Les banques européennes reprennent l'avantage boursier - DJ Plus
information fournie parAGEFI DOW JONES •11/03/2025 à 08:33
C'est une rengaine que les investisseurs entendent beaucoup. En Bourse, les banques américaines feraient toujours mieux que les européennes. Sur le long terme, c'est vrai, les banques européennes n'ayant jamais réussi à combler l'écart de valorisation qui s'est creusé avec les américaines après la grande crise financière. Mais sur une période plus récente, cette sous-performance boursière est une idée reçue.
Depuis fin 2022, les banques européennes ont pris l'avantage et, depuis quelques mois, cet écart en faveur de l'Europe s'accroît. L'indice du secteur bancaire Euro Stoxx Banks progresse de presque 30% depuis le 1er janvier, alors que dans le même temps l'indice KBW des banques américaines perd plus de 5%. Des banques comme la Société Générale , Sabadell ou encore Commerzbank figurent ainsi parmi les 20 meilleurs performeurs de l'indice Stoxx 600. BNP Paribas , de son côté, a renoué début mars avec son cours de Bourse d'avant la grande crise financière de 2007.
Les catalyseurs en faveur du secteur en Europe sont aujourd'hui nombreux et devraient le soutenir dans les mois qui viennent. "Depuis le début de l'année, nos prévisions de bénéfices par action [sur le secteur bancaire] pour les exercices 2025 et 2026 sont en hausse de 5% chacune", déclarent les analystes d'UBS dans une note récente. Seul bémol, les investisseurs positionnés sur les banques européennes sont maintenant beaucoup plus nombreux qu'il y a encore quelques mois.
Ce pan de la cote est notamment surveillé par des gérants de hedge funds, comme ceux qui mettent en place des stratégie global macro. "De nombreux investisseurs s'intéressent aux banques européennes pour la première fois depuis un certain temps", constate UBS. Cela ne manquera pas de provoquer des prises de bénéfices, comme cela a été le cas pendant la séance de lundi, où les valeurs bancaires ont chuté de presque 3% dans un marché européen en baisse de 1% dans son ensemble.
Ces trous d'air, souvent encore plus importants de l'autre côté de l'Atlantique, constituent cependant des "opportunités d'achat", assurent les analystes de JPMorgan dans un document de recherche publié le 10 mars. "Il est essentiel de regarder au-delà du bruit des marchés, et nous continuons d'anticiper une trajectoire positive et une réévaluation des banques européennes", déclarent-ils.
+ L'anomalie de valorisation +
Ce n'est pas la première fois que des analystes parlent de "réévaluation" du secteur bancaire européen. Cela se comprend, car les banques européennes affichaient, à la fin de l'année 2024, un écart de valorisation avec leurs homologues américaines de plus de 40%. Moins de trois mois plus tard, cet écart est descendu à 16%, mais cela reste important. Le ratio de prix sur bénéfices des valeurs de l'indice bancaire européen Stoxx Bank est actuellement à 8,6 fois, contre des banques américaines de l'indice KBW valorisées à 10 fois.
Mais plus encore que les multiples de bénéfices, c'est leur cours ramené à l'actif net (P/B, pour price to book) qui constitue une véritable anomalie pour certains analystes. Ce ratio reste parfois au-dessous de 1 montrant une capitalisation inférieure à l'actif net de la banque, alors qu'il est de 2 pour les grandes banques d'investissement américaines. Cette sous-valorisation s'observe par exemple pour la Société Générale, avec un ratio de P/B à 0,46 malgré un cours doublé depuis novembre, ou encore pour BNP Paribas avec un ratio de 0,73.
Le rebond du secteur laisse aux investisseurs une marge de sécurité moins importante qu'il y a quelques mois, mais le potentiel d'amélioration des multiples de valorisation reste entier. Les analystes de JPMorgan comme UBS, estiment qu'ils vont remonter. "Nous pensons que presque toutes les banques européennes devraient être évaluées au moins à une fois la valeur comptable tangible en 2026", estime JPMorgan. UBS, de son côté, s'attend à ce que le ratio de cours sur bénéfice des banques européennes remonte à 10 en moyenne, au même niveau que les banques américaines.
+ Des revenus bien orientés +
La baisse attendue de la prime de risque exigée sur les banques européenne n'a cependant pas pour origine leur sous-valorisation. C'est avant tout à la conjoncture qu'elles le doivent. Après un point bas, les fusions et acquisitions pourraient repartir en Europe, alimentant les pôles spécialisés des banques sur ces activités. La volatilité des marchés a profité aux banques d'investissement. Ensuite, le niveau des prêts a tendance à se stabiliser, voire à repartir. Même si les banques européennes ont ces derniers mois largement profité d'un redressement de leurs revenus d'intérêts - la différence entre les taux des prêts qu'elles accordent et leur coût de financement - ce mouvement n'est pas terminé, voire commence tout juste en France.
Les équipes d'UBS estiment que ces revenus d'intérêts continueront de progresser, même sans attendre d'aussi bonnes surprises qu'au quatrième trimestre 2024. Selon le consensus, les taux de la Banque centrale européenne devraient atterrir autour de 2%, contre 2,5% actuellement, ce qui constitue un niveau équilibré pour les banques. A ce taux, ménages et entreprises peuvent emprunter sans que leur niveau de risque augmente et les organismes bancaires disposent de marges pour adapter leurs tarifs. Dans le même temps, les craintes sur la qualité des portefeuilles de prêts restent faibles.
Reste à voir quelles seront les conséquences du risque géopolitique pour le secteur. Les banques européennes restent relativement immunisées contre les dispositions prises par Donald Trump sur les tarifs douaniers. Cependant, l'imprévisibilité du président américain, aussi bien avec ses dispositions à l'international que sur sa volonté de déréguler le secteur financier américain, peut toujours faire déraper les banques européennes, dont la santé est liée à celle de l'économie de l'UE.