France 2022-Le Pen prône la fin des programmes d'armement franco-allemands

information fournie par Reuters •13/04/2022 à 17:41

* La candidate à l'Elysée présente son projet diplomatique

* Elle veut baisser la contribution à l'UE de 9 à 5 milliards

* Prône un rapprochement Otan-Moscou après la guerre en Ukraine

par Elizabeth Pineau

PARIS, 13 avril (Reuters) - La candidate du Rassemblement national à l'élection présidentielle, Marine Le Pen, a présenté mercredi sa feuille de route diplomatique, qui inclut une forte baisse de la contribution de la France à l'Union européenne et la fin des programmes d'armement communs avec l'Allemagne.

A 10 jours du second tour de scrutin qui la verra affronter Emmanuel Macron, elle a plaidé pour que les intérêts de la France, "une grande puissance qui compte encore", soient défendus selon trois principes : "indépendance, équidistance et constance".

Marine Le Pen appelle de ses voeux l'avènement d'une "diplomatie secrète" tranchant avec celle du président sortant, qu'elle juge "bavarde", "trop brouillonne, trop peu informée et si peu discrète".

Devant quelque 160 journalistes réunis à Paris, elle a réaffirmé son souhait de voir la France sortir du commandement intégré de l'Otan - comme c'était le cas entre 1966 et 2009 - et plaidé pour un rapprochement de l'Alliance atlantique avec la Russie, une fois terminée la guerre en Ukraine.

Interrogée sur ses liens avec le président russe Vladimir Poutine, elle a répété qu'elle ne l'avait rencontré qu'une seule fois au Kremlin en 2017.

Sa conférence de presse a été légèrement perturbée par l'irruption de militants qui ont brandi une pancarte avec une photographie de cette rencontre et tenté de distribuer des tracts en forme de lettre de "Vladimir" à "Marine".

Au chapitre européen, Marine Le Pen, qui a abandonné l'idée un temps envisagée de sortir de l'UE et de l'euro, a défendu le concept d'"Europe des nations souveraines".

"Le 'Frexit' n'est nullement notre projet (...) Nous voulons réformer l'Union européenne de l'intérieur", a dit la candidate, qui s'exprime toujours devant un drapeau français, sans l'accompagner d'un drapeau européen comme le fait Emmanuel Macron.

"Transformer l'Union européenne en alliance des Nations, c'est la sauver", a dit la candidate, qui propose d'abaisser la contribution de la France à l'UE à cinq milliards d'euros par an contre neuf milliards environ actuellement.

"DIVERGENCES STRATÉGIQUES" AVEC BERLIN

Marine Le Pen a aussi plaidé pour un changement de posture radical vis-à-vis de Berlin.

"Je ne laisserai pas l'Allemagne détruire l'industrie nucléaire française par exemple mais m'efforcerai de convaincre nos partenaires allemands, comme la crise gazière actuelle le favorise, du bien-fondé du modèle énergétique français, fondé principalement sur le nucléaire et l'hydro-électricité", a-t-elle dit.

Dans le domaine de la défense, la candidate d'extrême droite voit des "divergences stratégiques irréconciliables" avec le voisin d'outre-Rhin.

"Nous arrêterons l'ensemble de nos coopérations avec Berlin : avion de combat comme char du futur, pour poursuivre nos propres programmes de remplacement du char Leclerc et du Rafale", a-t-elle déclaré.

Au chapitre des relations avec le Maghreb, Marine Le Pen a reprécisé sa conception des liens avec l'Algérie. Elle souhaite ainsi conditionner tout octroi de visa, toute autorisation de transfert de fonds, tout accès à la propriété en France par un dignitaire algérien à la réadmission de citoyens algériens jugés "indésirables" en France, "même sans condamnation pénale".

Un diplomate européen interrogé par Reuters a réagi à cette présentation avec un certain effroi.

"Cela fait froid dans le dos", a-t-il dit, liant la rhétorique de Marine Le Pen à celles de l'ancien président américain Donald Trump et des partisans du "Brexit".

"Si son programme européen s'applique, la France risque de devenir hors jeu en Europe", a-t-il dit.

(Reportage Elizabeth Pineau avec Matthieu Protard, Tangi Salaün et John Irish, édité par Bertrand Boucey)