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Elis, solide dans la tempête
information fournie par Le Cercle des analystes indépendants 17/03/2021 à 16:30

Jérôme Lieury
Jérôme Lieury

Jérôme Lieury

Olier Etudes & Recherches

Analyste financier, membre du Cercle des analystes

https://www.olier-etudes-recherche.fr/

Basée à Saint-Cloud, Elis opère dans 28 pays d'Europe et d'Amérique Latine, avec un chiffre d'affaires 2020 de 2,8 milliards d'euros et 46.600 salariés, et plus de 380.000 clients dans des secteurs variés : l'agroalimentaire, la pharmacie, l'eau, l'automobile, les hôpitaux, les cliniques et les maisons de retraite, la distribution grande et petite, le facility management, la restauration collective, et l'hôtellerie-restauration. (Crédit photo : L. Grassin)

Basée à Saint-Cloud, Elis opère dans 28 pays d'Europe et d'Amérique Latine, avec un chiffre d'affaires 2020 de 2,8 milliards d'euros et 46.600 salariés, et plus de 380.000 clients dans des secteurs variés : l'agroalimentaire, la pharmacie, l'eau, l'automobile, les hôpitaux, les cliniques et les maisons de retraite, la distribution grande et petite, le facility management, la restauration collective, et l'hôtellerie-restauration. (Crédit photo : L. Grassin)

Investir en Bourse, c'est rarement ennuyeux. Investir en Bourse, autrement dit acheter des actions de sociétés pour les conserver éventuellement un certain temps, c'est inévitablement acheter les espérances de résultats desdites sociétés. Lesquelles espérances peuvent varier fortement non seulement d'une société à l'autre, et ce même dans un secteur donné, mais aussi en fonction de la conjoncture, qui est, comme on a pu s'en apercevoir ces derniers temps, très variable aussi.

Mais on ne peut pas y échapper : à moins de s'amuser à dupliquer les indices dans son portefeuille, ou à gérer de façon "systématique" avec des algorithmes savants, on se doit d'avoir un scénario "macro" économique en tête pour se faire une idée de l'environnement dans lequel évoluent les sociétés dont on est actionnaire. Ce qui revient en gros à essayer de savoir où on en est et vers quoi on se dirige dans cette fameuse conjoncture, en laissant surtout aux vrais experts : stratégistes et économistes, le soin de faire des prévisions. Ce qui est un exercice éminemment difficile, même si, par construction, une prévision est toujours révisable en hausse ou en baisse, ce qui aide bien parfois.

D'autant que, par construction aussi, les prévisions ne nous mettent pas à l'abri des surprises, et il y en a eu de belles depuis un an, dans cette récession fantastique qui nous est tombé dessus sans crier gare pour cause de crise sanitaire. Et même si les récessions n'ont rien de joyeux, on peut tenter de voir le bon côté des choses et se dire qu'avec tous ces évènements fracassants, et leurs répercussions sur les cours de Bourse, on s'ennuie rarement à suivre les marchés. Ce qui est toujours ça de pris, dans le fond.

Une vraie bonne surprise en fin d'année 2020 : l'industrie redémarre fort

Il y a de bonnes surprises, de plus, et la dernière en date se trouve dans les résultats 2020 des entreprises industrielles, qui ont publié pour la plupart ces dernières semaines : même si ce n'est pas très glorieux par rapport à 2019, beaucoup d'entre elles s'en sortent bien mieux sur l'année que ce que l'on pouvait craindre après des résultats des 1er semestres catastrophiques. Grâce à des troisièmes trimestres en fort rattrapage, ce que l'on savait déjà, et surtout des quatrièmes trimestres très souvent en vraie reprise, ce à quoi on ne s'attendait pas vraiment. Et alors que les graves chutes de volumes d'avril-mai-juin n'avaient pas vraiment pesé sur les prix, ce qui est une des particularités intéressantes de cette récession, la reprise se fait à présent dans un contexte de fortes hausses des matières premières, les métaux en tête, et des coûts logistiques avec une explosion des taux de fret maritime, et avec l'apparition de goulots d'étranglements dans les chaînes de valeur, le plus commenté étant la pénurie de composants électroniques qui freine un tant soit peu la production automobile.

Soit autant de hausses de coûts intermédiaires qui vont se retrouver un jour dans les prix à la consommation, c'est indubitable, et devraient donc relancer l'inflation.

Un peu plus d'inflation : une vraie bonne nouvelle ?

De fait, le grand mot est lâché, et les commentaires, les raisonnements et les débats d'experts vont bon train puisque l'hydre inflationniste, qui détruit le pouvoir d'achat des rentiers, c'est bien connu, semble redresser à nouveau sa tête épouvantable. Ce qui a comme premier effet de faire remonter un tant soit peu les taux d'intérêts à long terme, lesquels intègrent en principe les anticipations d'inflation : les investisseurs les plus exposés, les détenteurs d'obligations souveraines qui ne rapportent plus grand-chose (les Treasury Notes US à 10 ans), voire moins que rien (les OAT françaises et les Bunds allemands) commencent à vendre ces dernières, ce qui pèse sur les cours et tire mécaniquement les rendements vers le haut, pour se repositionner sur des titres de dettes nettement plus rentables, sinon plus risqués : c'est la vie.

Une remontée qui, si elle s'amplifiait encore un peu, constituerait une bonne nouvelle a) pour l'épargnant de base, dont les placements les plus sûrs ne rapportent plus grand-chose en ce moment, ce qui peut paraître très injuste, et décourageant, voire malsain, b) pour les banques, qui ont du mal à gagner leur vie sur les marges d'intérêts (et qui pourraient prêter plus si elles gagnaient plus, bien entendu).

Ceci alors que l'inflation elle-même est pour le moment très faible en fait : moins de 1% en rythme annuel en Zone Euro et moins de 1,5% aux USA, c'est-à-dire très en dessous du sacro-saint objectif de 2% assigné à nos chères Banques Centrales et que le vrai danger est éventuellement la déflation, laquelle mène inéluctablement comme chacun sait à la dépression économique façon années 1930. Ce qui incite à penser qu'inversement un peu de reflation tomberait à pic pour donner un peu plus de tonus à des économies qui commencent à échapper aux effets délétères du virus, même si celui-ci est toujours là. Voire qu'il faudrait casser pendant quelques temps ce grand (et très vieux) tabou des 2%, et qu'une inflation à 3% par an qui justifierait, par exemple, des revalorisations sérieuses des salaires les plus bas, mettrait de l'huile dans les rouages. Et contribuerait beaucoup à la bonne humeur générale, qu'on se le dise.

Un peu d'inflation ne ferait pas de mal non plus aux sociétés qui opèrent dans les services quels qu'ils soient, et bien sûr dans les services aux entreprises, comme Elis, champion incontesté d'un beau métier très discret : le linge.

Elis : de bonnes marges pour la petite multinationale

Basée à Saint-Cloud, Elis opère dans 28 pays d'Europe et d'Amérique Latine, avec un chiffre d'affaires 2020 de 2,8 milliards d'euros et 46.600 salariés, et plus de 380.000 clients dans des secteurs variés : l'agroalimentaire, la pharmacie, l'eau, l'automobile, les hôpitaux, les cliniques et les maisons de retraite, la distribution grande et petite, le facility management, la restauration collective, et l'hôtellerie-restauration. Le groupe fournit à ses clients entreprises des services a) de location-entretien de linge plat : draps, serviettes, nappes, etc… (37% CA 2020), principalement pour les clients de l'hôtellerie-restauration, mais aussi pour le secteur de la Santé, la distribution, etc…, b) de location-entretien de vêtements de travail (40%CA) : uniformes, combinaisons de protection pour toutes sortes de métiers, y compris ceux soumis à des contraintes d'ultra-propreté, et, enfin, c) de location-entretien (et approvisionnement en consommables) de matériels HBE (Hygiène Bien-être ; 23%CA) : distributeurs de savon, de serviettes, etc…, fontaines à eau, et machines à café, et aussi dératisation-désinsectisation de locaux.

Pour ce faire, Elis s'appuie dans chaque pays sur un dispositif de centres de production/distribution : blanchisseries industrielles et plates-formes logistiques, et des flottes de camionnettes de services pour collecter le linge et le ramener propre et repassé. Le groupe opère le plus souvent sur la base de contrats de longue durée, qui procurent une activité très récurrente a priori, et l'activité dégage de façon toute aussi récurrente une bonne rentabilité, soit une marge opérationnelle de plus de 13% durant les années d'avant crise, qui tient en partie au fait que presque tous les services peuvent être délivrés par un même agent de tournée, dans sa camionnette Elis que l'on croise souvent au détour de nos rues.

Pas mal de croissance dans le monde d'avant

Ces belles marges génèrent des liquidités (de la capacité d'autofinancement, du cash-flow) à un bon niveau, dont une partie est disponible pour acquérir des petits acteurs de ces métiers. De fait, Elis  a grandi au fil du temps non seulement par croissance organique en développant sa clientèle et son outil industriel, mais aussi par acquisitions de petits concurrents (71 opérations depuis 2010), alors que ce métier est encore relativement atomisé. Ceci non seulement en Europe, mais aussi au Brésil depuis 2014, où le groupe s'est construit une position d'acteur national, ce qui n'est a priori pas le cas de ses concurrents.

Après s'être introduit en Bourse en 2015, le groupe a aussi franchi une étape majeure dans son développement en 2017 avec l'acquisition de Berendsen PLC, qui opère principalement en Grande-Bretagne et en Europe du Nord et en Europe centrale, et apportait un chiffre d'affaires de 1,4 milliard d'euros (1,1 milliard de £) en année pleine.

Qui regarde un tant soit peu les bilans notera qu'Elis est plutôt très endetté, avec un ratio Dette Nette/Fonds Propres de 117% fin 2020 après 114% fin 2019 (et 3,7x Dette Nette/Ebitda pour les puristes) ce qui est un peu beaucoup en valeur absolue, mais n'inquiète outre mesure pas la direction du groupe. Parce que c'est quasiment culturel, le groupe ayant supporté bien plus quand il était la propriété d'investisseurs en private equity, et surtout parce que l'activité génère structurellement de la trésorerie libre (du free cash-flow en bon français, qui est ce qui reste du cash-flow une fois que l'on a fait tous les investissements, les petites acquisitions habituelles y compris).

2020 : bonne résistance du modèle

Elis a publié très récemment ses résultats 2020 qui, comme on peut s'en douter, souffrent de la comparaison avec 2019, soit un chiffre d'affaires en recul de -14,5% sur l'année, et de -13,3% à changes constants (dont -33% en avril et -30% en mai), et un résultat opérationnel courant en recul de -37%. Le groupe a de fait souffert principalement de son exposition à l'hôtellerie, dont l'activité a reculé de -50% environ, particulièrement en France, avec Paris déserté par le tourisme, en Espagne, et au Royaume-Uni. Avec par ailleurs un recul très limité de l'activité (-2%/-3%) chez les clients industriels et distributeurs et de la croissance (+3%) chez les acteurs de la santé : la diversification aide, manifestement.

Très industriel pour un métier de services, et portant dans son bilan les stocks des textiles loués aux clients, Elis investit beaucoup tous les ans, et amortit donc aussi beaucoup tous les ans. Avec des amortissements un peu plus élevés en 2020 qu'en 2019, l'Ebitda 2020 (la somme du résultat opérationnel courant et des amortissements) a baissé un peu moins que le chiffre d'affaires, soit un gain de +0,2 point de marge Ebitda/Chiffre d'affaires. La magie de l'arithmétique comptable aide bien la direction, qui a mis ce chiffre en avant dans sa communication, car bien plus agréable à regarder que la baisse de -3,7 points de la marge opérationnelle, qui est quand même la dure réalité.

Mais ce dernier chiffre montre finalement une très bonne résistance, une marge opérationnelle de 9,8% étant encore plus que bonne à prendre : Elis a taillé dans ses coûts fixes, notamment ses coûts centraux, réalisé des gains de productivité et, avec son métier intense en main d'œuvre, largement utilisé le chômage partiel partout où c'était possible.

Mieux encore, Elis a généré du free cash-flow nonobstant les disruptions en tous genres de cette année exceptionnellement mauvaise, en réduisant un peu mais pas trop ses investissements, c'est-à-dire en renonçant à augmenter ses capacités pour le moment, et après avoir réalisé cinq acquisitions sur l'année. Et réduit un tout petit peu son endettement (de 90 millions d'euros sur un total de 3 370 fin 2019) avec cet excédent.

Le direction nous promet une croissance de +3% en 2021, avec un peu plus de marge d'Ebitda, et un peu plus de free cash-flow.
C'est prudent, mais que demander de plus ?

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