Deutsche Telekom : un opérateur et un symbole
Le 27 février 2025 à 07:46
Zonebourse.com Par Antoine Alves d'Oliveira
Partager
L'opérateur allemand, très présent aux États-Unis via sa filiale T-Mobile, a dévoilé ce matin ses résultats. Une publication contrastée pour une entreprise emblématique des défis économiques européens : très exposée à l’international d’un côté, mais pénalisée par la fragmentation du marché des télécoms sur le vieux continent de l’autre.
L'opérateur Deutsche Telekom a publié ce matin ses résultats pour 2024. La société a annoncé un retour aux bénéfices nets au quatrième trimestre, grâce à une croissance du chiffre d'affaires plus forte que prévue. Néanmoins, l'action est en baisse à Francfort, à cause de prévisions pour 2025 en dessous des attentes des analystes.
Au-delà de l'analyse détaillée des résultats, ce qui est intéressant avec Deutsche Telekom, c'est que l'entreprise est représentative des caractéristiques des indices européens mais aussi emblématique des défis de l'Europe.
Faible exposition au marché domestique
En effet, malgré un nom très germanique, l'entreprise est davantage exposée à l'international. Environ deux tiers du chiffre d'affaires provient des Etats-Unis, via sa filiale T-Mobile US. Et c'est d'ailleurs sur le marché américain que la croissance est la plus forte. Sur le dernier trimestre, le chiffre d'affaires a augmenté de 7,8% aux Etats-Unis contre une baisse de 0,2% en Allemagne.
Deutsche Telekom n'est pas un cas isolé en Allemagne. Pour l'ensemble des entreprises du DAX, 24 % du chiffre d'affaires est réalisé aux Etats-Unis contre seulement 20% en Allemagne. L'exposition au marché domestique est donc assez faible et c'est une tendance que l'on observe pour les entreprises européennes cotées dans leur ensemble. Les entreprises du CAC 40, par exemple, réalisaient en 2023 seulement 22.7% de leur chiffre d'affaires en France. A contrario, 60% des revenus des entreprises du S&P 500 proviennent des Etats-Unis
C'est en partie cela qui explique la dichotomie souvent observée entre les indices européens et l'économie européenne. Et le DAX en est l'illustration parfaite puisque malgré une économie allemande en récession en 2023 et en 2024, l'indice progresse d'environ 60% sur 2 ans. A côté de la faible exposition à l'Allemagne, c'est aussi la composition sectorielle qui explique cette performance. Au cours des dix dernières années, le poids de l'automobile au sein du DAX est passé de 17% à seulement 7%. Et quelques grandes valeurs, à l'instar de Rheinmetall, SAP ou Siemens Energy, ont eu des parcours boursiers impressionnants et tirent l'ensemble de l'indice.
Les télécoms : emblème d'un défi européen
Deutsche Telekom est aussi représentatif d'un autre défi européen : l'approfondissement du marché unique. En effet, avec l'énergie et la finance, les télécoms sont le troisième secteur où il y a un manque d'intégration au niveau européen. Il y a ainsi une centaine d'opérateurs sur le Vieux continent (et 27 marchés nationaux), contre seulement trois aux Etats-Unis (AT&T, Verizon et T-Mobile).
Cette fragmentation du marché est positive pour les consommateurs : plus de concurrence se traduit par des prix plus faibles pour les abonnements. Mais un marché trop fragmenté, c'est trop de petits acteurs et donc aucun grand champion qui ne peut émerger et ensuite rivaliser dans la compétition mondiale. Or, le manque de leaders mondiaux est un des handicaps de l'Europe.
Cela pose aussi un problème de compétitivité. Aux Etats-Unis, les trois opérateurs qui se partagent le marché sont bien plus rentables que leurs comparables européens. Ils ont donc davantage de capacité à investir pour déployer des nouvelles technologies. Ainsi, dans le déploiement de la 5G, l'Europe est en retard par rapport aux Etats-Unis, et également par rapport à la Chine. Un retard numérique qui freine l'innovation et donc la croissance.
Partager
Image Antoine Alves d'Oliveira
Antoine Alves d'Oliveira
Rédacteur