pleine expansion, ce qui aurait peut-être généré de tels rendements globaux. « Mais ce n’était pas réel, c’est ce qu’on appelle un artéfact statistique », constate M. King.

Le rôle des experts de SASB, qui ont aidé à définir quelles données ESG étaient financièrement matérielles, pose désormais question. « Ces experts essayent de deviner quelles données ESG pourraient impacter les prix pour chaque industrie. Selon nos données, jusqu’à présent, ils ne semblent pas être en mesure d’apporter un quelconque avantage », estime Andrew King.

L’étude a déjà fait son bonhomme de chemin au sein de l’univers académique, et des institutions spécialisées. « Notre analyse a été examinée à de multiples reprises lors de conférences académiques, mais aussi dans le cadre de l’Alliance for Research on Corporate Sustainability, Strategy and the Business Environment, des PRI des Nations unies, au National Bureau of Economic Research, à l’American Accounting Association. Et personne n’a jamais émis d’objection », précise Luca Berchicci. Les trois auteurs de l'étude initiale ont, eux, publié une réponse, accessible ici pour les plus motivés. Le débat de la pertinence de l'ESG chez les praticiens ne fait que commencer.

* Luca Berchicci est professeur adjoint d'entreprenariat à la Rotterdam School of Management. Andrew A. King est professeur à la Questrom School of Business, Boston University.

** Lors de la publication de la recherche en 2015, Mozaffar Khan était professeur adjoint invité d'administration des affaires à Harvard, et professeur de comptabilité à l’université du Minnesota. Aaron Yoon était doctorant à Harvard. Mozaffer Khan est aujourd'hui gérant et directeur de la recherche ESG chez Causeway, tandis qu'Aaron Yoon est professeur adjoint à la Kellogg School of Management. George Serafeim est professeur d'administration des affaires à Harvard.

1 commentaire

  • 25 août 13:19

    "Les trois auteurs de l'étude initiale ont, eux, publié une réponse, accessible ici pour les plus motivé" => Il n'y a pas de lien ... ?! Possible de l'ajouter svp ?


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