Prix de gros élevés, difficultés à quitter Carrefour ...: plusieurs patrons mécontents de magasins franchisés par le distributeur témoignent auprès de l' AFP .

( AFP / LOIC VENANCE )
La relation entre Carrefour et ses franchisés a été tancée par Bercy mi-juin, faisant dévisser un cours de Bourse qui peine à s'en remettre car, au-delà d'une hypothétique amende, c'est un pilier du modèle économique du distributeur qui est ainsi soumis à interrogations.
"Le contrat... même en le lisant de bout en bout, on ne comprend pas tout" : Anne-Élodie et Benoît Declomesnil ont "tous les deux un bac+5", mais expliquent avoir mis du temps à prendre conscience de leur situation. Leur magasin U Express de Bretteville-l'Orgueilleuse (Calvados) était jusqu'en mars 2022 un Carrefour Contact. Propriétaires des murs et du fonds de commerce, ils n'ont changé d'enseigne qu'au terme d'un long combat judiciaire, après s'être rendu compte que sous pavillon Carrefour, "la rentabilité n'était pas celle attendue" .
• Centrale trop chère ?
En cause, selon les franchisés : les prix trop élevés auxquels ils s'approvisionnent à la centrale, "le vrai foyer de rentabilité de Carrefour", estime un ancien cadre du groupe, Jérôme Coulombel, auteur d'un livre critique dont les conclusions sont contestées par le distributeur.
Julien Lauzet, "pur produit Carrefour" et gérant d'un supermarché à Cayeux-sur-Mer (Somme), a lui observé "une dégradation de (sa) marge depuis l'arrivée d'Alexandre Bompard" comme PDG en 2017. "Nous achetons nos produits 15 à 20% plus cher" que les concurrents, d'où un manque de compétitivité qui pénalise aussi ses clients, dit-il.
Un franchisé toulousain, Didier Morcel, relativise toutefois : "Nos prix incluent un certain nombre de services, la logistique par exemple" , les concurrents les payant à part selon lui.
• Contrôle des prix
Le Picard Julien Lauzet regrette une "police des prix déguisée", qui empêche les magasins d'améliorer leurs marges en vendant plus cher. "Si je ne respecte pas le positionnement tarifaire, je ne touche pas de ristourne" .
Ristourne ? De l'argent perçu en fin d'année, "sans lequel vous pouvez mettre la clé sous la porte", estime ce membre de l'association des franchisés Carrefour (AFC), qui a assigné le distributeur devant le tribunal de commerce de Rennes. C'est dans le cadre de cette procédure que le ministère de l'Économie a sévèrement critiqué la franchise version Carrefour.
Le directeur de la branche proximité pour la France, Benoît Soury, répond que Carrefour entend "assurer de la cohérence dans la politique commerciale" pour ne pas dégrader son image en termes de prix.
• Manque de liberté
La dépendance au franchiseur est également pointée du doigt. "Avec notre grossiste actuel, on est maître chez nous", témoigne un couple de commerçants normands, Virginie et Vincent Poirier, qui ont eux aussi changé d'enseigne. L'ancien Carrefour City de Condé-sur-Noireau, en pleine "Suisse normande", arbore aujourd'hui l'enseigne Coccinelle. "Là, on a mis des petits box avec du bazar, on pense que ça va marcher. Avec Carrefour, ça n'aurait 'pas été dans le concept'", expliquait Vincent Poirier, interrogé en 2023.
"Carrefour ne laisse pas de liberté quant à l'assortiment" , ce qui pénalise face à la concurrence locale, appuie Benoît Declomesnil. Et les prestataires doivent être "référencés" par le groupe.
Benoît Soury rétorque que le "taux d'approvisionnement contractuel" minimum à la centrale Carrefour, 45%, est "le plus faible de toute la distribution". Et Didier Morcel estime que si les prestataires sont davantage "prescrits qu'imposés", les entreprises recommandées sont "plutôt efficaces".
• Difficile de partir
Pourquoi les mécontents ne changent-ils pas massivement d'enseigne? Parce que Carrefour est généralement au capital du fonds de commerce, à hauteur de 26% : une minorité de blocage qui complique ce genre de décisions.
"Si vous voulez sortir, Carrefour fait valoir un droit de préférence qui lui permet de racheter le fonds de commerce à un prix bien inférieur au marché", déplore Julien Lauzet.
Dans la plupart des cas, "Carrefour fournit aux franchisés l'outil de travail dans lequel nous avons été investisseurs et créateurs", répond Benoît Soury. "Certains voudraient retrouver une liberté totale", mais c'est contraire aux contrats "signés dès le début de notre relation".
2 commentaires
Vous devez être membre pour ajouter un commentaire.
Vous êtes déjà membre ? Connectez-vous
Pas encore membre ? Devenez membre gratuitement
Signaler le commentaire
Fermer