par Sarah Marsh
LA HAVANE, 26 novembre (Reuters) - Diego Maradona, le légendaire footballeur argentin, disait que le chef de file de la révolution cubaine, Fidel Castro, qu'il considérait comme un héros et comme un "deuxième père", lui avait conseillé de se lancer en politique. "El Pibe de Oro" ("le gamin en or"), décédé mercredi d'une crise cardiaque à l'âge de 60 ans, n'aura pas concrétisé ce voeu.
Mais celui qui arborait sur sa jambe gauche un tatouage à l'effigie du défunt Fidel Castro s'est fait le défenseur de dirigeants socialistes d'Amérique latine - tels que Castro, le vénézuélien Hugo Chavez et le bolivien Evo Morales -, dont il a contribué à accroître l'attrait au niveau international.
"Tout ce que fait Fidel, tout ce que fait Chavez pour moi est ce qu'il y a de mieux", déclarait-il en 2007 lors de l'émission télévisée hebdomadaire de Hugo Chavez.
"Je déteste tout ce qui vient des Etats-Unis. Je haïs cela de toutes mes forces", avait ajouté Diego Maradona, fils d'un employé d'usine et élevé dans un bidonville en périphérie de la capitale argentine Buenos Aires.
Le fantasque footballeur a rencontré pour la première fois Fidel Castro en 1987, un an après avoir emmené l'équipe d'Argentine vers un sacre en Coupe du monde et quatre ans avant la chute de l'Union soviétique, qui a provoqué une nouvelle ère de difficulté économique à Cuba.
Entre les deux hommes s'est nouée une improbable amitié, renforcée au début des années 2000 lorsque Diego Maradona a passé quatre ans sur l'île communiste pour tenter d'en finir avec son addiction aux drogues.
"Avec ses origines modestes, Castro était pour lui son idole", a déclaré Alfredo Tedeschi, qui s'est lié d'amitié avec Diego Maradona lorsqu'il travaillait à La Havane pour Reuters.
"C'est comme s'il était tombé amoureux (de Castro), et ensuite sont arrivés Chavez, Morales et les autres", a ajouté le producteur de télévision argentin, désormais basé en Belgique.
PARTIE DE FOOTBALL DANS LE BUREAU DE CASTRO
Alfredo Tedeschi, qui invitait régulièrement Diego Maradona à dîner autour d'un barbecue, s'est souvenu d'une fois où la légende du football a frappé à sa porte pour lui proposer une visite inopinée chez Fidel Castro. Celui-ci a reçu les deux hommes à peine quelques minutes après leur arrivée et a aménagé son emploi du temps pour passer trois heures en leur compagnie - notamment pour une partie de football dans son bureau.
Castro, lui aussi, se rendait à l'improviste au domicile de Maradona à La Havane, a déclaré Tedeschi. "Ils parlaient toujours de politique. Diego était vraiment intéressé par la politique", a-t-il ajouté.
En 2005, Diego Maradona a réalisé un entretien de Fidel Castro pour son émission à la télévision argentine. Il a interrogé le dirigeant cubain sur la manière dont George W. Bush avait pu être réélu à la présidence des Etats-Unis. "La fraude. La mafia terroriste de Miami !", a répondu Castro.
Aux yeux d'Alfredo Tedeschi, Diego Maradona était aussi devenu un outil de propagande pour les dirigeants socialistes d'Amérique latine. "Il était le genre de gars dont n'importe quel propos avait des répercussions", a dit le producteur. "Et pour Fidel, une telle propagande était bienvenue".
Ironie du destin, Diego Maradona est décédé un 25 novembre, comme son idole Fidel Castro il y a quatre ans.
"Ces deux dates sont imbriquées et le resteront tout au long de l'histoire: deux géants, l'un du football et l'autre de la révolution cubaine", a déclaré Luis Perez, retraité de 64 ans de La Havane.
Le ministre cubain des Affaires étrangères, Bruno Rodriguez, a déclaré sur Twitter que l'"amitié" de Diego Maradona avec Cuba "et particulièrement avec Fidel faisait de lui un membre" du peuple cubain.
Nicolas Maduro, le successeur de Hugo Chavez à la tête du Venezuela, et Evo Morales ont aussi exprimé leurs condoléances via Twitter. Maradona avait publiquement soutenu Maduro face aux sanctions américaines contre le gouvernement vénézuélien.
En 2008, alors président bolivien, Evo Morales avait recruté Diego Maradona pour un match de gala à La Paz destiné à soutenir les efforts de la Bolivie contre l'interdiction des matches en altitude décrétée par la Fédération internationale de football (FIFA). L'interdiction fût par la suite levée.
Dans un entretien au journal argentin Clarin en 2018, Diego Maradona a déclaré qu'il pourrait envisager de se lancer en politique, peut-être au côté de la candidate péroniste Cristina Fernandez pour l'élection présidentielle argentine de 2019, afin de déloger le gouvernement conservateur de l'époque.
"Fidel m'a dit que je devais dédier ma vie à la politique (...) Je vois des gens souffrir, des gens qui ne peuvent pas joindre les deux bouts jusqu'à la fin du mois", disait-il.
Cristina Fernandez, désormais vice-présidente de l'Argentine, avait choisi une autre voie. Mais elle a rendu hommage mercredi à cet ancien admirateur. "Beaucoup de tristesse. Un géant s'en est allé", a-t-elle écrit sur Twitter. "Pour toujours, Diego, nous t'aimons".
(version française Jean Terzian)
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