Entretien avec Augustin Bloch-Lainé, gérant actions chez Amplegest.
Pourriez-vous nous décrire le fonds Amplegest MidCaps?
Augustin Bloch-Lainé : Créé en 2007, Amplegest Midcaps est un fonds essentiellement investi dans les petites et moyennes sociétés françaises. La capitalisation médiane des actifs détenus dans le portefeuille est voisine de 700 millions d’euros. Il y a 4 ans, j’ai pris les rênes du fonds pour y mettre en œuvre une gestion qui s’appuie sur du stock-picking pur. Le portefeuille comprend une cinquantaine de lignes mais il est assez concentré puisque les 10 premières positions concentrent 35% de l’actif. A ce jour, l’encours s’élève à 105M€.
Pourriez-vous nous expliquer en quoi consiste votre approche « private equity » ?
A B-L : Si j’utilise ce terme c’est pour donner de la couleur à mon approche qui repose sur une méthode très similaire à celle du Private Equity. Très simplement, cela consiste à bâtir des cas d’investissement reposant sur une analyse (financière et fondamentale) poussée et sur des horizons plutôt longs (3 à 5 ans). Nos investissements sont systématiquement appuyés par des modèles financiers établis en interne et les actes de gestion sont écrits, argumentés et archivés. En termes de valorisation, nous ne fonctionnons pas sur la base d’objectifs de cours à 6 ou 12 mois, mais sur des espérances de rendement annualisés sur longue période (3/5ans). Nos espérances de rendement reposent uniquement sur la croissance des résultats et sur la génération de cash. L’inflation des multiples, si elle se matérialise, est un bonus. En somme, ce qui nous rapproche du « private equity » c’est le suivi d’un process rigoureux qui consiste à établir des objectifs de rendements cohérents avec les perspectives de l’entreprise à moyen/long terme.
Quelles sont les étapes de ce process ?
A B-L : Notre travail au quotidien se divise en 3 étapes : 1/ la recherche des sociétés et la compréhension de leur modèle, 2/ la valorisation et 3/ la construction/gestion de positions.
Alors justement quel type de sociétés recherchez-vous ?
A B-L : L’objectif est de retenir les sociétés qui parviennent à délivrer de la croissance bénéficiaire de manière pérenne et le plus indépendamment possible des cycles macro-économiques. La croissance bénéficiaire peut s’exprimer à travers le développement de l’activité ou bien par une réduction des coûts. Dans le premier cas, la croissance doit être protégée par des barrières à l’entrée solides. Typiquement, les coûts de transfert (« switching costs » en anglais) que l’on retrouve chez les éditeurs de logiciels et dans certains cas chez les SSII constituent une barrière particulièrement forte. Pharmagest est une bonne illustration : ses solutions progicielles sont si fortement implantées dans les systèmes des pharmaciens qu’il semble peu probable de voir sa part de marché menacée par un nouvel entrant. Un changement de prestataire coûterait cher aux pharmaciens (en argent et en temps) pour un bénéfice à terme peu évident. Dans le second cas, la croissance des résultats doit venir d’une optimisation opérationnelle déclenchée, en général, par une transformation (changement de périmètre, de management…). C’est le cas de la FNAC qui, en rachetant DARTY, a fait naître des poches d’optimisation importantes tant au niveau des coûts centraux que du revenu généré par point de vente.
Quels sont les critères de valorisation que vous retenez ?
A B-L : Nous utilisons principalement trois ratios, l’EV/EBIT, le P/B (Price-to-book) et le FCF yield . L’analyse du premier permet de situer sur quel rythme de croissance le marché se projette et de voir si nous sommes en ligne avec ces attentes. Le P/B est à mettre au regard du ROE, qui mesure la rentabilité des fonds propres. Ce dernier permet de « juger » la qualité de la croissance et de mesurer la véritable valeur créée pour l’actionnaire. Schématiquement, si la croissance se fait au prix de trop gros investissements, toutes choses égales par ailleurs, le ROE se dégrade. De manière plus figée, l’analyse du ROE et du P/B à l’instant t permet de savoir si le titre bénéficie d’une prime ou subit une décote (ponctuelle et permanente) par rapport au marché. Enfin, nous utilisons le FCF yield qui est une source de rendement pour l’actionnaire assez comparable au dividende. Plus largement, la génération de Free-Cash-Flow est la métrique reine, puisqu’elle permet de mesurer la capacité de l’entreprise à monétiser ce qu’elle crée.
En résumé, nous utilisons ces ratios car ils nous permettent de répondre aux questions que nous nous posons tous les jours : quelle est la dynamique de croissance bénéficiaire ? et comment l’entreprise va-t-elle financer cette croissance ? Dès lors que l’on est capable de répondre à ces deux questions on peut prétendre avoir compris le business modèle de l’entreprise.
Quelle est votre politique d’achat et de vente de titres ?
A B-L : Il existe 3 cas de figure : l’entrée d’un titre, la gestion d’une position existante et la sortie d’un titre du portefeuille.
Nous sommes très vigilants au prix d’achat et la seule manière d’obtenir un bon prix c’est d’être patients. Dans le meilleur des cas, on peut inscrire dans notre scénario un décrochage boursier lié à un risque et être très réactif le jour où il se produit. GUERBET est un bon exemple. Je suis cette société depuis 3 ans mais je n’ai réalisé mes premiers achats que mi 2016. Il y a plus d’un an la société s’est lancée dans une opération très structurante en acquérant un concurrent (CMDS). L’opération allait sans doute créer de la valeur à moyen terme, mais l’intégration s’annonçait complexe notamment parce que CMDS était engagé dans une dynamique de décroissance forte. Cette bonne analyse du temps court et du temps long nous a permis d’investir à bon prix dans une société de qualité lorsque les comptes de l’entreprise ont été momentanément impactés par l’intégration.
Concernant la pondération des positions existantes, nous procédons régulièrement à des ajustements tactiques. Comme je vous le disais, nous avons des objectifs de rendement annuel pour chaque titre. Lorsque l’un d’entre eux se détache trop de son espérance de rendement, nous ajustons la pondération.
Concernant les sorties, il nous arrive rarement de solder la totalité d’une position pour un simple problème de valorisation. Si les raisons pour lesquelles nous sommes entrés sur le dossier sont intactes ou ont évolué dans un sens qui nous convient, il n’y a pas de raisons de le sortir du portefeuille. Il conviendra de réduire la position afin de profiter d’une éventuelle correction.
Quel bilan tirez-vous de la mise en place de cette approche ?
A B-L : L’objectif est d’obtenir une performance supérieure à celle du CAC Mid & Small sur 5 ans avec un niveau de volatilité inférieur au marché. Cet objectif est atteint avec une performance annualisée de +19% sur trois ans et une volatilité nettement inférieure à celle du marché. Au-delà des performances, je tiens à souligner que le fonds Amplegest Midcaps bénéficie d’une stabilité importante de son passif puisque 50% des encours sont détenus en interne, par la gestion privée. Dans un segment de marché qui manque parfois de liquidité, c’est un atout indéniable.
Vous gérez également le fonds Amplegest PME. Quelles sont ses caractéristiques ?
A B-L : Je suis exactement la même approche pour Amplegest PME. Puisqu’il est éligible au PEA-PME, la capitalisation médiane est inférieure à celle de MidCaps, autour de 300M€. A ce jour, l’encours s’élève à 20M€.
Quelles sont les perspectives pour Amplegest MidCaps cette année et à moyen terme ?
A B-L : Nous avons récemment renforcé notre bureau d’études qui se compose à présent de 4 analystes au service des 4 fonds maisons. L’encours du fonds a progressé de +70% cette année mais le risque de liquidité est sous contrôle puisque la capitalisation médiane des sociétés dans lesquelles nous sommes investis a doublé. Ainsi, en l’état actuel des choses, nous pourrions donc gérer 150M€ sans avoir à nous réinventer. A plus court-terme, le fonds a bien démarré le début d’année avec une performance de +1.70% contre -0.50% pour le CAC Mid&Small NR.
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