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Fountaine Pajot : la plaisance de plus en plus plaisante
information fournie par Le Cercle des analystes indépendants 19/01/2023 à 08:40

Jérôme Lieury
Jérôme Lieury

Jérôme Lieury

Olier Etudes & Recherches

Analyste financier, membre du Cercle des analystes

https://www.olier-etudes-recherche.fr/

Un des modèles de Fountaine Pajot, le catamaran New 80. (Crédit photo : Fountaine Pajot -  )

Un des modèles de Fountaine Pajot, le catamaran New 80. (Crédit photo : Fountaine Pajot - )

Construire des bateaux en composite pour les plaisanciers est un bon métier a priori, puisque la marge brute, la marge sur coûts variables, autrement dit encore la marge chiffre d'affaires - achats de matériaux et composants divers entrant dans les fabrications, semble plutôt confortable pour un métier industriel, à en juger d'après les chiffres publiés par les acteurs français cotés du secteur. De fait, cette marge est d'environ 50% chez Fountaine Pajot comme chez Groupe Bénéteau, et encore meilleure chez Catana Group, ce qui est nettement plus que chez les constructeurs automobiles (Renault 15%, Stellantis 20%), les chimistes (Solvay 25%), mieux aussi que dans l'électrotechnique (Schneider Electric 40%) ou les semiconducteurs (STMicroelectronics 37%), même si c'est quand même moins bien que dans le Luxe, la Cosmétique ou la Pharma (70% en gros, pour ces trois très beaux métiers).

Ceci alors que, il faut le remarquer, les séries sont plutôt courtes, ce qui n'aide pas les gains de productivité en principe, puisque les modèles de bateaux sont renouvelés en permanence ou presque. Pas vraiment de "must" ou de "best-seller" dans ce métier, seulement de nouveaux bateaux bien accueillis par les concessionnaires, et qui les commandent aux constructeurs pour les placer auprès du client final : le plaisancier, pour lequel la nouveauté justifie éventuellement le prix.

La plaisance étant par ailleurs un marché plutôt très saisonnier, puisque les bateaux se vendent avant tout au printemps en Europe, avec le retour des beaux jours (et des mers moins agitées) pour ceux qui ne se contentent pas des rivières, des canaux et des lacs (et qui ont le pied marin), et veulent se frotter éventuellement à des horizons lointains.

Ceci alors que le marché est rythmé par les grands salons nautiques : le Cannes Yachting Festival et le Grand Pavois de La Rochelle en septembre et le Nautique de Paris en Décembre, suivis par le Boot de Düsseldorf fin janvier et le Miami International Boat Show en février, et ainsi de suite. Des salons durant lesquels les concessionnaires passent les commandes, quand, il est important de le noter, le client final, le consommateur en quelque sorte, manifeste un certain appétit pour acheter des bateaux neufs (alors que le marché de l'occasion offre souvent beaucoup d'opportunités). C'est-à-dire quand il ne craint pas pour son emploi et pour payer ses traites par ailleurs : les récessions peuvent être meurtrières dans ce métier, avec des ventes en baisse de -40% comme en 2008-2009, puisque nous sommes bien évidemment dans la consommation dite "discrétionnaire".

Un métier industriel en croissance : la plaisance !

Le marché de la plaisance n'est par ailleurs pas tout à fait anecdotique, puisqu'il était estimé globalement à 26 milliards de dollars en 2020, et qu'il est plutôt bien orienté qui plus est, avec une croissance moyenne de +5% par an en principe selon les bureaux d'études. Une croissance tirée à la fois par le besoin de grand air de tout un chacun, le besoin aussi de liberté (voire de tranquillité), de se confronter éventuellement avec la mer, et d'en profiter loin des plages surpeuplées, etc…, etc…

Avec aussi d'autres bonnes raisons pour acheter un bateau, comme le fait que ça peut remplacer avantageusement une maison de campagne, ou de vacances sur la côte. Surtout les catamarans, qui offrent presque autant de place au sol, et qui sont donc très naturellement un des segments les plus porteurs de ce marché. Et avec enfin un segment haut de gamme qui se développe bien : tous les constructeurs ajoutent à leurs offres des bateaux de plus en plus grand, de 80 pieds de long, soit 25 mètres, et plus, et de plus en plus luxueux, comme il se doit, ce qui est bien dans l'air du temps.

Le plus grand marché de la plaisance étant comme on peut s'en douter l'Amérique du Nord avec ses côtes variées et ses lacs, un marché où opèrent des grandes marques, comme Bennington Marine, Brunswick (et ses fameux moteurs Mercury) et Catalina Yachts. Mais l'Europe ne démérite pas non plus, loin de là, avec le deuxième constructeur mondial : notre Groupe Bénéteau et d'autres grandes marques comme l'anglais Sunseeker, l'allemand Bavaria Yachtbau, et les italiens Ferreti et Azimut-Benedetti, etc… pour ne citer que les acteurs les plus importants. Dans un métier encore très atomisé en fait, puisqu'il y a au bas mot environ 1 500 constructeurs de bateaux en tous genres, ce qui n'est pas rien.

Une bonne illustration de ce phénomène : Fountaine Pajot

Avec un chiffre d'affaires de 220 millions d'euros sur son dernier exercice clos fin août 2022, 1.040 salariés environ (1 400 en comptant les intérimaires) et quatre sites industriels en Charente Maritime, Fountaine Pajot, coté à Paris depuis 2007, n'est pas le plus grand des acteurs français, loin s'en faut, mais c'est un acteur des plus intéressant puisque grand spécialiste du catamaran.

Créé en 1976 pour fabrique des dériveurs en résine, avec une légitimité forte, un de ses fondateurs étant un grand champion de régates en dériveurs, Fountaine Pajot a de fait lancé ses premiers catamarans de croisière dès 1982 (architecte Joubert Nivelt – Gamme Louisiane) et ses premiers catamarans à moteur (gamme Trawler) en 1998. Et réalise à présent 65% de son chiffre d'affaires avec les catamarans à voile, les derniers modèles étant les Isla 40, Astréa 42, Elba 45, Tanna 47, Aura 51, Samana 59, Alegria 67, New 80, et 9% avec les catamarans à moteur Motor Yachts MY4.S, MY5, MY et Power 67. Le reste de l'activité, soit 26%, étant réalisé toutefois avec de grands voiliers monocoques construits par la filiale Dufour Yachts, autre marque relativement ancienne et à forte notoriété : les Dufour 430, 470 et 530, pour ne citer que les derniers modèles.

Résultat économique : plutôt brillant, apparemment

Fountaine Pajot avait comme les autres encaissé une vraie chute d'activité, soit -17% sur son exercice clos fin août 2020 pour les raisons que l'on connaît, mais s'est bien rattrapé depuis, soit une croissance de son chiffre d'affaires de +17% sur l'exercice suivant, ce qui est bien normal, et encore de +9% sur le dernier exercice clos fin août 2022. Avec une belle marge opérationnelle (: le résultat opérationnel courant/chiffre d'affaires), soit 11,8%, ce qui est nettement mieux que Bénéteau, pourtant leader du secteur, mais qui ne devrait n'arriver qu'à 9% environ sur son exercice 2022, pourtant très bon en principe. Un résultat qui se retrouve presque intégralement (après impôt sur les sociétés, s'entend) dans le résultat net, puisque la société ne paie que très peu de frais financiers.

Lequel résultat net s'ajoute aux amortissements pour constituer une Capacité d'Autofinancement (de l'argent dont l'actionnaire est propriétaire, ce qui n'est pas le cas du sacro-saint Ebitda de la théorie financière moderne), qui couvre largement les investissements chez Fountaine Pajot. Comme sur le dernier exercice où, au bas mot, 16 millions d'euros de résultat net publié plus 10 millions d'euros d'amortissements font 26 millions d'euros de Capacité d'Autofinancement, ce qui laisse une génération de trésorerie libre conséquente après 11 millions d'euros d'investissement. Autrement dit, et après ce calcul très rudimentaire (mais très indispensable en fait pour l'investisseur), Fountaine Pajot est en free cash-flow positif, et ce pratiquement année après année. Ceci alors que, ce qui ne gâte rien, le groupe finance en bonne partie ses encours d'exploitation avec les avances reçues sur les commandes.

Inutile de préciser que cette société familiale affiche un bilan très solide, avec une situation de trésorerie nette largement positive, et plus de liquidités en caisse que de dettes financières, soit un endettement net négatif, ce qui est rarement le cas dans l'univers des sociétés cotées (et vraisemblablement plus rare encore dans le monde du Private Equity).

Bref… : Fountaine Pajot crée indubitablement de la valeur pour ses actionnaires. Même le marché, qui a toujours raison (mais pas toujours au bon moment) a semblé s'en apercevoir, puisqu'il redécouvre le titre, à en juger d'après la belle performance du cours de Bourse, soit +10% depuis le 1er janvier 2023.

Un bel avenir en préparation : le tout électrique en 2030, et plus de capacités de production bientôt

Le présent n'est pas mal, mais l'avenir semble aussi bien ménagé a priori : outre les engagements classiques sur la réduction de l'empreinte carbone en tant qu'industriel, Fountaine Pajot développe résolument comme ses confrères (et néanmoins concurrents) des produits moins carbonés, avec très notamment de nouveaux systèmes de gestion de l'énergie et de propulsion. Et a pris une participation majoritaire dans Alternatives Energies, petite société qui développe et intègre depuis 20 ans des solutions de propulsion zéro émission ou hybrides sur-mesure pour bateaux.

Fountaine Pajot s'est engagé de plus à ce que tous ses bateaux aient une propulsion électrique en 2030, et commence déjà à équiper ses plus grands modèles : le catamaran Aura 51 Smart Electric a deux moteurs électriques alimentés par des hydrogénérateurs quand le bateau marche sous voile, ainsi que des panneaux solaires, alimentant des batteries lithium haute capacité, le tout étant géré par une plateforme logicielle et une interface développée par l'OD Sea Lab, qui est le laboratoire interne de R&D/Innovation.

Mieux encore, le groupe renforce ses capacités de production avec a) depuis le dernier exercice, un partenariat de sous-traitance pour la construction de ses catamarans Motors Yachts avec Couach, un chantier de taille moyenne implanté en Gironde, spécialiste historique des cabin cruisers (de 11 à 50 mètres), des vedettes rapides et des bateaux de sauvetage, et b) des recrutements, soit 150 collaborateurs de plus recherchés pour l'exercice en cours, après plus de 100 embauches  sur le dernier exercice, et la mise en place d'une école métier en interne pour les former plus vite.

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1 commentaire

  • 23 janvier 16:50

    hum Couach ? de très mauvais souvenirs pour les boursicoteurs ...


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