ORANGE : Mayotte, le « passage en force » d'Orange pour contrer Starlink

hinojosa

26 juin 2025 •08:41

Après avoir été écarté de la délégation de service public pour le déploiement de la fibre optique à Mayotte, Orange s'apprête malgré tout à créer son propre réseau. Manuel Valls, ministre des Outre-mer, a dénoncé un « passage en force ».

Le 18 juin, Mayotte THD a commencé à construire le premier noeud de raccordement de son réseau de fibre optique qui doit couvrir, d'ici cinq ans, la totalité du territoire de Mayotte. En janvier dernier, la filiale du groupe réunionnais Océinde avait été préférée à Orange par le Conseil départemental, désireux d'amener la fibre aux portes de tous les habitants et de toutes les entreprises de l'archipel.

Comme dans les zones peu denses de l'Hexagone, aucun opérateur privé n'était prêt à assumer seul le risque d'un tel investissement. La collectivité mahoraise, ayant obtenu l'assurance de l'engagement de l'Etat et de l'Europe à hauteur de 65 millions d'euros au total, a décidé de confier à Mayotte THD la délégation de service public pour construire le réseau.

La filiale d'Océinde propose d'apporter la moitié des 183 millions d'euros nécessaires pour fibrer les deux îles du département de Mayotte. Elle s'appuie sur un savoir-faire éprouvé : à La Réunion, le groupe a été le précurseur de la fibre optique, sous son enseigne Zeop. Avec Réunion THD, la collectivité mahoraise aura 26,5 millions d'euros seulement à débourser pour atteindre son objectif : la fibre partout, au même tarif pour tous.

Mais le projet pourrait ne pas aboutir. Dès le mois de mars, Orange a en effet fait connaître son intention de déployer à ses frais un réseau de fibre optique dans les communes les plus peuplées et abritant l'essentiel de l'activité économique de Mayotte. Les élus départementaux, tout comme le préfet, ont condamné cette initiative, qui reviendrait à enlever toute rentabilité au projet de Mayotte THD, basé sur une péréquation des tarifs entre les zones rentables et les autres.

Manuel Valls, ministre des Outre-mer, met la pression sur la présidente du groupe de télécommunications dont l'Etat reste le premier actionnaire. « En ne respectant pas la délégation de service public à laquelle il a pourtant concouru, l'initiative du groupe Orange s'apparenterait à un passage en force », écrit le représentant du gouvernement dans un courrier adressé le 12 juin à Christel Heydemann. « Il en résulterait également un probable contentieux dont les conséquences indemnitaires seraient lourdes pour l'Etat », ajoute-t-il.

Orange a répondu aux « Echos » en se défendant de vouloir la ruine du projet Mayotte THD. Il dit investir vite pour ne pas se laisser distancer par Starlink, l'opérateur satellitaire qui aurait déjà séduit plusieurs milliers de clients mahorais privés d'internet par le cyclone Chido.

« La délégation de service public, telle qu'elle a été conçue, n'a plus de réalité économique depuis Chido, précise Laurentino Lavezzi, directeur des affaires publiques du groupe, puisque l'appel d'offres était construit sur un génie civil qui n'existe plus. Starlink, lui, n'attend pas. Nous devons reconstruire notre réseau fixe, non pas en cuivre, puisque c'est une technologie obsolète que nous fermons partout ailleurs, mais en fibre optique. »