"Boycottons Amazon (tant qu'ils ne seront pas à jour fiscalement)"
"Boycottons Amazon (tant qu'ils ne seront pas à jour fiscalement)"
Dans un entrepôt Amazon, à Lauwin-Planque, dans le Nord, le 26 novembre 2014. (DENIS CHARLET/AFP)
Dans une tribune à "l'Obs", en kiosque ce jeudi, le PDG de Sarenza Stéphane Treppoz appelle au boycott du géant américain de l'e-commerce.
L'Obs L'ObsPublié le 21 décembre 2016 à 14h41
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A 50 ans, Stéphane Treppoz est depuis 2007 PDG de Sarenza. En dix ans, ce diplômé de HEC a fait de ce site internet de chaussures le meilleur e-commerçant français de la mode (classement Fevad 2016).
(DENIS ALLARD/REA)
En préambule : Amazon est un e-commerçant performant, qui met à juste titre la satisfaction client au cœur de ses préoccupations.
Le problème est son manque de citoyenneté fiscale, qui se cache derrière une stratégie délibérée et très élaborée de minimisation des profits en France via différents mécanismes. La créativité des fiscalistes d’Amazon est sans limite pour payer moins d’impôts : localisation de l’entité de facturation quand c’est possible dans des pays à fiscalité réduite comme le Luxembourg, paiement de royalties là où c’est avantageux, subventions déguisées entre activités…
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Est-ce grave ? Oui. Moins d’impôts payés en France, cela veut dire moins de professeurs, de policiers, de juges, de professionnels de santé, de services publics, de solidarité... C’est l’avenir de notre modèle social qui est en jeu, car le chiffre d’affaires d’Amazon [3 à 4 milliards d’euros en France, en croissance de plus de 20% par an, NDLR], ce sont des volumes perdus par d’autres distributeurs français qui, eux, paient tous leurs impôts dans l’Hexagone.
Concurrence déloyale
Amazon est d’un cynisme confondant : approche fiscalement agressive pour gagner des parts de marché, puis position plus vertueuse quand les concurrents ont été balayés ou que la pression politique devient plus forte. Discours huilé vis-à-vis des médias, insistant sur les créations d’emplois brutes de l’entreprise, en omettant évidemment de chiffrer les destructions d’emplois nettes massives chez les concurrents. On pourrait arguer que la loi du marché s’impose. Mais cette importante distorsion fiscale crée une situation de concurrence déloyale vis-à-vis du reste de la distribution française, qui emploie un million de personnes. Si on ne résiste pas à Amazon, la distribution connaîtra au XXIe siècle le même sort que la sidérurgie du XXe siècle...
Nous touchons ici à la caricature d’un système qui dysfonctionne : cynisme des multinationales, manque de solidarité de certains pays européens qui maximisent leurs recettes en faisant du dumping fiscal aux dépens de leurs voisins de l’UE, lâcheté et incompétence des élus qui ne défendent pas l’intérêt national.
Amazon en passe de payer des impôts en France : le grand bluff ?
Il y a pourtant des solutions : contraindre Amazon et autres GAFA [acronyme de Google, Apple, Facebook et Amazon, NDLR] à arrêter de tricher en s’abritant derrière un commode et lâche "on ne fait rien de mal, c’est la faute aux Etats". Les contraindre toujours à rembourser jusqu’au dernier centime les sommes sciemment détournées des caisses de l’Etat français. Arrêtons d’être naïfs : forçons-les à jouer avec les règles garantissant une concurrence loyale.