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L’accident H2O va-t-il bouleverser le métier de conseiller financier ?
information fournie par Le Cercle des analystes indépendants 01/10/2020 à 16:00

Régis Yancovici
Régis Yancovici

Régis Yancovici

LUXAVIE

dirigeant-fondateur

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"Depuis de nombreuses années, les CIF ont abandonné le métier d'allocataire d'actifs pour devenir des sélectionneurs de fonds diversifiés." (Crédit photo : Adobe Stock)

"Depuis de nombreuses années, les CIF ont abandonné le métier d'allocataire d'actifs pour devenir des sélectionneurs de fonds diversifiés." (Crédit photo : Adobe Stock)

Quelle est la différence entre une pièce de monnaie et un conseiller en investissement financier (CIF) ?
Prenez une pièce de monnaie. Ses deux faces sont différentes. Mais que vous la présentiez du côté pile ou du côté face, vous pourrez toujours acheter votre baguette. Dans le cas d'un conseiller financier, du côté pile de ses clients, il est supposé être, comme son titre l'indique, un conseiller. Comme un médecin généraliste du patrimoine, il soigne ou oriente chez un spécialiste. Mais vu depuis le côté face de ses fournisseurs société de gestion, il est considéré comme un distributeur. D'ailleurs, les départements de commerciaux en charge des conseillers se nomment «distribution externe».

Alors, les investisseurs privés faisant appel à un conseiller vont-ils chez le médecin ou chez Carrefour ? DIF (distributeur en investissement financier) ne serait-il pas un acronyme plus adapté que CIF ? Ces questions se posent avec d'autant plus d'acuité que l'affaire H2O  risque de remettre en cause bien des certitudes.

Une remise en cause nécessaire

Depuis de nombreuses années, les CIF ont abandonné le métier d'allocataire d'actifs pour devenir des sélectionneurs de fonds diversifiés. Ce faisant, ils ont délégué au sein d'OPCVM de gestion active, qui par nature sont couteux et peu transparents, la principale source de performance des portefeuilles de leurs clients. Cela n'a pas eu que des inconvénients. Les conseillers ont été de formidables dénicheurs de talents, comme Tocqueville ou Carmignac à l'époque.

Mais l'accident industriel H2O nous montre les limites d'un tel modèle. Par manque de temps et peut-être parfois de technicité, les critères de sélection des OPCVM ont été appauvris. Ils se sont limités trop souvent aux performances passées qui, on le sait, affichent peu de persistances, et à la réputation de la société de gestion. Cette approche a nourri des comportements moutonniers et à l'interrogation des clients sur la valeur ajoutée de leurs conseillers.

Ces clients souvent porteurs de fonds H2O  risquent d'être déconcertés à lecture de leur portefeuille/assurance-vie. L'argument d'un conseiller selon lequel tous les confrères sont concernés risque de ne pas suffire. Les alertes ont été nombreuses depuis 16 mois. Ces alertes ont poussé les investisseurs à retirer 8 milliards d'euros des fonds H2O dès le mois de juillet 2019. Cette affaire pourrait même porter préjudice à la profession. Alors, il est sans doute temps pour les conseillers financiers de réfléchir à compléter leur arsenal de services par des propositions alternatives.

Quelles sont les solutions ?

La solution la plus simple en théorie serait d'embaucher des personnes dédiées à l'analyse de fonds. Cela permettrait de professionnaliser plus encore les actes de gestion… Mais c'est un coût que de nombreux cabinets ne peuvent se permettre. Une autre voie possible pour un conseiller serait de créer sa propre société de gestion. Cela permettrait une parfaite connaissance de la gestion, mais là encore, cela demande des moyens importants.

Les conseillers financiers pourraient proposer une solution réellement différenciante en rupture avec l'approche actuelle. Cette solution consiste à briser le lien, apparemment indéfectible, entre la stratégie de gestion et le véhicule d'investissement. Il s'agit d'extraire le second du premier. Le véhicule d'investissement n'aurait désormais pour rôle que l'accès à un marché. En faisant remonter la stratégie d'investissement à son niveau, le CIF devient alors allocataire d'actifs. Il met en place une gestion personnalisée et réellement plus adaptée aux souhaits de son client et à son analyse des marchés. Celle-ci repose sur une sélection de fonds indiciels plus stables dans leur composition, plus transparents dans leur gestion et au final recelant moins de surprises qu'un OPCVM de gestion active.

Sortir la stratégie d'investissement du produit financier présente de nombreux avantages. Tout d'abord, une lecture fidèle de la diversification du portefeuille assurant ainsi un meilleur contrôle des risques. Fini les fonds diversifiés non diversifiants. Fini l'empilement de risques instables dans le temps. Les frais sont enfin strictement sous contrôle. Au lieu de faire supporter les mêmes frais à tous les clients au sein de la structure OPCVM, ceux-ci peuvent être adaptés à la situation de chacun. Les frais sont connus à l'avance et pas à la fin de l'exercice d'un fonds actifs. L'économie réalisée à l'occasion du passage des fonds actifs aux fonds indiciels, en moyenne de 2.0% par an, permet de financer le manque à gagner provenant de la disparition des rétrocessions et de réduire les frais supportés par l'investisseur. Cette organisation, c'est aussi laisser le choix au CIF-allocataire d'une gestion passive ou d'une gestion active. Il n'a pas besoin de trancher un débat passionnant mais sans fin.

Bien entendu, tous les conseillers n'ont pas le désir ou les compétences pour être allocataires d'actifs. Mais elles peuvent s'acquérir par des formations, comme celle de l'Aurep, l'achat d'outils adaptés et l'expérience. Les conseillers peuvent faire le choix de déléguer cette allocation d'actifs. Ils conservent alors le rôle essentiel de traduction de la stratégie de gestion désormais plus lisible et d'explication de la performance désormais moins chargée en frais.

Conclusion

Trop de conseillers ont perdu leur indépendance. Non pas parce qu'ils touchent des commissions de la part des gestionnaires, mais parce qu'ils se sont enfermés dans un rôle de distributeur d'investissements financiers. H2O a peut-être, bien involontairement, sifflé la fin d'une époque. Comme ils ont su le faire par le passé, les conseillers sauront se réinventer et gagner encore en légitimité auprès des investisseurs privés français mieux informés et plus exigeants.

7 commentaires

  • 10 octobre 14:47

    Les conseilleurs ne sont jamais les payeurs !!!C'est connu malheureusement de tous.... et un beau parleur saura toujours vendre sa sauce sur un moment de faiblesse de l'investisseur.


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