
Akwell est un équipementier, fournisseur des constructeurs automobiles et des constructeurs de poids lourds, pour lesquels elle conçoit et fabrique des systèmes variés. (crédit : Adobe Stock, image d'illustration) (Crédits: Adobe Stock)
Un conundrum, c'est quand on n'a pas vraiment d'explication pour ce qui se passe, et ce mot avait fait fortune dans la bouche d'un patron de la Fed, M. Greenspan, qui s'inquiétait d'un marché boursier en plein boom sans raisons évidentes. Mais il ne faut peut-être s'inquiéter de rien sur les marchés d'actions, qui sont théoriquement animés par les esprits animaux. Surtout quand une telle exubérance irrationnelle (encore un bon mot du même inoubliable patron de la Fed) défie l'entendement des vendeurs à découvert et les algorithmes des gestions quantitatives, et n'a donc pas que des inconvénients pour le pauvre investisseur "long only", qui est le sel de la terre, comme chacun sait.
Un conundrum dans le secteur des équipementiers automobiles cotés en Europe ? ou pas
De fait, on a du mal à comprendre pourquoi beaucoup de titres ont bien surperformé depuis six mois, notamment OP Mobility a gagné +57% sur la période et Forvia +77% alors que tout va mal en principe pour ces sociétés : i) des volumes de vente (et donc de production) de VL très hésitants sur les marchés plus que matures des deux côtés de l'Atlantique, soit une sous-activité et des réorganisations à la clé, ii) une petite déception sur la voiture électrique qui, pour le moment en tout cas, ne se vend pas aussi bien que les prévisions les plus fiables l'annonçaient (comme c'est curieux !), sans parler iii) du psychodrame des droits de douane américains, qui n'aide pas les constructeurs européens de voitures un peu chic. Et, enfin et surtout, iv) l'invasion chinoise qui se précise, puisque les OEMs de ce beau pays sont en avance sur la mobilité électrique (et que la transition énergétique leur a ouvert un boulevard en Europe), et ce sont maintenant les équipementiers chinois qui débarquent en force avec leurs petits prix. Comme on l'a bien vu au salon IAA Mobility début septembre à Munich, et comme on le voit en ce moment au salon Equip Auto à Paris Expo (jusqu'au 18 octobre ; métro Porte de Versailles).
Mais le secteur veut monter en Bourse nonobstant tout cela, c'est un fait. Et on peut risquer une explication pour sortir de ce nouveau et intéressant conundrum : i) l'automobile est un marché cyclique en Europe et aux USA, puisque saturé depuis longtemps déjà, mais ii) ce marché finit toujours par repartir quand le besoin de renouvellement devient plus pressant, et iii) ce retournement n'est peut-être plus loin maintenant après ces dernières années peu glorieuses dans l'ensemble, et, comme d'habitude, la Bourse anticipe (….).
Et il n'y a pas que OP Mobility, Forvia et les autres big caps du secteur, il y aussi des mid caps comme Akwel, dont le cours a bondi de près de +18% le 19 septembre à l'occasion de la publication de ses résultats semestriels. Lesquels n'étaient pas si flamboyants que cela (mais un conundrum est un conundrum, sinon à quoi bon ?), mais un peu mieux qu'attendu quand même.
La belle ETI, systémier avant tout
Basée à Champfromier, dans l'Ain, Akwel (ex-MGI Coutier) est une société industrielle au capital contrôlé à plus des 2/3 par la famille fondatrice, dont des membres sont à la direction opérationnelle et sont très présents aussi au Conseil de Surveillance. Akwel est sans contestation possible une belle ETI (et on aimerait bien en voir plus du même genre dans la cote parisienne) qui devrait réaliser un chiffre d'affaires d'environ 940 millions d'euros cette année avec 8.600 salariés, et se présente comme un équipementier fournisseur des constructeurs automobiles et des constructeurs de poids lourds, pour lesquels elle conçoit et fabrique des systèmes variés : pour les admissions d'air, les circuits d'huile, la gestion des carburants, la dépollution des gaz d'échappement, les lave-glaces, et le refroidissement des moteurs, et aussi des mécanismes, notamment pour les fermetures.
Le refroidissement étant le premier contributeur au chiffre d'affaires, soit 30% au premier semestre 2025, suivi par le carburant (22%) et la dépollution (18% environ). Toutes ces fabrications supposant une grande maîtrise de la transformation des métaux comme des matières plastiques, et intégrant souvent de l'électronique aussi. Le tout dans 34 sites industriels dans 20 pays : non seulement en France, mais aussi en Espagne (4 sites), Roumanie (2), Turquie (2), Tunisie, Maroc, Brésil, et aussi et surtout Mexique (3) pour les clients opérant en Amérique du Nord, sans oublier la Chine (2), la Thaïlande et l'Inde.
Le SCR : une fausse bonne idée ?
Akwel s'est renforcé sur ce marché de la dépollution il y a une dizaine d'années à la demande de son principal client, alors le Groupe PSA pour ne pas le nommer, avec un nouveau produit : le SCR. Les systèmes SCR (RCS en bon français pour Réduction Catalytique Sélective) complètant les filtres à particule à la sortie des moteurs diésel en réduisant les émissions d'oxyde d'azote ou NOx, à l'aide d'une réaction chimique obtenue avec l'injection d'une solution d'urée, l'AdBlue, dans les gaz d'échappements dépoussiérés.
Un marché important mais compliqué : fragiles, ces systèmes ne fonctionnent pas toujours comme il faudrait, et Akwel doit donc souvent les reprendre à ses frais, soit à chaque exercice un jeu de provisions et de reprises de provisions pour retour garanti. Il semble par ailleurs que les volumes escomptés initialement n'ont pas été là, entre autres parce que les ventes de véhicules diésel ont commencé à baisser globalement, et que le client de lancement a aussi fini par travailler en double source. Mais le SCR a toutefois l'avantage de générer des ventes de pièces de rechange, même si, la qualité du produit s'améliorant peu à peu, ces ventes ont tendance à se réduire en volumes.
Il a été décidé d'éteindre peu à peu cette production, qui finissait par générer trop de litiges avec le client. Ces litiges ont été soldé au premier semestre 2025 avec un gros paiement définitif qui a eu un effet un peu ravageur sur l'excédent brut d'exploitation, compensé en partie plus bas dans le compte de résultat par une grosse reprise de provision. Etant entendu que, finalement, l'arrêt total de la production était reporté à 2028, avec toutefois des baisses de cadences dès mi-2026. Bref…
Résultats : pas terribles depuis 2024
Avec un chiffre d'affaires en baisse de -7,3%, les volumes de production n'étant pas là (cf plus haut), l'exercice 2024 a finalement été pire qu'attendu, avec un recul de l'activité accentué (-13,7% sur un an) au T4 qui plus est, la baisse la plus forte se faisant en Europe dont -20% en France, et dont des volumes à -24% en dépollution, ce qui était programmée toutefois. Avec des effets périmètre aussi : fermeture d'un site en Chine et d'un autre en Argentine, mais démarrage d'un autre en Thaïlande.
En conséquence de quoi la marge opérationnelle perd -1,8 point à 3,9%, malgré une meilleure marge brute qu'en 2023 avec la baisse des coûts d'énergie et de transports, et des matières premières à peu près stables, mais des coûts salariaux en hausse de +8%, le maintien des équipes de développement aidant, et aussi plus d'amortissements et plus de provisions.L'essentiel de la baisse provenant de l'Europe, comme il se doit.
Et le premier semestre 2025 est un peu du même acabit, dans un contexte de production automobile toujours un peu récessif en Europe : -3,1%, et dans les Amériques : -2,4%, contre +7,8% en Asie dont +11,7% en Chine. Le chiffre d'affaires d'Akwel recule de-3,4%, mais de seulement -2,7% au deuxième trimestre avec un rebond des volumes en VL à motorisation thermique qui compense le ralentissement des VE. Ce qui se voit bien dans une progression de +1,9% de l'activité dans le refroidissement, et de +15,5% dans la dépollution.
Un peu paradoxalement, la marge opérationnelle progresse de +0,8 point à 5,4%, avec des hausses de prix supérieures aux augmentations de coûts matières et une bonne efficience industrielle, qui compensent les salaires et le coût du soutien de certains fournisseurs, mais aussi en bonne partie avec l'effet comptable de la grosse reprise de provision liée au solde, définitif en principe, des litiges liés au SCR.
Perspectives : pas vraiment de raisons de s'inquiéter ?
On peut penser que tout peut repartir peu à peu dans ce secteur, avec aussi in fine un impact limité des fameux tariffs pour qui produit déjà dans la zone USMCA et peut justifier 75% de contenus locaux dans les produits importés aux USA. Ce qui est, selon sa direction, le cas avec Akwel pour ses clients OEMs américains, ou produisant aux USA, comme BMW.
Et on peut se dire aussi que les produits d'Akwel vont aussi bien sur les véhicules thermiques et hybrides que sur les véhicules électriques, ce qui est bien puisque ces derniers font en ce moment l'objets de reports de programmes à 2028-29 chez les constructeurs, alors qu'on joue inversement la prolongation des motorisations thermiques, même en diésel. Sans parler de nouvelles motorisations thermiques à venir : après tout, on ne sait jamais.
Et on peut enfin se rassurer tout à fait au vu du bilan du groupe, qui affichait au 30 juin un endettement quasiment nul en consolidé, et une situation de trésorerie nette très largement positive. Ce qui peut s'expliquer tout simplement par le fait que l'activité d'Akwel, manufacturière avant tout et assez peu intense en capital, génère du free cash-flow (: ce qui reste à l'actionnaire une fois qu'il a tout payé et fait les bons investissements) de façon structurelle, même quand les affaires ne sont pas très brillantes, ce qui est le cas en ce moment.
Et le cash, s'il est bien dans la caisse, ne ment pas, c'est bien connu.
C'est même très clair, et sans conundrum.
1 commentaire
Vous devez être membre pour ajouter un commentaire.
Vous êtes déjà membre ? Connectez-vous
Pas encore membre ? Devenez membre gratuitement
Signaler le commentaire
Fermer