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Alstom : en pleine nouvelle mobilité
information fournie par Le Cercle des analystes indépendants 16/05/2024 à 08:59

Jérôme Lieury
Jérôme Lieury

Jérôme Lieury

Olier Etudes & Recherches

Analyste financier, membre du Cercle des analystes

https://www.olier-etudes-recherche.fr/

Le logo d'Alstom (crédit photo : Adobe Stock /  )

Le logo d'Alstom (crédit photo : Adobe Stock / )

Même si c'est souvent comme ça que l'on nous présente la chose, puisque ça fait vendre des voitures électriques (surtout des SUV) sans parler des vélos et des trottinettes, la nouvelle mobilité, celle qui doit sauver la planète contre les méfaits de l'automobile à carburant fossile, n'est pas qu'individuelle : elle est aussi de masse. Et même si cette mobilité de masse est moins glamour, elle sauve tout autant la planète, sinon plus : quand il s'agit de déplacer quelque chose (de lourd, souvent) d'un point à un autre, qu'il s'agisse de marchandises ou de nos augustes personnes, le train et ses dérivés métros et trams, affiche un bilan carbone imbattable.

A en croire en tout cas l'ADEME, l'agence gouvernementale qui régit la transition écologique en France, dont les savants calculs montrent qu'un trajet sur chemin de fer émet en gros 32 fois moins de CO2 qu'un trajet sur route en voiture à essence ou diésel, et encore 23 fois moins de CO2 qu'un trajet en avion. Ou à en croire aussi une autre institution des plus respectables, à savoir l'Agence International de l'Energie, qui a mesuré quant à elle la consommation d'énergie du transport par passager/kilomètre à 0,2 mégajoule pour le rail contre 1,8 mégajoule pour la route, soit la aussi une très forte disproportion, qu'on se le dise.

Et puis il n'y a  pas que le CO2, il y a aussi la congestion : qu'elles soient à motorisations thermiques ou électriques, les voitures sont de plus en plus nombreuses et encombrent de plus en plus les villes. Alors que rien ne sert, finalement, d'élargir les voies pour que ça roule mieux : plus les rues sont larges, et plus il y a de voitures, c'est tout. C'est un fait avéré dont tout un chacun doit tenir compte, même ceux qui évitent soigneusement les transports en commun, et même si tout cela est d'une banalité consternante (et Café du Commerce plus que jamais, mais tant pis).

Le ferroviaire a de beaux jours devant lui, en principe

Et toute logique, vu ce qui a été énoncé plus haut, le train fait indubitablement bien partie de la solution et non pas du problème et a aussi en toute logique un bel avenir devant lui, puisque les villes, c'est un fait avéré aussi, se développement inexorablement (et que même de plus en plus de gens y vivent, paraît-il). C'est en tout cas comme cela que la profession du ferroviaire voit le futur, avec une demande de transport de marchandises ou de passagers qui devraient doubler d'ici 2050.

Et même si c'est loin d'être renversant, puisque doubler en 26 ans suppose une progression moyenne (ou CAGR, pour les fins connaisseurs) de seulement +2,6% par an, l'investisseur se doit de s'y intéresser éventuellement. D'autant que ces +2,6% par an sont vraisemblablement un grand minimum, puisque la croissance des trafics passagers a plutôt été de +3 à +5% ces dernières années, celles d'avant le covid, en tout cas.

Et que c'est aussi ce que dit l'UNIFE, le syndicat professionnel des industriels du ferroviaire en Europe, qui voit la croissance du marché des équipements à +3% par an ad vitam aeternam, pour un marché global estimé à 126 milliards d'euros entre les matériels roulants, les services de maintenance, et les créations d'infrastructures nouvelles. Et la digitalisation de tout comme il se doit, avec le nouveau système ERTMS qui unifie la gestion du trafic en Europe (on aurait peut-être pu commencer par ça il y a 40 ans), les communications CBTC entre trains et contrôle, les applications de la 5G et ainsi de suite.

Des projets partout

Pour mieux enfoncer le clou, on peut citer toutes sortes de projets en cours pour ce secteur, entre la France où a été annoncé en février 2023 un plan de 100 milliards d'euros d'investissements dans le rail d'ici 2040, avec le développement de RER dans d'autres régions que l'Ile de France, où on est déjà est en train d'investir 35 milliards d'euros pour 200 km de nouvelles voies et 68 nouvelles stations de métro du Grand Paris Express, dont 2 milliards pour plus de 180 trains.

En Allemagne, Deutsche Bahn a investi 18 milliards d'euros en 2023 après 15 milliards en 2022, ce qui était déjà beaucoup. Le Royaume Uni et son programme Network Rail à 44 milliards de livres sterling. On peut ausi citer le méga projet Neom de ville nouvelle en Arabie Saoudite qui comprend trois réseaux ferrés, le budget de 27 milliards d'équivalents euros pour rajeunir Indian Railways, le nouveau réseau du Greater Toronto, les nouvelles lignes régionales en Australie, ainsi que les USA, où le budget de la compagnie nationale Amtrak a été multiplié par 4x dans la loi IIJA (Infrastructure Investment and Jobs Act) de 2021, etc…, etc… plus la R&D intense sur l'hydrogène et les batteries pour que les trains européens soient plus Green Deal, et sans parler de tout ce qui se fabrique de grand en Chine, bien entendu.

Bref, il semble se passer pas mal de choses dans le ferroviaire, qui est un vaste secteur, et un marché global porteur à long terme, mais bien que l'on soit dans le monde du transport, il n'y a pas tant de véhicules d'investissements que cela cotés en Bourse, et le plus évident semble Alstom . Même si, on va le voir, ce n'est pas de la tarte.

Alstom : un grand parmi les grands

Avec son siège social à Saint-Ouen (93), Alstom est un des plus grands constructeurs mondiaux d'équipements ferroviaires, le n°1 pour les tramways (Citadis), les métros et les trains suburbains (X'Trapolis) et un des premiers pour les trains inter-cités (Coradia, Avelia, Aventra, VLocity), et les trains à grande vitesse (TGV et Pendolino), ainsi que les locomotives électriques (Prima) pour le fret.

Le groupe est aussi un acteur important de la signalisation et du contrôle ferroviaire, et peut fournir des systèmes ou des solutions de transport clé en main intégrant voies ferrées, systèmes d'accès voyageurs matériels roulants, signalisation et supervision, ainsi que les services de maintenance associés.

Alstom a réalisé un chiffre d'affaires de 17,6 milliards d'euros sur son dernier exercice clos fin mars 2024, dont 52% dans les matériels roulants, 24% dans les services, 15% dans la signalisation et 9% dans les Systèmes, avec 84 700 salariés (dont plus de 22 000 ingénieurs) dans 250 sites dans 63 pays, pour 1 000 clients dans le monde entier, notamment les opérateurs de plus de 50 réseaux de métros, et une base installée totale de plus de 150 000 trains.

Le groupe est le deuxième acteur mondial après avoir racheté en janvier 2021 le canadien Bombardier Transportation (8 milliards d'euros de chiffre d'affaires avec 36 000 employés dans 63 sites), ce qui l'a largement renforcé en Amérique du Nord et aussi en Allemagne/Autriche/Suisse, mais l'a obligé aussi à des cessions en Europe. Le premier mondial étant CRRC (pour China Railway Rolling Stock Corporation) né de la fusion des deux grands acteurs de ce très grand pays, qui pèse 29 milliards d'euros de chiffre d'affaires,

Alstom ayant aussi pour concurrents frontaux les autres acteurs généralistes dotés d'offres complètes que sont Siemens Mobility, filiale du groupe Siemens, Hitachi Rail, filiale du conglomérat japonais Hitachi, très présente en Europe après les rachats des italiens Ansaldo Breda et Ansaldo STS et la division signalisation ferroviaire de Thales plus récemment, et enfin le basque espagnol CAF coté à Madrid, qui est toutefois plus petit avec un chiffre d'affaires de 3,8 milliards d'euros, tout généraliste qu'il soit.

Un métier qui n'est pas simple

Ce vaste marché admet aussi beaucoup d'intervenants de second rang qui sont soit présents sur certains créneaux seulement, tels Rotem en Corée, Kawasaki HI, Skoda, Talgo, etc… soit spécialistes de tel ou tel type d'équipement, tels Wabtec (freins, locomotives de trains de marchandise, équipements divers pour les voitures voyageurs : Faiveley), Vossloh dans les infrastructure, etc.

Les grands généralistes capables de fournir des solutions intégrées sont donc avant tout des concepteurs et des ensembliers assembleurs de composants fabriqués par d'autres, et aussi grands prestataires de service de maintenance sur de longues périodes de 10 ans et plus, une fois le système livré.

Ce qui suppose aussi une capacité à vendre des produits à très gros tickets payés en plusieurs fois, avec des garanties sur le bon fonctionnement, soit un risque technique non négligeable. Avec un cycle produit long ou très long, car il se passe souvent plusieurs années entre la commandes et la livraison, et le début des prestations de services. Ce qui suppose entre autres qu'une partie de la rentabilité des opérations est dégagée, ou plutôt calculée au fur et à mesure selon les règles des contrats de construction et suppose aussi que les rentrées d'argent au titre des avances clients voire des livraisons soient assez peu maîtrisables (surtout si on livre en retard) avec de plus une saisonnalité forte en Europe, où tout ralentit fortement pendant l'été avec les vacances. Sans parler, en ce qui concerne Alstom, de l'intégration compliquée de Bombardier Transportation.

Les comptes d'Alstom pas simples non plus

Les résultats d'Alstom sur son dernier exercice clos fin mars sont assez symptomatiques de tout cela, avec a) un chiffre d'affaires qui progresse de +6,7%, dont +9% en organique, tiré par les services (+14,3%) mais avec toutes les divisions en croissance (matériel roulant : +6,5%), b) une marge opérationnelle qui gagne +0,5 point dont +0,3 point avec les synergies de l'acquisition de Bombardier et +0,3 point avec moins de chiffre d'affaires à marge négative à livraison (1,7 milliard d'euros en tout) de contrats mal tarifés trouvés dans le dit Bombardier, +0,2 d'effet volumes et mix favorable, mais inversement un peu moins de marge brute sur les contrats Bombardier rentables.

Le résultat net globalement stable en dessous des frais financiers multipliés par trois pour cause de gros dérapage des encours d'exploitation (le fameux BFR des fins connaisseurs de la finance) sur l'exercice : plus de stocks avec la bonne activité et les achats de précaution, retard d'un gros contrat, Aventra au UK, et aussi moins d'avances clients. Ce qui a augmenté sérieusement, mais momentanément a priori, la dette brute, augmentation financée principalement avec 785 millions d'euros de billets de trésorerie.
Sans toutefois, il faut le noter que le bilan à fin mars soit pour autant épouvantable, avec un ratio Dette Financière Nette/Fonds Propres (le bon ratio pour l'actionnaire) très raisonnable à 35%, pour un levier Dette Financière Nette/Ebitda (le bon ratio pour les créanciers) de 2,5x à peu près confortable aussi.

Alstom ayant de plus engrangé 18,9 milliards d'euros de commandes sur l'année (dont 6,4 en matériel roulant et 6,5 en services), un montant un peu en baisse, mais très satisfaisant a priori, car sans méga commande exceptionnelle comme SFBW en 2022/23. Et le carnet total est de 91,9 milliards d'euros, soit plus de 5 années d'activité, avec une marge brute embarquée en nette amélioration : 17,5% c. 16,9% selon la direction du groupe.

Encore quelques petites questions à régler, mais la confiance revient vite

Rappelons que l'annonce du gros dérapage du BFR avait déclenché en octobre dernier un "sell-off" spectaculaire (-37% en une journée, c'est un peu beaucoup, surtout sur un marché organisé, ou supposé tel) sur le titre, comme si les investisseurs avaient considéré cette consommation momentanée de cash comme un résultat en perte, ce qui peut paraître curieux ex-post.

Mais la communication financière moderne basée sur le free cash-flow opérationnel n'a pas aidé, alors que par ailleurs, les normes IFRS étant ce qu'elles sont, les résultats publiés n'ont pas grand-chose à voir avec les résultats ajustés commentés par la direction : le résultat net publié 2023/24 est par exemple de -309 millions d'euros, alors que le résultat net ajusté est proche de +700 millions d'euros, suite à des ajustements de, par exemple, 357 millions d'euros pour une joyeuseté comptable : un amortissement d'incorporels d'acquisition lié à la reprise de Bombardier, ou encore de -122 millions d'euros de scories liés à la sortie de Russie, pourtant déjà actée sur l'exercice précédent.

Des comptes de fait peu lisibles, ce qui n'aide vraisemblablement pas non plus pour le crédit de la société, même si celle-ci a réussi à financer sans problème apparemment son besoin de trésorerie : on a donc annoncé dans la foulée des résultats annuels une augmentation de capital assortie d'une émission d'obligations convertibles, des opérations pour des montants assez limités somme toute, soit 1 milliard d'euros d'actions à émettre et 750 millions d'euros de dette hybride, des annonces qui ont rassuré a priori puisqu'elles n'ont pas sérieusement impacté le cours de Bourse, même si les modalités exactes n'ont pas encore été publiées. Le tout assorti de cessions et d'une réorganisation des fonctions supports dans l'ex-Bombardier, d'ampleurs limitée aussi.

D'autant que la direction estime que le gros des ennuis sont dernière nous, et que la rentabilité va continuer à se redresser ces prochaines années, soit un objectif de marge opérationnelle de 8-10% dans deux ans contre un peu moins de 6% aujourd'hui. Avec des comptes plus lisibles aussi, car moins pollués d'items non-cash et exceptionnels. Et le bon bilan pour bien faire ce dur métier du ferroviaire. Et enfin, cerise sur le gâteau, une direction qui se renforce aussi, avec l'arrivée d'un président ancien DG de Safran. Un renforcement qui s'imposait d'autant plus qu'Alstom a, toujours selon sa direction, un pipeline de projets de 190 milliards d'euros, et donc beaucoup à faire a priori ces prochaines années.

Ce que le marché, dans son immense sagesse, a commencé à bien prendre en compte, puisque le titre remonte de son enfer boursier avec une progression de +30% sur un mois. Où le problème ?

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4 commentaires

  • 16 mai 12:02

    Avenir radiaux amha


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