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Bourse : très (trop) chères valeurs françaises du luxe ?
information fournie par Boursorama27/11/2020 à 07:50

Sarah  Belhadi
Sarah  Belhadi

Sarah Belhadi

BoursoBank

Chef de rubrique Bourse

(Crédits photo : Unsplash - Mal Querrer )

(Crédits photo : Unsplash - Mal Querrer )

Si la consommation de produits de luxe a été fortement ralentie par la crise sanitaire et par le premier confinement, les résultats du 3e trimestre ont montré la résilience du secteur et sa capacité à préserver ses marges. Dans un contexte où la plupart des valeurs ont été massacrées en Bourse en 2020, les cours de LVMH, Kering et Hermès ont continué de grimper, avec une question sous-jacente pour les investisseurs : le luxe se paie t-il trop cher ?

Stratosphérique ! LVMH a dépassé cette semaine les 250 milliards d'euros de capitalisation boursière (soit presque 14% de la valeur du CAC 40), battant ainsi un record datant de France Telecom en mars 2000. Pour rappel, le groupe flirtait avec les 180 milliards d'euros il y a 18 mois…

Depuis le début de l'année, l'action LVMH a gagné 20% alors que le CAC 40, malgré le récent rebond, continue d'afficher une baisse de plus de 6%. En période de crise, le luxe fait indéniablement figure de valeur refuge dans la catégorie actifs à risques. Et les résultats affichent une résilience certaine.

Au 3e trimestre, les ventes du groupe de luxe ont reculé de 7% contre une baisse de 12% attendue par les analystes, avec un chiffre d'affaires avoisinant les 12 milliards d'euros. L'impact de la crise sanitaire a pu être réduit par le rebond des ventes du maroquinier Louis Vuitton : la division mode et maroquinerie (qui représente quasiment 60% des bénéfices du groupe) a enregistré une croissance de 12% alors que la plupart des autres activités du groupe ont chuté. Les investisseurs ont également salué la capacité du groupe, en dépit des incertitudes sanitaires et économiques, à préserver ses marges via une «maîtrise des coûts» et une «sélectivité des investissements».

Hermès a également fait état fin octobre d'un rebond de ses ventes en juin, juillet et août avec une progression de 7% à taux de changes constants après une chute de 41,5% au trimestre précédent. Si le chiffre d'affaires en France est toujours pénalisé par la réduction des flux touristiques, la croissance du groupe a été tirée sur cette période par l'Asie (notamment au Japon avec un rebond des ventes de 11% après un recul de même ordre au deuxième trimestre).

Du côté de Kering, les investisseurs ont beau être plus nuancés en raison de la sous-performance de Gucci, navire-amiral du groupe, les analystes ont salué des résultats supérieurs aux attentes et restent à l'achat sur le titre. Il faut dire que les maisons Yves Saint Laurent et Bottega Veneta ont affiché des taux de croissance  très encourageants (+3,9% pour le premier, +20,7% pour le second), laissant supposer qu'ils pourraient devenir de vrais leviers de croissance à l'avenir. De plus, la réorientation stratégique de Gucci avec le développement d'une gamme de produits dit «plus classiques», visant à séduire une clientèle plus diversifiée  devrait permettre de gagner de nouvelles parts de marchés.

Malgré la crise sanitaire, le secteur a tenu bon

Bref, «l'annus horribilis» annoncé pour le luxe n'a pas eu lieu. Le secteur a tenu bon malgré les limitations de circulation et la mise à l'arrêt du tourisme mondial, pourtant moteur de la croissance de la demande. Et la crise a boulversé les modes de consommation. La Chine a porté le rebond du secteur et c'est via sa consommation domestique qu'elle l'a faite. Si ce phénomène de consommation "buy in China" avait déjà été amorcé il y a quelques années, et encouragé par les autorités locales via la baisse des taxes d'importation sur les produits du luxe, la Covid-19 en a été un accélérateur.

De plus, alors que l'Europe et les Etats-Unis doivent faire face cet automne à une seconde vague de l'épidémie, le virus semble être déjà un lointain mauvais souvenir pour la Chine. «La Chine est le seul pays du monde qui va afficher une croissance positive en 2020. Elle est donc pour le luxe un vrai moteur de croissance», rappelle John Plassard, spécialiste en investissement chez Mirabaud. Avec le risque de se tasser ? Certainement pas, rétorque Isabelle Carpentier, gérante actions internationales chez Edmond de Rothschild Asset Management : «Actuellement, les clients chinois génèrent 30% des dépenses dans le luxe et on estime que cette proportion va continuer de progresser pour atteindre au minimum 40% dans les cinq années qui viennent. Maintenant il faut que les sociétés de luxe soient capables d'assurer ces relais de croissance, notamment via le développement d'une offre ciblée de distribution locale. C'est le point crucial des années à venir.»

Une crise qui fragilise le scénario de reprise

Pourtant, on ne peut nier que la crise sanitaire durable et peu modélisable fragilise le scénario de la reprise. Le monde attend en effet la mise en route de vaccinations massives mais reste soumise à cet agenda sanitaire bien incertain. Les ventes de produits de luxe dans le monde devraient chuter de 23% cette année à 217 milliards d'euros, leur plus forte baisse jamais enregistrée et la première depuis 2009, a indiqué mi-novembre le cabinet spécialisé Bain, étude très suivie dans le luxe.

En outre, le cabinet indique que les niveaux de 2019 ne pourraient être retrouvés qu'en 2023. Pour Isabelle Carpentier, ces chiffres doivent être nuancés : «Ces prévisions sont basées sur l'ensemble du secteur du luxe et tiennent compte de tous les segments des produits de  luxe (y compris notamment l'automobile premium ou encore l'hôtellerie de luxe.»

Pour la gérante,  il faut également s'affranchir d'une vision à court terme: «Certes, le secteur du luxe va connaître une ou deux années compliquées mais il faut avoir en tête la performance de ces groupes de luxe dans la durée. C'est un secteur qui créé de la valeur sur le long terme. Il l'a d'ailleurs démontré par le passée tant en terme de résultats que de performances boursières.» A raison. En dix ans, Hermès a progressé de 491%, Kering de 449% et LVMH 315%.

Le luxe à la française, une affaire de famille

Pour comprendre pourquoi le luxe a mieux résisté que d'autres à la crise, il faut se pencher sur leur mode de gestion. «Beaucoup de marques de luxe ont une gestion très rigoureuse de leur stock ce qui leur a permis de ne pas être trop pénalisées par la fermeture totale des usines de production et les circuits de distribution au printemps dernier», note John Plassard. En outre, «les marques déjà bien déployées sur le segment e-commerce, à l'instar de Hermès, ont réussi à combler une partie de la baisse des ventes pendant le premier confinement».

Mais cette solidité est surtout à chercher dans l'ADN de ces entreprises, véritables dynasties familiales. «La plupart de ces sociétés sont des entreprises familiales qui ont déployé des stratégies de long terme impliquant des investissements et ce, même en période de crise, pour continuer de croître et de générer des bénéfices » note Isabelle Carpentier d'Edmond de Rothschild. « L'actionnariat familial permet la mise en place de ce type de stratégies. Quand on regarde Hermès, qui affiche la plus forte résilience, on voit que la société est gérée sur long terme à tous les niveaux : qu'il s'agisse de la gamme de produits, de leur distribution et du financement. Ainsi, malgré la pandémie, ce sont des sociétés qui maintiennent des résultats supérieurs à la moyenne des marchés avec des marges qui restent stables ou baissent modérément. Et toute la complexité d'une société de luxe c'est de conserver  l'attractivité de ses produits et son pricing power », analyse Isabelle Carpentier.

Et la valorisation dans tout ça ?

Dans le contexte actuel, les investisseurs ont évidemment recherché dans leur stratégie d'investissement des sociétés avec des bilans sains capables de générer de la croissance. Est-ce néanmoins suffisant pour justifier des PER aussi élevés (Hermès 77,3 fois le bénéfice net par action anticipé fin 2020, LVMH 60,7, et Kering 41,7) ? Assurément, estiment  Marie-Caroline Fonta et Raffi Balyozyan, le duo qui pilote le fonds DGC-Franck Muller Luxury Fund issu d'un partenariat entre la maison de gestion Notz Stucki & Cie et la manufacture horlogère Franck Muller : «La force de ces valeurs, c'est leur grande capacité d'adaptation, leur digitalisation et leur résilience, et c'est cela qui est valorisé par le marché.»

Le luxe français a d'ailleurs encore une belle marge de progression en terme de valorisation. «La force d'un groupe comme LVMH, c'est d'être parvenu à intégrer un portefeuille de marques tout en conservant leur indépendance et leur identité. L'acquisition de Tiffany est une nouvelle opportunité pour le groupe. Elle équilibre ainsi son exposition entre les Etats-Unis et l'Asie», note Raffi Balyozyan, conseiller du fonds DGC-Franck Muller Luxury Fund qui investit dans une trentaine d'actions du luxe à l'échelle mondiale. Si la croissance de la demande en Chine est indéniablement  un moteur pour le luxe, d'autres parts de marché restent à gagner. «Les mastodontes du luxe sont encore en mesure de gagner des parts de marché sur des marques, notamment au détriment de celles qui étaient déjà en difficulté. Il faut s'attendre à de nouvelles consolidations dans le secteur», affirme Raffi Balyozyan.

Les jeunes et le luxe substainable

Enfin le luxe peut compter sur la croissance de la demande chez la jeune génération. Les «millenials» nés en 1980 et 1995 sont des acheteurs réguliers de produits de luxe et représentent selon l'étude du cabinet Bain, 35% du marché en 2019 et pourraient atteindre 45% en 2025», rappelle John Plassard. Mieux la génération qui lui succède pourrait bouleverser le secteur et devrait générer 40% des achats de produits de luxe d'ici 2035 ».

Une jeunesse qui dans son ADN est très sensible à la consommation responsable. Des attentes bien intégrées dans la stratégie des marques. «Kering a créé il y a quelques années un département spécifique dédié au substainaible», rappelle Marie-Caroline Fonta, la gérante du fonds DGC-Franck Muller Luxury Fund.

Le sujet prend de plus en plus d'importance dans l'univers du luxe, bien conscient qu'il s'agit d'une tendance de fonds et d'un vrai relai de croissance. Il n'est d'ailleurs pas anodin de constater qu'Emma Watson (ou Hermione dans l'adaptation cinématographique de Harry Potter…), actrice et activiste  a récemment été nommée au Conseil d'administration du groupe de François-Henri Pinault.

In fine, la capacité d'adaptation du luxe et leur solidité leur offre de belles perspectives. LVMH devrait pouvoir encore tirer sa croissance notamment via la récente acquisition du joaillier américain, Hermès peut compter sur sa solidité et sa capacité à préserver son pricing power, et l'intemporalité de ses produits très recherché en temps de crise. Quant à Kering, sa faiblesse reste sa forte dépendance à  Gucci, environ 80% du résultat opérationnel  du groupe ». A insérer dans un portefeuille plus dynamique donc, selon Marie-Caroline Fonta et Raffi Balyozyan.

A la question "stop ou encore ?" sur la progression des valeurs du luxe, gérants et analystes semblent d'accord pour dire "encore". Mais attention avec une reprise incertaine et des valorisations de plus en plus exigeantes, la moindre déception par rapport aux attentes des investisseurs risque de se payer comptant.

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1 commentaire

  • 27 novembre08:22

    valorisation stratosphérique, peut-être, mais il y a mieux aux USA, question valorisation, surtout que dans ces valorisations stratosphériques on ne parle m^me pas de l'endettement parfois également stratosphérique


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