. Les marchés financiers ont financé sans vergogne ces sociétés qui brûlent du cash sans avoir de bénéfice, pour acheter des parts de marché et étouffer les acteurs historiques qui tardent à réagir.
Le Nasdaq est l’indice actions qui a le plus progressé en 9 ans: il a été multiplié par 5 contre 3,5 pour le S&P500. Le contexte d’hyperliquidité induite par le QE a causé une baisse des taux qui a largement profité aux sociétés technologiques à duration longue donc très sensibles au niveau des taux. Une hausse des taux, déclenchée par une anticipation du retour de l’inflation aux Etats Unis serait très dommageable pour la valorisation de ce secteur. C’est ce qu’on a pu constater au mois de mars avec une correction de l’ensemble du marché (-2,69% pour le S&P500) largement amplifiée par les stars du Nasdaq : -6% pour Google et Apple, -10% pour Facebook.
Le mouvement de baisse a été amplifié par les révélations de Facebook sur l’utilisation des données de ses clients qui a jeté l’opprobre sur l’ensemble du secteur. En effet, le business modèle des GAFA est basé sur la gratuité et la confiance. Le scandale Facebook a provoqué une crise de confiance. Ceci remet en cause le business model de certaines sociétés, car sans confiance la gratuité n’existe plus étant donné qu’elle est financée par la publicité. Les investisseurs envisagent la fin des données gratuites, surtout en Europe.
Même si elle n’est pas de la même ampleur qu’en 2000, une bulle s’est indéniablement constituée. Les marchés financiers ont financé sans vergogne ces sociétés qui brûlent du cash sans avoir de bénéfice, pour acheter des parts de marché et étouffer les acteurs historiques qui tardent à réagir. Les investisseurs sont à la recherche du futur Facebook et sont prêts à payer plus pour Tesla qui produit 100 000 voitures que General Motors qui en produit 10 millions.
Dans le secteur des GAFA, il n’y a pas de clientèle ciblée : le marché internet est mondial et le gagnant emporte toute la mise. La fiscalité est délocalisée dans les états les plus favorables. Les choses risquent aussi de changer sur ce sujet. Des barrières tarifaires nouvelles pourraient être appliquées. La fiscalité et la régulation se durcissent notamment en Europe (taxe sur le chiffre d’affaire, normes sur la propriété des données). Le monde est en train de se refermer avec l’arrivée de nouveaux leaders autoritaires (Trump, Xi Jimping, Poutine) alors que les valeurs internet se sont développées grâce à la mondialisation. Donald TRUMP n’apprécie pas Jeff BESOS et Amazon en raison de ses pratiques fiscales et de l’impact du développement de la vente sur internet sur le petit commerce.
Au total, la hausse des barrières au commerce mondial, et le durcissement de la régulation et de la fiscalité constituent un mille-feuille indigeste pour les GAFA.
On peut voir cependant une certaine vertu dans la correction actuelle. Comme en 2001, la correction d’aujourd’hui va permettre de sélectionner le bon grain de l’ivraie. Seules les sociétés qui génèrent du bénéfice (Apple, Microsoft) peuvent survivre alors que celles dont la performance boursière n’est pas justifiée (UBER, Tesla, Amazon) risquent gros.
Apple et Microsoft, les acteurs historiques de la tech, ont déjà survécu au dégonflement de la bulle internet de 2000. Leurs ratios de valorisation sont proches de la moyenne des grands indices. La croissance exponentielle n’est plus au rendez-vous, mais leur statut de vache à lait leur confère un profil défensif bien venu dans le contexte actuel. Au contraire, avec un PER de 182 fois les bénéfices de 2018, Amazon a atteint une valorisation stratosphérique. Les bénéfices ne justifient en aucun cas un tel niveau de prix : ils ont été multipliés par 4 en 9 ans, alors que le prix lui a été multiplié par … 20 ! On doit alors se tourner vers la croissance pour pouvoir se rassurer : décevante en 2017 (-6,95%) elle est toujours prévue par le consensus des analystes à +86% en 2018 et +84% en 2019. Ces chiffres mirobolants risquent à nouveau de décevoir. Cependant, il est vrai qu’Amazon a plus d’un tour dans sa manche et investit massivement dans l’IA et les technologies du cloud. C’est moins le cas pour Tesla qui s’est attaqué au secteur de la mobilité, ou les acteurs historiques sont extrêmement puissants et commencent à s’organiser très sérieusement.
Les constructeurs allemands se sont accaparé une grosse partie des capacités de production de batteries en Asie, et une grande partie des pièces de Tesla sont produites par Mercedes. Le poisson d’avril d’Elon Musk qui a fait croire pour plaisanter que TESLA était en faillite, est une erreur grave de communication qui en dit long sur sa fébrilité.
Christophe PRAT, Directeur Général Pythagore Consult
Membre du Cercle des analystes indépendants
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