Au début des années 2000, Renault a pris une décision stratégique qui, avec le recul, s’avère particulièrement judicieuse avec le scandale des airbags Takata. En choisissant de se fournir ailleurs, le Losange a payé plus cher à l'époque, mais s'évite des centaines de millions d'euros de galère.
Alors que de nombreux constructeurs ont cherché à réduire leurs coûts en optant pour des équipements de sécurité moins chers, Renault a fait le pari inverse, celui d'investir dans des dispositifs plus coûteux mais plus fiables. Un choix qui lui permet aujourd’hui d’éviter un scandale industriel aux conséquences potentiellement désastreuses, tant sur le plan financier qu’en termes d’image.
Dans l’industrie automobile, les arbitrages budgétaires sont permanents. Économiser quelques centimes sur une pièce produite à grande échelle peut rapidement générer des millions d’euros d’économies. Renault, comme les autres constructeurs, n’est pas étranger à cette logique.
La baisse de qualité de certains matériaux lors du restylage de la Clio 5 en est une illustration récente. Pourtant, à une époque où la tentation de réduire les coûts était forte, Renault a su résister à une offre particulièrement alléchante provenant d’un équipementier promettant des tarifs défiant toute concurrence.
Des coûts énormes que Renault s'évite
Cet équipementier, aujourd’hui tristement célèbre, n’est autre que Takata. Son nom s’affiche désormais sur certains panneaux autoroutiers dans le cadre d’une campagne de sécurité, conséquence directe de l’affaire des airbags défectueux.
Ces dispositifs, censés protéger les occupants en cas d’accident, se sont révélés extrêmement dangereux : en explosant, parfois même après un choc mineur, ils projettent des fragments métalliques pouvant être mortels. Malgré la faillite de l’entreprise japonaise en 2017, ces airbags continuent encore à faire des victimes en 2025.
La source du problème réside dans l'utilisation du nitrate d’ammonium, un composant chimique bon marché et facile à produire, mais instable lorsqu’il est exposé à la chaleur et à l’humidité sur le long terme. Ce même produit chimique est également à l’origine de catastrophes industrielles majeures, comme l’explosion de l’usine AZF à Toulouse ou celle du port de Beyrouth.
L’affaire Takata ne se limite pas à un désastre humain. Elle a aussi un impact financier colossal pour la trentaine de constructeurs impliqués. Depuis la disparition de Takata, ces marques ne peuvent plus se retourner contre leur fournisseur, et sont désormais sous la menace de sanctions, notamment en France, si elles ne procèdent pas aux rappels dans des délais jugés acceptables.
Les coûts associés sont considérables : envois massifs de courriers recommandés, commandes de nouveaux airbags en quantités énormes, voire relances de production spécifiques, sans oublier les frais liés à leur remplacement dans les ateliers.
Renault connaissait les risques de Takata
Face à cet afflux de véhicules à réparer, certains garages ont même dû embaucher du personnel supplémentaire. Par ailleurs, la mise à disposition de véhicules de prêt pour les clients à qui l'on interdit de continuer à rouler n’est pas gratuite, d’autant que l’État a récemment renforcé les obligations à ce sujet.
À tout cela s’ajoute un préjudice d’image difficile à quantifier et la perspective de lourdes indemnisations à verser aux victimes, notamment dans des procès visant aujourd’hui principalement Citroën en France. Dans ce contexte, les marques qui n’ont pas eu recours aux airbags Takata peuvent aujourd’hui se féliciter de leur décision.
Si, dans certains cas, une part de hasard ou des considérations logistiques ont pu influencer les choix – comme la proximité géographique ou la solidarité nationale qui a conduit de nombreux constructeurs japonais à faire confiance à Takata – ce ne fut pas le cas de Renault.
D’après une enquête menée par Radio France, en partenariat avec L’Automobile Magazine, la décision de Renault de ne pas s’équiper chez Takata aurait été prise en pleine conscience des risques. Un ancien responsable sécurité du constructeur, ancien militaire, connaissait parfaitement les dangers du nitrate d’ammonium et aurait expressément refusé d’intégrer ce composé dans les véhicules de la marque.
Son identité n’a pas été révélée, mais son rôle pourrait bien avoir été déterminant, non seulement pour la sécurité des automobilistes, mais aussi pour préserver la réputation de Renault dans l’un des plus grands scandales de l’histoire récente de l’automobile.