par Steve Holland et Matt Spetalnick
WASHINGTON, 15 septembre (Reuters) - Les Emirats arabes unis et Bahreïn s'apprêtent à signer ce mardi à la Maison blanche des accords historiques avec Israël en vue d'une normalisation de leurs relations, étape supplémentaire d'un mouvement de réalignement stratégique en cours au Moyen-Orient contre l'Iran.
La cérémonie, présidée par Donald Trump, est programmée à midi heure de Washington (16h00 GMT). Y participeront le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, le ministre émirati des Affaires étrangères cheikh Abdallah ben Zayed al-Nahyan et son homologue bahreïni Abdellatif al Zayani.
Cette journée va concrétiser les annonces spectaculaires, à un mois d'intervalle, de la conclusion de négociations sous l'égide de l'administration Trump d'un accord de paix avec Israël par les Emirats arabes unis, le 13 août, puis par Bahreïn le 11 septembre.
La double percée diplomatique rompt avec des décennies durant lesquelles il était inconcevable pour un pays arabe de reconnaître Israël sans un règlement de la question palestinienne. Seules l'Egypte en 1979 et la Jordanie en 1994 avaient brisé ce tabou.
Les "accords d'Abraham" marquent aussi un succès diplomatique majeur pour Donald Trump. Le président républicain pourra s'en targuer lors de l'élection du 3 novembre et faire ainsi un peu oublier les annonces spectaculaires qui ont marqué son mandat sans trouver de concrétisation, à commencer par la Corée du Nord où ses trois rencontres ultramédiatisées avec Kim Jong-un n'ont pour l'heure rien donné.
Réunir Israël, les Emirats arabes unis et Bahreïn symbolise la montée d'un front commun contre les ambitions régionales de l'Iran chiite, que les dirigeants israéliens aussi bien qu'arabes sunnites du Golfe considèrent comme une menace prioritaire.
"Au lieu de se focaliser sur des conflits passés, ces gens se concentrent aujourd'hui sur les moyens de créer un avenir prospère plein de possibilités infinies", a souligné dans un communiqué diffusé tard lundi soir Jared Kushner, gendre et conseiller spécial de Donald Trump qui a largement participé à cette médiation américaine.
LES YEUX VERS L'ARABIE SAOUDITE
Après les Emirats et Bahreïn, Washington tente de rallier d'autres Etats du Golfe, notamment Oman dont le dirigeant, le sultan Haïtham ben Tariq al-Said, s'est entretenu la semaine dernière avec Trump.
Mais les regards sont également braqués sur l'Arabie saoudite, principale puissance arabe du Golfe, premier exportateur mondial de pétrole et gardienne des lieux saints de l'islam - qui va autoriser les avions assurant la liaison entre Israël et les Emirats à franchir son espace aérien.
Pour le chercheur Marc Owen Jones, de l'Institut des études arabes et islamiques à l'Université d'Exeter, le processus de normalisation avec les Emirats et Bahreïn permet à la monarchie saoudienne de tester l'opinion publique. Il en veut pour preuve un récent sermon de l'imam de la Grande mosquée de La Mecque, retransmis en direct à la télévision.
Nommé par le roi, Abdelrahman al-Soudaïs, priait par le passé pour que les Palestiniens l'emportent sur "l'envahisseur et agresseur juif". Ce 5 septembre, il a rappelé combien le prophète Mahomet avait été bon pour ses voisins juifs et a ajouté que la meilleure manière de convertir les juifs à l'islam constituait à "bien les traiter".
Parallèlement, Mohammed al-Aïssa, ancien ministre saoudien aujourd'hui secrétaire général de la Ligue islamique mondiale, s'est rendu en janvier à Auschwitz, quelques jours avant le 75e anniversaire de la libération du camp par l'Armée rouge. En juin, il participait à un colloque organisé par l'American Jewish Committee, où il a plaidé en faveur d'un monde débarrassé de "l'islamophobie et de l'antisémitisme".
Mais trouver un accord formel avec Israël, ajoute Marc Owen Jones, serait une "lourde tâche" pour le royaume saoudien qui, pour l'heure, maintient sa ligne: "Le royaume d'Arabie saoudite a fixé un prix à la paix entre Israël et les Arabes: c'est la création d'un Etat palestinien souverain avec Jérusalem pour capitale, conformément à l'initiative de paix arabe proposée par le défunt roi Abdallah (ndlr, en 2002)", a redit fin août le prince Turki al Fayçal, membre de haut rang de la dynastie saoudienne.
UN GOÛT AMER POUR LES PALESTINIENS
Mardi à la Maison blanche, où les invités sont encouragés à porter un masque et éviter les poignées de main sans que cela ne soit pour autant une consigne formelle, Israël signera des accords séparés avec les Emirats et Bahreïn, explique un responsable de la présidence américaine.
Dans un second temps, les Etats-Unis se joindront à ces trois pays pour signer ensemble un document commun connu sous le nom d'Accords d'Abraham.
Pour les Palestiniens, qui n'ont pas réussi à faire condamner la double normalisation par la Ligue arabe, cette journée aura un goût amer.
Même si Netanyahu a accepté en échange du rapprochement avec les Emirats de suspendre ses projets d'annexion d'une partie de la Cisjordanie occupée , ils y voient une trahison de leur cause et un affaissement de la position arabe traditionnelle (pas de normalisation avec l'Etat hébreu sans retrait préalable des territoires occupés et reconnaissance d'un Etat palestinien).
Le cours des négociations de paix israélo-palestiniennes, lancées il y a un plus d'un quart de siècle par une précédente cérémonie à la Maison blanche, est rompu depuis 2014.
(Avec Dan Wiliams à Jérusalem, Marwa Rashad à Ryad et Aziz El Yaakoubi à Dubaï version française Henri-Pierre André, édité par)
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