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L’intelligence artificielle en finance, pour quoi faire ?
information fournie par Le Cercle des analystes indépendants 31/01/2019 à 12:20

Crédit : Adobe Stock

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On parle de plus en de l'utilisation de l'intelligence artificielle. Certains tels Cédric Villani, Médaille Fields de mathématiques, voient là une chance économique majeure pour la France vu sa puissance historique en mathématiques. D'autres y voient la fin du Progrès avec un remplacement des humains par les machines et la création d'une société déshumanisée. Le MIT aux USA parle beaucoup de la « 4e Révolution Industrielle » qui remplacera l'homme non plus seulement dans ses tâches physiques mais aussi intellectuelles.

Comment cette révolution technologique va-t-elle impacter l'analyse financière ?

Nous assistons actuellement à la conjonction d'une explosion de l'offre d'information financière du fait de la mondialisation, d'un effondrement de son coût et aussi de celui de son traitement par ordinateur. Ce nouvel environnement permet aux chercheurs individuels et non plus seulement aux grandes entreprises de développer une recherche en création d'algorithmes d'intelligence artificielle appliqués à la finance.

La finance est déjà un domaine où les machines ont déjà remplacé les humains pour plus de 50% des transactions financières. Les marchés boursiers sont en effet désormais intégrés dans des réseaux d'ordinateurs. Des algorithmes de transaction utilisent cette nouvelle structure de marché pour créer de la liquidité sur les titres via les marchés électroniques.

Sur quoi repose l'intelligence artificielle en analyse financière ?

Par quelle « magie » expliquer cette capacité des systèmes d'intelligence artificielle à compléter l'analyse financière traditionnelle ?

Elle repose sur un élargissement des techniques classiques de mathématiques financières en intégrant la dimension « vivante » de la structure des marchés. Dans les années 1970s, Fama et Miller ont mis en place des techniques de régression linéaire des actions par rapport à l'indice du marché. Ainsi est né le fameux « Capital Asset Pricing Model. Des analyses plus sophistiquées ont élargi cette approche en intégrant d'autres facteurs explicatifs tels la croissance des résultats, l'attractivité de la valorisation des cours, le momentum des performances, les révisions d'anticipation des analystes financiers, le consensus de profit des analystes, la capitalisation boursière, la volatilité des actions, etc… Tous ces facteurs ont sans aucun doute un rôle explicatif dans la performance des actions. Ils permettent de générer des indices « smart beta » qui ont été ensuite commercialisés sous forme de fonds ou d'ETFs (fonds indiciels) « smart beta ».

Cette approche « smart beta » est sans aucun doute intéressante mais non suffisante. De fait, on note une rotation des facteurs de contribution à la performance en fonction des phases de marché. Cette rotation des facteurs est au cœur même de la structure des marchés financiers en fonction de trois cycles fondamentaux.

Le cycle macro-économique crée des fluctuations des croissances de résultats en fonction de la politique monétaire, des achats de biens durables, et autres facteurs conjoncturels. Le cycle micro économique crée une création destructrice « Schumpeterienne entre les entreprises « perdantes » qui ont des modèles économiques en déclin (par exemple la grande distribution par rapport à internet), et les « gagnantes » qui sont liés à des innovations de rupture technologique (par exemple les biotechnologies, etc..). Enfin, le cycle comportemental reflète les structures psychologiques de groupe des investisseurs qui vont parfois avoir tendance à créer des bulles, justifiées ou non, quant à la valorisation de certains secteurs comme par exemple la distribution internet par rapport à la distribution traditionnelle.

Des stratégies multi facteurs « smart beta » ont ainsi été construites pour prendre en compte toutes ces rotations des facteurs liée à cette modification « vivante » de la structure économico-financière, technologique et psychologique du marché.
C'est là que l'intelligence artificielle peut apporter toute sa puissance. De fait, la mathématisation des processus de valorisation des analystes traditionnels permet de traduire en équations mathématiques les différents modèles de valorisation utilisés par les analystes quant à la valorisation d'une entreprise. Ainsi, les modèles d'actualisation des résultats valorisent une entreprise en actualisant sa capacité à générer pour ses actionnaires des profits positifs accumulés dans les fonds propres. Le problème de ce modèle est de paramétrer les anticipations de croissance des bénéfices et aussi de choisir le bon taux d'actualisation de ces anticipations qui doit refléter la prime de risque du business model. Il est clair que nul analyste ne peut anticiper parfaitement de telles variables par nature probabilistes.

On arrive ainsi à l'aspect le plus complexe de la finance, la finance comportementale. Comme Keynes l'a illustré dans une analogie célèbre, les marchés fonctionnent comme un « Concours de Beauté ». La question n'est pas de savoir laquelle des candidates sera jugée comme la plus belle par un membre du jury, mais par le jury dans son ensemble. C'est en effet cette intelligence collective du marché et non la plus grande de ses intelligences qui peut et doit désigner le vainqueur. Tel est le fondement du capitalisme et de la démocratie.

L'intelligence artificielle permet donc d'ajouter la puissance des mathématiques à des processus humains pour améliorer encore plus ce processus fondamental et si complexe d'allocation des ressources et de recherche de l'efficience des marchés.

Quels sont les avantages de l'intelligence artificielle en analyse financière ?

L'apport le plus important de ces nouvelles approches est qu'elle permet de maximiser l'univers de recherche d'un processus d'analyse financière. Les techniques traditionnelles sont de facto limitées par le coût de cette recherche. Ainsi, la plupart des fonds actifs en actions Europe se focalisent sur une analyse des valeurs de croissance France et Allemagne. Le portefeuille est souvent limité à 40/50 valeurs avec un poids pouvant monter à 8% sur les plus grosses pondérations. Par opposition, un portefeuille construit par des techniques d'intelligence artificielle peut avoir un nombre de titres triple de 120 valeurs réparties sur toute l'Europe avec un poids maximum autour de 3% et construit à partir de l'analyse d'un univers de 1.600 valeurs.

Y-a-t-il un risque d'augmentations des comportements grégaires du fait de l'intelligence artificielle ?

Certains voient dans les algorithmes d'intelligence artificielle le risque d'une augmentation des comportements grégaires du marché. De fait, si un nombre trop important d'opérateurs appliquent les mêmes règles systématiques, on risque d'avoir une augmentation de phénomènes de groupes dans certaines configurations de marché.

Ce risque est-il réel ? Nous ne le pensons pas. De fait, il existe autant de manière de mathématiser l'intelligence humaine qu'il existe de modèles d'analyse financière. Les mathématiques ne sont qu'un langage et la « traduction » en mathématiques de l'intelligence humaine ouvre le même champ de complexité et de diversité que la traduction d'une recherche scientifique en anglais, français, allemand, chinois ou japonais. Même si la structure sous-jacente reste la même, l'implémentation du processus sera différente ne serait-ce qu'à cause de la diversité des paramètres utilisés dans l'application des algorithmes.

En revanche, ce risque justifie totalement la nécessité de préserver la confidentialité des algorithmes d'intelligence artificielle. Cela permet de conserver une « granularité » du marché qui confronte une multitude d'approches humaines et mathématiques dans la recherche de la valeur la plus efficiente possible du marché. De plus, il est très difficile actuellement de protéger la propriété intellectuelle d'un algorithme d'intelligence artificielle. De fait, une formule mathématique est considérée juridiquement comme une « idée » et ne peut dont pas être brevetée.

Comment juger d'un processus d'analyse financière par intelligence artificielle ?

Le grand mathématicien anglais Turing a permis aux Britanniques de déchiffrer les messages secrets des Nazis durant la dernière guerre. Il a décrit un test fameux quant à l'intelligence artificielle, le « Test de Turing ». Ce test repose sur la capacité à distinguer la création d'une machine de celle d'un humain.

Le graphe suivant montre la performance comparée d'un portefeuille modèle géré par un algorithme d'intelligence artificielle par rapport à un indice de fonds gérés par des méthodes traditionnelles. On voit bien qu'il est quasiment impossible de distinguer un process de l'autre. On a donc là une preuve du test de Turing.
Comment distinguer un portefeuille d'intelligence artificielle d'un portefeuille classique, le test de Turing.

Source : Bloomberg, Evariste Quant Research. Bloomberg LP n'est pas responsable de cette analyse. Portefeuille modèle Evariste actions GARP Eurozone ISR. Peer Group : indice équipondéré de fonds « real growth ». Liste disponible sur simple demande.

Source : Bloomberg, Evariste Quant Research. Bloomberg LP n'est pas responsable de cette analyse. Portefeuille modèle Evariste actions GARP Eurozone ISR. Peer Group : indice équipondéré de fonds « real growth ». Liste disponible sur simple demande.

L'intelligence artificielle va-t-elle remplacer l'analyse humaine en finance ?

Certainement pas, elle va la compléter et non pas la remplacer. Elle permet d'élargir via un « radar screening » l'univers d'investissement et de focaliser l'analyse humaine sur ses dimensions les plus intéressantes. Elle contribue ainsi à une optimisation de l'investissement financier et du capitalisme, en particulier au niveau de l'analyse des petites et moyennes entreprises.

On est donc loin d'une prise du pouvoir par une armée de robots à la Asimov qui viendrait détrôner l'homme dans ses actions intellectuelles.

François d'HAUTEFEUILLE
Evariste Quant Research – Membre du Cercle des Analystes Indépendants
Analyste Financier Indépendant - Membre de la SFAF

Cet article est adressé à titre d'information uniquement et ne constitue ni une offre de produits ou de services, ni une offre, une recommandation ou une sollicitation d'offre de fourniture de conseil ou de service d'investissement pour acheter/vendre des instruments financiers.

6 commentaires

  • 04 février 00:01

    N'oublions pas que l'IA est deja superieur a l'homme dans le jeu de poker qui pourtant est un jeu ou il faut les bonnes cartes mais aussi comprendre le bluf...Appliquer cela a la finance fera que plumer tous les petits acteurs de masse dans un premier temps... La suite sera un combat a mort entre grands cerveau de l'IA : la valorisation des titres passera sur un second plan je le crains.


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