Info ........La situation est différente de ce que nous avons connu en 2014 » : BNP Paribas cherche à dissiper les doutes après sa condamnation à New York
Condamnée à verser des dommages et intérêts de 21 millions de dollars à trois réfugiés soudanais, la banque française continue de souffrir en Bourse. Son directeur financier, Lars Machenil, a réitéré ses objectifs financiers et confirmé sa volonté de faire appel « dès que possible ».
« La situation est différente de ce que nous avons connu en 2014. » La perspective d'une lourde condamnation devant les tribunaux américains réveille de douloureux souvenirs chez BNP Paribas, onze ans après son amende de 8,9 milliards pour violation de l'embargo sur Cuba, le Soudan et l'Iran. Son directeur financier, Lars Machenil, a tenu à faire une mise au point face à des analystes financiers circonspects. « La procédure judiciaire actuelle n'a aucun lien avec les poursuites pénales de 2014. Il ne s'agit ni d'une amende réglementaire, ni d'une sanction pénale, mais d'un litige juridique privé », a-t-il argumenté.Le cours de Bourse continuait de reculer mardi en fin de journée de près de 2 %, après avoir déjà encaissé une baisse de plus de 7 % la veille. C'est une décision rendue par un juré populaire de New York qui a mis le feu aux poudres. La banque française a été condamnée au paiement d'un total de 20,75 millions de dollars de dommages et intérêts à trois réfugiés soudanais, selon qui BNP Paribas a contribué par ses financements à maintenir en place l'ancien dictateur Omar Al-Bachir au pouvoir entre 1989 et 2019. A l'heure actuelle, 23.000 potentiels plaignants ont été identifiés. Si cette décision de justice était étendue à l'ensemble des victimes, elle pourrait coûter très cher à la banque.« Pas un précédent »La menace d'une lourde condamnation a semé le doute chez les analystes sur la capacité de BNP Paribas à tenir ses objectifs financiers. Ceci pourrait en effet impacter le ratio CET1 - indicateur clé de la solidité financière d'une banque - ou, si la banque souhaite le préserver, sa politique de versement de dividendes. BNP Paribas a réitéré mardi son intention de verser au moins 60 % de son résultat à ses actionnaires tout en maintenant son CET1 à 12,5 % à horizon 2027. Le groupe a annoncé qu'il n'enregistrerait pas de provision supplémentaire dans ses résultats du troisième trimestre, prévus le 28 octobre.« Le verdict ne concerne que trois plaignants et ne crée pas un précédent pour des affaires similaires », a défendu Lars Machenil. BNP Paribas estime que ses arguments n'ont pas été entendus en première instance. « Toutes les preuves essentielles que nous avons mentionnées n'ont pas été apportées et présentées », a-t-il déclaré. Le géant bancaire considère notamment que le lien de causalité entre les services financiers fournis et les dommages allégués n'a pas été établi et que le droit civil suisse s'applique dans la mesure où les transactions ont été traitées depuis Genève. En septembre, l'ambassadeur suisse aux Etats-Unis a même écrit une lettre au juge Alvin Hellerstein pour soutenir le point de vue de BNP Paribas.Agé de 91 ans, le juge de la cour du district sud de New York a connu des revers dans de précédentes affaires. Il a été contredit après avoir rejeté la plainte d'un inventeur contre Google en 2024, et s'est aussi illustré en refusant d'intervenir pour rejuger l'affaire Stormy Daniels à la veille de l'élection présidentielle.Procédure en appelBNP Paribas a confirmé sa volonté de faire appel « dès que possible ». « L'appel sera examiné par trois juges, donc sans jury, avec des arguments solides, notamment en ce qui concerne l'application du droit suisse », a indiqué le directeur financier.En 2014, lorsque BNP Paribas avait réglé son amende de 8,9 milliards de dollars, une somme de 3,84 milliards de dollars devait être affectée au dédommagement des victimes. Mais le département de la Justice n'avait jamais reversé ces sommes. En conséquence, les victimes se sont réunies au sein d'une « class action » pour obtenir réparation. Le juge a décidé de traiter l'affaire au cas par cas, rappelle BNP Paribas. « Le fondement de chaque affaire et les conséquences éventuelles seront différents d'un cas à l'autre », estime ainsi Lars Machenil.De nombreuses questions restent toutefois sans réponse. Les analystes s'interrogent sur les raisons pour lesquelles le juré populaire n'a pas pris en compte les éléments de preuve de BNP Paribas. Si la procédure actuelle n'est pas une « class action », peut-elle le devenir à la suite de cette décision de justice ? La situation des trois plaignants entendus dans ce procès est-elle si différente des 23.000 autres pour que la décision ne soit pas étendue ? En attendant, l'incertitude risque de peser sur le titre pendant de longs mois. La procédure en appel pourrait prendre jusqu'à un an. Au-delà, un recours auprès de la Cour suprême n'est pas à exclure.