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Kaufman & Broad : le cash, c'est toujours bien d'en avoir un peu
information fournie par Le Cercle des analystes indépendants 15/02/2024 à 08:18

Jérôme Lieury
Jérôme Lieury

Jérôme Lieury

Olier Etudes & Recherches

Analyste financier, membre du Cercle des analystes

https://www.olier-etudes-recherche.fr/

La façade du siège de Kaufman & Broad. (Crédits photo : Adobe Stock -  )

La façade du siège de Kaufman & Broad. (Crédits photo : Adobe Stock - )

Une entreprise, c'est fait pour fabriquer de l'argent. Autrement dit, dégager du résultat positif de son exploitation et, après avoir payé ses banquiers et le fisc, dégager un résultat net, qui est là, dans la caisse, et que l'on peut éventuellement mettre dans sa poche en tant qu'actionnaire propriétaire de ladite entreprise et de ce qu'elle produit. Mais peut-être pas tout, quand même : tout pomper avec un gros dividende, sans laisser un peu d'argent dans la boutique pour entretenir, maintenir, renouveler voire augmenter l'outil de travail n'est vraisemblablement pas une bonne idée, surtout si l'on veut que l'entreprise continue à travailler et continue à générer des revenus.

Et aussi payer des impôts, ce qui explique éventuellement pourquoi dans tous les pays du monde on peut compter une charge déductible que l'on ne paie pourtant à personne : l'amortissement, qui est calculé en fonction de barèmes édictés par le fisc. Puisque c'est avec cet argent mis de côté en quelques sortes que l'on pourra maintenir l'outil de travail et continuer à fabriquer du résultat sur lequel on va continuer à payer de l'impôt, ce qui fait que tout le monde est content à la fin.

Comment compter le cash : anciens contre modernes, une fois de plus ?

De fait, l'actionnaire, quand il veut bien faire son travail, réinvestit en partie dans l'affaire l'argent du résultat net augmenté de celui mis de côté avec l'amortissement autrement la capacité d'autofinancement (ou cash-flow en bon franglais financier) générée par l'activité.

Mais c'est là que tout peut se compliquer car il y a cash-flow et cash-flow, ou plutôt free cash-flow et free cash-flow opérationnel : a) pour les tenants de la vieille école, le cash-flow c'est le résultat net plus les amortissements, et le free cash-flow tout court ce qui en reste une fois que l'on a fait les investissements qui s'imposent, autrement dit l'investissement "normatif" pour au moins renouveler l'équipement productif (lequel finit de fait par s'user, à force), mais b) pour les financiers les plus modernes (qui sont très nombreux), le free cash-flow opérationnel est i) le flux de caisse qui sort de l'exploitation, soit la différence chiffre d'affaires encaissé moins charges décaissées (le fameux Ebitda) diminué ii) de la variation du besoin de financement court-terme (le non moins fameux Besoin en Fonds de Roulement ou BFR) exigé par la dite exploitation, autrement dit la différence entre l'argent qui dort dans les stocks + l'argent des comptes clients qui est dehors - celui que l'on doit à ses fournisseurs mais qui est encore là dans la caisse, le tout iii) diminué encore des investissements (ou plutôt, des "capex", c'est plus chic).

Communiquer en free cash-flow opérationnel n'a pas que des avantages. Exemple : Alstom

Après tout, pourquoi pas ?, puisque le free cash-flow opérationnel permet sans aucun doute de bien expliquer pourquoi il y a plus ou moins d'argent dans la caisse. Et peut devenir une métrique qu'une société cotée donne régulièrement au marché, en commençant par donner des objectifs lesquels seront ensuite atteints voire dépassés, soit autant de grain à moudre pour les analystes qui ont la redoutable tâche de suivre ladite société.

Avec toutefois un risque de glissement sémantique : que ce free cash-flow opérationnel soit plus ou moins considéré comme un vrai résultat par le marché, qui sanctionnera alors toute déception. Un bon exemple étant Alstom, qui a pris l'habitude de communiquer beaucoup sur cet agrégat, avec à la clé une chute de -37% de son cours de Bourse le jour où a été annoncé que le free cash-flow opérationnel allait être de -1,1 milliard d'euros contre une prévision initiale de -45 millions d'euros.

Pour cause de BFR en dérapage incontrôlé, alors que l'on pouvait toutefois éventuellement se rassurer en se disant que ce déficit de financement momentané du cycle d'exploitation pouvait être couvert par des prêts bancaires à court-terme, que tout cela aurait un coût en termes de frais financiers, mais que ça ne mettrait pas pour autant la société en perte. Tout le reste allant plutôt bien a priori avec une activité et des entrées de commandes toujours à un bon niveau, et des marges en amélioration graduelle.

Plus généralement, et pour enfoncer un peu plus le clou, on peut aussi dire que ce concept de free cash-flow opérationnel est parfait pour le trésorier de l'entreprise, mais l'est un peu moins pour l'actionnaire (qui est un tout autre genre de personnage, il faut le dire) : parce qu'en ajoutant la variation des encours d'exploitation aux  investissements dans ce savant calcul on mélange le court-terme avec le long-terme, alors que l'actionnaire est là seulement pour le long terme (en principe), et aussi parce l'actionnaire est juridiquement propriétaire de l'argent du résultat net et du cash-flow, ce qui est moins évident pour l'Ebitda, qui doit encore servir à payer les banquiers et le fisc. Bref…

Un bon contre-exemple : Kaufman & Broad

Ceci étant, si on peut opérer sur un marché mondial porteur à long-terme et avoir de belles perspectives comme Alstom tout en ayant une communication financière un peu désastreuse, le contraire : un mauvais marché et un bon bilan, est tout à fait possible. Un bon exemple étant Kaufman & Broad, un promoteur immobilier confronté comme ses pairs à une crise carabinée du marché du logement neuf, son cœur de métier, crise sur les causes de laquelle nous ne reviendrons pas, mais un promoteur qui présente une situation financière étonnante au terme de son dernier exercice clos fin novembre 2023. A savoir une situation de trésorerie nette de près de +300 millions d'euros, en augmentation de près de +200 millions d'euros sur un an, avec un BFR qui passe d'une année sur l'autre grosso modo de 140 millions d'euros, un montant en principe très raisonnable, à -150 millions d'euros, soit un confort de bilan assez extraordinaire a priori. Et un cours de Bourse qui se tient à peu près, ce qui n'est pas vraiment pas le cas pour ses pairs.

Deuxième promoteur immobilier coté à Paris après Nexity, et un (vieux) poids lourd de la profession, Kaufman & Broad a réalisé un chiffre d'affaires de 1 409 millions d'euros avec 780 salariés dans une vingtaine d'agences en Ile de France et presque partout en Régions, soit un exercice très mi-figue mi-raisin cependant avec des ventes de logements neufs, plus des 2/3 de l'activité, en recul de -17% et des réservations en baisse de près de -25%, mais un chiffre d'affaires dans ses activités de développement d'immobilier commercial/tertiaire multiplié par près de 3x.

Explication du phénomène : Austerlitz

Et pour cause : après plusieurs années d'atermoiements politico-judiciaires, aux termes desquels le Conseil d'Etat a rendu un dernier arrêt favorable fin 2022, Kaufman & Broad a enfin pu lancer début 2023 une grande opération de rénovation urbaine à Paris.

Il s'agit le projet Austerlitz ilot A7/A8, en collaboration avec la Mairie et la SNCF, soit, sur une emprise de terrain : l'ancienne cour de la gare d'Austerlitz jouxtant l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière, la construction d'un immeuble de 40.000 m2 pour le siège de l'Agence Française de Développement (AFD), plus 10.000 autres m2 de bureaux, plus 11.500 m2 de logements étudiants, intermédiaires et sociaux, plus 10.000 m2 de services et de boutiques, avec deux parkings souterrains pour 700 places en tout, un hôtel de 210 chambres, pour le groupe portugais Pestana, et enfin plus 22.000 m2 d'espaces verts, avec en prime sur les toits la plus grande ferme photovoltaïque intra-muros.

Et, ceci expliquant cela, les travaux avançant à bonne allure, Kaufman & Broad a pu encaisser des paiements partiels, classiques quand un immeuble neuf est vendu en VEFA, c'est-à-dire en Etat Futur d'Achèvement.

Et la suite ?

Ce qui aide bien, il faut le reconnaître, alors que la direction du groupe table sur un exercice 2024 encore difficile, soit un chiffre d'affaires ramené à 1.100 millions d'euros environ, avec encore un peu moins de ventes dans le logement neuf, et aussi un effet de base défavorable créé par ailleurs avec le démarrage en trombe du projet Austerlitz.

Mais sans trop d'inquiétude cependant. La demande est toujours là quelque part, en provenance avant tout des investisseurs institutionnels, qui ont acheté en blocs plus des ¾ des ventes en 2023, notamment les bailleurs sociaux qui ont des objectifs de production bien définis à tenir, en attendant que les particuliers, et avant tout ceux qui achètent pour habiter, retrouvent des conditions raisonnables pour ce faire, entre des taux d'intérêts redevenus normaux et des prix du neuf éventuellement revu en baisse, puisque le coût du foncier semble enfin reculer quelque peu.

De plus, Kaufman & Broad n'a en principe que peu ou pas trop de stock "dur" d'invendus, et surveille de près le délai d'écoulement de ses opérations, qui est en principe, à 4,8 mois en moyenne en 2023, toujours un des plus bas de la profession,

Le groupe dispose également d'un carnet de commandes encore bien étoffé, soit 25,7 mois d'activité selon la direction, et toujours autant de réserve foncière, soit un potentiel de 34.000 lots (dont 88% en zones tendues) et 6 ans d'activité

Enfin, Kaufman & Broad a réduit ses coûts en plus d'adapter son offre, et espère maintenir ses marges au même niveau très correct de 2023.

Et, on l'a vu, la société a manifestement le cash au cas où, comme on peut l'espérer encore, le marché du logement repartirait quelque peu au deuxième semestre 2024. Et, en attendant, racheter un peu plus de terrains qu'en 2023, année très faible à cet égard selon la direction.

Où est le problème ?

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1 commentaire

  • 16 février 15:59

    Austerlitz ne durera pas éternellement et KOF va se faire rattraper pr la dure réalité économique. Pour l'instant, l'entreprise parvient à garder la tête hors de l'eau, mais pour combien de temps encore.


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