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«La concentration des entreprises est-elle la solution ?»
information fournie par Le Cercle des économistes 03/06/2019 à 09:20

Seulement 10 ans après l'introduction du smartphone, la part de marché d'Apple aux Etats-Unis est de 40%, et celle des deux premiers fabricants de 66%. (crédit : jeshoots.com)

Seulement 10 ans après l'introduction du smartphone, la part de marché d'Apple aux Etats-Unis est de 40%, et celle des deux premiers fabricants de 66%. (crédit : jeshoots.com)

Il est établi que les inégalités de revenu et de patrimoine se sont accrues depuis les années 1980 et qu'elles ont retrouvé le niveau élevé qu'elles avaient il y a une centaine d'années. Selon Bertrand Jacquillat, les inégalités, perçues comme insupportables parce qu'injustes, contribuent à miner la confiance. L'économiste avance quelques pistes de solutions possibles.

D'aucuns proposent de s'attaquer au symptôme par le jeu de la fiscalité, en imposant très fortement les revenus et patrimoine élevés. D'autres cherchent à expliquer ces inégalités par des facteurs culturels. Ceux-ci seraient l'accentuation de la passion égalitaire qui s'est manifestée depuis la Révolution française, et qui a engendré chez les Français un caractère envieux ; ou bien encore la nature de l'Etat contemporain sous sa forme actuelle d'Etat providence, qui favorise un lien de dépendance entre les individus et l'Etat, et qui empêche ceux-ci de s'entraider et de développer des liens de confiance.

Les économistes, quant à eux, expliquent ce phénomène par les politiques publiques de la concurrence, qui sont devenues trop laxistes au fil du temps. Ainsi, sur une période de 25 ans, entre 1977 et 2012, les deux tiers des secteurs économiques américains se sont concentrés autour de quelques entreprises. Cette concentration ne se limite pas au seul et vaste secteur de l'économie virtuelle, avec les fameux GAFA en figure de proue, mais touche aussi l'un des plus vieux secteurs industriels, celui du transport ferroviaire. L'accroissement des inégalités, qui s'est manifesté particulièrement aux Etats-Unis a été concomitant avec le relâchement, voire l'abandon, dans les années 1980 de la politique antitrust initiée à partir de 1930.

Ce n'est pas tant les pouvoirs des autorités de la concurrence qui sont en cause que leur logiciel sur les ressorts de la concurrence. Celui-ci s'appuie sur le concept, exact mais incomplet, de contestabilité des marchés, selon lequel la situation de monopole ne peut constituer un équilibre durable, et ne peut être que provisoire. La plupart des études empiriques soulignent le fait que plus la concentration sur un marché est forte, et plus la rentabilité des firmes qui en font partie est élevée, mais aussi les prix pour le consommateur.

Réinventer une régulation de l'antitrust

Par ailleurs, marges élevées et bas salaires sont significativement corrélés. Sur le thème de l'effet des concentrations sur la concurrence, l'innovation et les inégalités, l'histoire des Big Tech, qui s'est déroulée en accéléré, constitue un exemple édifiant. Seulement 10 ans après l'introduction du smartphone, la part de marché d'Apple aux Etats-Unis est de 40%, et celle des deux premiers fabricants de 66%. Quant aux applications, l'industrie est encore plus concentrée, avec Google qui détient 86% de part de marché et les quatre premiers moteurs de recherche 99%. Mêmes proportions avec Facebook et les quatre premiers réseaux sociaux. Certes, la domination d'IBM n'a duré que 30 ans et celle de Microsoft moins de 20 ans. Mais aucune de ces sociétés n'a pu être détrônée de son piédestal sans l'intervention de l'Etat.

Il convient de s'inspirer de l'esprit de la lettre envoyée en 1912 par Thomas Edison à Henry Ford qui soulignait que la nouvelle civilisation industrielle née de l'électricité et de l'automobile devait reposer sur de solides et nouvelles fondations.  Pour rétablir la confiance, l'analyse économique suggère de réinventer une régulation de l'antitrust, et de revenir aux racines du capitalisme en renforçant la concurrence, qui en représente un élément crucial. En effet, celle-ci favorise l'innovation et la croissance, mais aussi la diffusion du pouvoir économique et de la liberté politique.

Bertrand Jacquillat, membre du Cercle des économistes


Cette tribune est publiée dans le cadre des 19e Rencontres Économiques d'Aix-en-Provence. Bertrand Jacquillat interviendra dans la session n°25, «La concentration des entreprises est-elle la solution ?», samedi 6 juillet 2019.

Les Rencontres Économiques d'Aix-en-Provence
Les 5, 6 et 7 juillet 2019 « Renouer avec la confiance !»
3 jours de débats ouverts et gratuits, organisés par le Cercle des économistes.
De portée internationale cet évènement réunit chefs d'entreprise, universitaires, étudiants et représentants de la société civile venus du monde entier autour d'un thème au cœur de l'actualité économique.
Retrouvez le programme complet et suivez les débats en direct sur
lesrencontreseconomiques.fr

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