TotalEnergies veut se coter à New York sans froisser Paris
"Il ne s'agit pas d'une double cotation", a martelé Patrick Pouyanné. Mais ça y ressemble quand même beaucoup. Mercredi à l'occasion de la publication des résultats annuels de TotalEnergies, le PDG du pétrolier a confirmé son intention de coter l'action de l'entreprise à New York. "Il s'agira d'une cotation en continu, il n'y aura pas de séparation du capital en deux parties et les nouvelles actions émises seront introduites à Paris", a-t-il précisé.
La Bourse parisienne restera à ce titre la place principale de l'entreprise, a indiqué Patrick Pouyanné qui envisage la mise en ouvre de cette cotation à Wall Street dès cette année, les questions techniques discutées avec les sociétés de dépôt et de règlement/livraison, l'européen Euroclear et l'américain DTCC, ayant été largement résolues. La réalisation de cette opération mettrait fin au programme de certificats (ADR) du groupe qui permet déjà aux investisseurs de s'exposer à l'action TotalEnergies sur le marché américain.
+ Réduire la décote +
L'homme fort de TotalEnergies avait mis sur la table l'idée une introduction à New York au printemps dernier, évoquant même à l'époque un déménagement de la place de cotation principale vers les Etats-Unis avant de nier avoir jamais eu un tel projet. Patrick Pouyanné met en avant la forte coloration américaine de son actionnariat ainsi que la décote subie par son groupe vis-à-vis de ses pairs Exxonmobil ou Chevron pour justifier ses ambitions new-yorkaises, estimant par ailleurs que des investisseurs américains ne souhaitent pas se positionner via des ADR.
Il est vrai que l'écart de valorisation entre les pétroliers des deux côtés de l'Atlantique - Shell envisage d'ailleurs également une cotation à New York - est flagrant. Alors qu'il revendique le taux de retour sur capitaux employés le plus élevé de son secteur, TotalEnergies capitalise moins de 8 fois son profit net 2024 contre 15 fois pour Chevron et 14 fois pour Exxonmobil.
+ Risque de précédent +
En offrant un accès à une plus large classe d'investisseurs américains particulièrement friands de valeurs pétrolières, la cotation à Wall Street pourrait ainsi, espère TotalEnergies, permettre une réduction de cette décote et une amélioration de la liquidité du titre. L'effet n'est toutefois pas garanti. En raison de sa nationalité française, TotalEnergies ne pourra notamment pas intégrer les grands indices américains pourvoyeurs d'importants volumes via les fonds indiciels. Les exemples récents de sociétés européennes ayant mis en ouvre une deuxième cotation à New York ne sont d'ailleurs pas probants en matière de valorisation, a récemment indiqué un banquier à L'Agefi.
L'opération n'en sera pas moins scrutée de près de ce côté-ci de l'Atlantique. Un succès technique et financier pourrait inciter d'autres entreprises à sauter le pas au risque de fragiliser un peu plus les marchés européens. Car, même si la cotation principale de TotalEnergies restera formellement en France, un transfert massif des volumes d'échanges vers New York ne serait pas sans conséquence pour la place parisienne.
+ Rachats d'actions et TTF +
Sans doute conscient de ces inquiétudes, Patrick Pouyanné a d'ailleurs cherché à rassurer sur son attachement à l'Hexagone. Evoquant les bureaux parisiens d'Hutchinson dans lesquels étaient présentés les résultats annuels du groupe ce mercredi, il a indiqué qu'il comptait les garder malgré le transfert des équipes de sa filiale au siège afin de pouvoir organiser des réunions dans la capitale: "Comme quoi nous sommes bien à Paris et en France, pour ceux qui auraient des doutes", a-t-il ironisé.
Il s'est aussi félicité de l'attrait de son groupe auprès des particuliers français, qui sont désormais 650.000 à détenir des titres TotalEnergies. Patrick Pouyanné a aussi précisé que les actions qui seraient échangées à New York dans le futur resteront soumises à la taxe sur les transactions financières (TTF) française, dont le taux s'apprête à être augmenté d'un tiers, passant de 0,3% à 0,4%, par la prochaine loi de finances. Son groupe devrait aussi contribuer à hauteur de 100 à 150 millions d'euros à la future loi d'imposition des rachats d'actions. Patrick Pouyanné a en revanche reconnu que TotalEnergies ne devrait pas être concerné par l'augmentation de l'impôt sur les sociétés: "Je ne pense pas qu'on paiera d'IS en France au titre de 2024 compte tenu des pertes enregistrées dans le raffinage", a-t-il indiqué.