Aller au contenu principal Activer le contraste adaptéDésactiver le contraste adapté
Fermer

L’ampleur des contraintes qui pèseront sur la politique économique de Janet Yellen
information fournie par Le Cercle des économistes 04/12/2020 à 16:40

André Cartapanis
André Cartapanis

André Cartapanis

IEP Aix-en-Provence

Professeur

https://www.sciencespo-aix.fr/

(Crédits photo : Federal Reserve)

(Crédits photo : Federal Reserve)

Nommée par le président élu américain Joe Biden, l'ancienne patronne de la FED, Janet Yellen, s'apprête à prendre la tête du ministère américain des Finances. Elle devra relancer la première économie du monde plombée par la pandémie de Covid-19. André Cartapanis détaille les enjeux d'un challenge compliqué

La nomination de Janet Yellen au titre de secrétaire au Trésor américain a suscité une approbation unanime. Notoriété académique, expérience sans équivalent comme présidente de la Fed (de 2014 à 2018). Nul ne peut contester ses compétences. Mais cela suffira-t-il pour sortir l'économie américaine de la récession et pour placer celle-ci sur une nouvelle trajectoire de croissance soutenable ? Rien n'est moins sûr au vu de l'ampleur des contraintes qui pèsent sur l'économie américaine.

Même si la récession devrait être limitée à -3,5% en 2020, il est impératif, pour assurer la reprise de l'activité économique et de l'emploi, de renouveler le plan de relance initié au premier semestre sous la présidence Trump et qui a déjà conduit à un déficit budgétaire abyssal, de l'ordre de 20% du PIB, et à un taux d'endettement public proche de 100% du PIB, fin 2020. Car cette politique fait suite à la politique de surchauffe budgétaire ayant assuré un taux de chômage de seulement 4% avant la pandémie, mais au prix d'une forte aggravation des déficits américains (budget, balance des paiements courants).

Une politique monétaire devenue inopérante

Dans une situation où les taux d'intérêt directeurs sont déjà proches de zéro, la politique monétaire est devenue inopérante et ne fait qu'alimenter les marchés d'actifs, sans effet significatif sur l'économie réelle. Il n'y a pas d'autre solution que de poursuivre le stimulus budgétaire. Mais rien ne prouve que ce nouveau choc de demande publique sera relayé par un redémarrage de la demande interne des consommateurs et des entreprises ou sur les marchés extérieurs. Tout dépend de la résolution de la crise sanitaire, d'un regain de confiance et, plus encore, d'un rebond de l'économie mondiale. Et surtout, qu'en sera-t-il du financement des déficits jumeaux américains ?

En charge également de la politique économique internationale des Etats-Unis, Janet Yellen devra s'atteler à la réduction du déficit des paiements courants américains tout en visant la stabilité du dollar. Car la politique menée par Donald Trump en la matière est un échec complet. S'ajoutant à la faiblesse du taux d'épargne des ménages, le bras de fer avec la Chine et les mesures protectionnistes ont conduit, non pas à une amélioration mais à une aggravation du déficit US, couplée à une dépréciation du dollar, surtout depuis mars 2020 (de l'ordre de 12% vis-à-vis de l'euro). Il est difficile d'imaginer un renversement de la balance courante américaine à court terme. Si la Fed peut aisément financer le déficit budgétaire américain elle ne peut pas financer le déséquilibre externe, désormais de l'ordre de 3,5% du PIB. Les Etats-Unis parviendront-ils à rester attractifs pour les investisseurs internationaux, venant principalement aujourd'hui de la zone euro et de certains pays émergents ? Ce n'est pas assuré.

Le lourd héritage de Donald Trump

La position extérieure des Etats-Unis vis-à-vis des non-résidents avoisine déjà les 70% du PIB, dont une part non négligeable relève des Bons du Trésor US accumulés par les banques centrales ou les investisseurs étrangers. On imagine les difficultés que pourraient rencontrer les Etats-Unis si les investisseurs internationaux, asiatiques ou européens, dans ce contexte, jugeaient plus attractifs et plus sûrs les placements en euros ou en d'autres devises. Une chute du dollar et une remontée des taux longs américains s'en suivraient, hypothéquant le redémarrage de l'économie US et provoquant une nouvelle crise financière mondiale.

La politique économique de sortie de crise des Etats-Unis est fortement tributaire du maintien du rôle de monnaie internationale incontesté dont bénéficie le dollar, du leadership et de la crédibilité politique de Washington à l'échelle globale. Mais la Chine est désormais une puissance mondiale qui concurrence l'Amérique et l'héritage géopolitique de Donald Trump est lourd, très lourd même : guerre commerciale ; extraterritorialité de l'embargo sur l'Iran via le contrôle de l'usage du dollar ; mise en cause de l'OMC, de l'OMS et de l'accord de Paris sur le réchauffement climatique ; en réaction à l'unilatéralisme américain et au blocage imposé à l'OMC, création récente, sous l'égide de Pékin, de la zone de libre-échange Asie-Pacifique qui isole l'Amérique et associe désormais quinze pays autour de la Chine, dont l'Australie, le Japon et la Nouvelle-Zélande.

Viser un avenir commun avec le reste du monde

On promet à Janet Yellen une météo de tempête politique face à l'hostilité du Sénat et à une Amérique plus divisée que jamais. C'est vrai. Mais le pilotage de l'économie américaine n'est plus seulement entre les mains de la secrétaire au Trésor et du président de la Fed. Joe Biden a récemment déclaré : « L'Amérique est de retour, prête à guider le monde et non pas à s'en retirer ; le multilatéralisme est de retour ». Ce n'est pas une option mais désormais une nécessité. C'est au moyen d'une coordination accrue des politiques de relance à l'échelle globale, surtout dans les zones en excédent commercial, d'un engagement collectif dans le refus du protectionnisme destructeur impulsé par Donald Trump, et donc d'un redémarrage de l'économie mondiale, que les Etats-Unis pourront sortir de la récession en évitant le scénario du pire d'une crise monétaire et financière. Cela impose de viser un avenir commun avec le reste du monde et l'amorce d'une nouvelle gouvernance internationale, pourtant introuvable depuis vingt ans, désormais sous leadership partagé. Mais l'Amérique y est-elle disposée ?

6 commentaires

  • 05 décembre 10:15

    Parfois ! Il faut savoir lâcher la bride pour que le pur-sang galope plus vite. l'Austérité exagérée mènera forcément à la précarité, ce qui sera contraire à un bon présage.. Alors attention aux donneurs d'ordres impétueux n'ayant pas fait le tour de la question avec discernement.


Signaler le commentaire

Fermer

A lire aussi

  • Le bâtiment de la Réserve fédérale, à Washington. (Crédits: Federal Reserve)
    information fournie par TRIBUNE LIBRE 05.05.2025 11:37 

    Commentaires de Michael Krautzberger, Global CIO Fixed Income chez AllianzGI, en amont de la réunion de la Fed des 6 et 7 mai 2025 La Fed devrait maintenir ses taux pour la troisième réunion consécutive lors de la réunion de mai, malgré la pression politique croissante ... Lire la suite

  • Les valeurs de la journée sur les marchés américains (Crédit: Scott Beale / Flickr)
    information fournie par Reuters 05.05.2025 11:21 

    Principales valeurs à suivre lundi à Wall Street, où les contrats à terme sur les principaux indices suggèrent une ouverture en baisse de 0,73% pour le Dow Jones .DJI , de 0,85% pour le Standard & Poor's-500 .SPX et de 0,95% pour le Nasdaq. * FORD F.N doit

  • ( AFP / GABRIEL BOUYS )
    information fournie par Boursorama avec AFP 05.05.2025 10:26 

    Le géant bancaire espagnol Santander a annoncé lundi la vente de 49% de sa filiale en Pologne et de 50% de son entreprise de gestion d'actifs dans ce pays à la banque autrichienne Erste Group pour sept milliards d'euros. "Banco Santander a convenu de vendre à Erste ... Lire la suite

  • Jean-Marie Tritant à Paris, le 30 avril 2024. ( AFP / STEPHANE DE SAKUTIN )
    information fournie par Boursorama avec AFP 05.05.2025 10:25 

    Le géant français des centres commerciaux Unibail-Rodamco-Westflied (URW) a annoncé lundi la signature d'un accord de franchise avec le leader saoudien des centres commerciaux Cenomi Centers pour se développer en Arabie saoudite. Ce partenariat de dix ans prévoit ... Lire la suite

Mes listes

Cette liste ne contient aucune valeur.