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FERMENTALG : Faudrait qu'elle bouge car elle va fermenter

24 janv. 2024 15:49

sinon ...

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  • 24 janvier 2024 23:09

    Les algues, plus grandes ressources inexplorées de la planète
    Encore trop peu connus dans la société occidentale, ces végétaux marins pourraient jouer un rôle essentiel dans l'alimentation, la cosmétique et la captation de CO 2 .


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    Agriculture
    Allemagne
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    (iStock)
    Par Charlotte Meyer

    Publié le 24 janv. 2024 à 12:24Mis à jour le 24 janv. 2024 à 12:52
    Manger des algues n'a rien d'une science-fiction. « Elles ont toujours été utilisées par les hommes », assure Vincent Doumeizel. Cet infatigable militant des algues est conseiller pour les océans au Pacte mondial des Nations unies. En 2022, son livre La Révolution des algues (éd. des Equateurs) était nommé au prix du livre environnement porté par la Fondation Veolia. Il y raconte notamment que notre évolution sur Terre doit beaucoup à notre consommation d'algues : « Celles-ci contiennent des acides gras polyinsaturés qui ont permis à notre cerveau de devenir ce qu'il est, c'est-à-dire de muter et de devenir exceptionnellement gros par rapport à notre masse corporelle. C'est grâce à elles que l'être humain a pu développer son intelligence et voyager aussi loin il y a des milliers d'années. » L'histoire voudrait en effet que l'Amérique ait été colonisée par des voyageurs qui suivaient des forêts d'algues sur la côte Pacifique.

    La Révolution des algues (éd. des Equateurs) de Vincent Doumeizel a été nommé au prix du livre environnement porté par la Fondation Veolia.
    La Révolution des algues (éd. des Equateurs) de Vincent Doumeizel a été nommé au prix du livre environnement porté par la Fondation Veolia.BASTIEN MARIE/Photopqr / Sud Ouest / Maxppp

    Vincent Doumeizel situe la fin de cette tradition culinaire il y a 12.000 ans, avec l'avènement de l'agriculture autour de la Méditerranée. La chaleur et la pollution qui caractérisent alors la région laissent peu de possibilités aux algues pour se développer. « La culture gréco-romaine a rapidement banni l'utilisation des ressources de l'océan, rapporte l'auteur. Virgile énonce par exemple dans l'Enéide que rien n'est plus vil que les algues ! »

    Aujourd'hui encore, l'utilisation des algues au quotidien reste minoritaire dans notre culture occidentale. Seul le continent asiatique, plus particulièrement le Japon, y est resté attaché. « La médecine chinoise donne un grand rôle à l'alimentaire, affirme Vincent Doumeizel. Or, l'aliment santé par excellence, ce sont les algues. »


    Lutter contre la faim dans le monde
    Antibactériennes, anti-inflammatoire, antiviral, antifongique, analgésique… Riches en protéines, les algues recèlent de bienfaits pour notre santé. Ce sont par exemple les seuls végétaux qui possèdent de la vitamine B12. Vincent Doumeizel la qualifie de « bombe nutritionnelle ». Au Japon, l'algue constitue 10 % de la nourriture, contribuant à la longévité de la population ainsi qu'aux faibles taux de cancers, de diabète, d'obésité ou de maladies cardiovasculaires. Dans la deuxième partie du XXe siècle, les pays asiatiques ont développé une agriculture des océans pour nourrir leur population. La quasi-totalité des algues que l'on peut consommer en France sont ainsi importées.

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    « On se retrouve dans une situation où l'océan couvre 70 % de la planète et contribue à moins de 2 % de notre alimentation en calories. Cela génère sans doute une grande partie des problèmes écosystémiques qu'on rencontre aujourd'hui », regrette Vincent Doumeizel qui rappelle que l'algue constitue une ressource quasiment gratuite, poussant uniquement grâce au soleil et aux nutriments des océans. « C'est une nourriture qui va se sécher et conserver toutes ses propriétés à l'état sec, se transporter sur des milliers de kilomètres sans besoin de chaîne du froid. Il s'agit d'une bonne nouvelle pour notre climat et pour les populations en voie de développement », assure-t-il.

    C'est d'ailleurs cette alternative alimentaire qui a poussé le chercheur à s'intéresser de plus près au sujet : « Il y a vingt ans, je commençais ma carrière dans l'agroalimentaire en Afrique. Je me retrouvais soudain face aux conséquences de la faim dans le monde, et cela avait marqué le jeune homme que j'étais. » Aujourd'hui, le réchauffement climatique remet en cause notre système alimentaire. Vincent Doumeizel pointe notamment du doigt la contribution de ce dernier au réchauffement climatique, à la perte de biodiversité, à l'assèchement des sols et même aux injustices sociales. Pour lui, la solution ne se trouve pas sur terre mais dans les océans, véritables oubliés de notre modèle alimentaire. « Nous pouvons offrir à la nouvelle génération l'opportunité de bâtir quelque chose de vraiment nouveau, une permaculture des océans extrêmement régénérative où l'on cultiverait différentes espèces d'algues, mais aussi de poissons, de coquillages, s'enthousiasme-t-il. C'est une source d'espoir : les algues sont la plus grande solution inexplorée sur notre planète. »

    Un outil aux multiples facettes
    Selon l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), la production a triplé entre 2000 et 2018. La FAO note d'ailleurs qu'il s'agit du secteur de production alimentaire « qui progresse le plus rapidement au niveau mondial ». Mais les bienfaits des algues ne s'arrêtent pas à l'alimentaire. De plus en plus de filières s'intéressent à elles pour se réinventer. Santé, restauration, conservation, mais aussi cosmétiques et agriculture se sont penchées sur la question.

    En 1993, Alpha Biotech créé la première ferme de micro-algues en bassins ouverts de France. Elle s'installe à Assérac, au coeur des marais salants de la presqu'île de Guérande, en Loire-Atlantique. Intégrée à Algosource en 2012, la société propose des ingrédients fonctionnels ou des produits finis pour les acteurs de la santé, de la cosmétique et de la nutraceutique . « Aujourd'hui, nous nous concentrons surtout sur la prévention santé, explique Olivier Lepine, directeur scientifique et technique d'Algosource. Nos produits vont agir comme des antioxydants, favoriser le sommeil, la circulation… » La société travaille aussi sur des applications plus spécifiques, afin de répondre à des problématiques qui rencontrent peu ou pas de solutions. En partenariat avec plusieurs hôpitaux français, elle mène actuellement un essai clinique sur l'humain afin de prouver qu'un de ses extraits en micro-algues est capable de diminuer les effets secondaires provoqués par la chimiothérapie en cancérologie. « Plusieurs centaines de milliers de personnes sont affectées par ce phénomène tous les ans, illustre Olivier Lepine. Cette recherche permettrait d'avoir un effet significatif sur notre santé, d'autant plus que ce service n'est pas trouvable dans d'autres plantes. »

    En parallèle de ses activités premières, Algosource travaille sur l'amélioration de ses systèmes de culture et d'extraction des micro-algues afin de diminuer son impact économique et environnemental. En partenariat avec l'Ademe, l'entreprise a par exemple installé un démonstrateur dans la cimenterie Vicat de Montalieu-Vercieu (38). Celui-ci permet d'utiliser la chaleur perdue et le CO2 généré par la cimenterie comme source de carbone et d'énergie pour les micro-algues. « Ce projet diminue d'un tiers les émissions de CO2 liées à cette culture », abonde Olivier Lepine.

    La société Algosource propose des ingrédients fonctionnels ou des produits finis pour les acteurs de la santé, de la cosmétique et de la nutraceutique.
    La société Algosource propose des ingrédients fonctionnels ou des produits finis pour les acteurs de la santé, de la cosmétique et de la nutraceutique.Jean Claude Moschetti / REA

    A l'avenir, l'augmentation de la production d'algues pourrait contribuer à décarboner certaines industries. Dans l'agriculture, leur utilisation comme biostimulants sur les plantes permettrait de réduire considérablement les quantités d'engrais et pesticides. « Les Bretons le font déjà dans leur potager, affirme Vincent Doumeizel. Cela permet même de protéger les plantes et de les rendre plus résistantes au changement, à la sécheresse. »

    D'autres entreprises ont appris à transformer les algues en plastique. Certains de nos objets pétrosourcés pourraient ainsi devenir circulaires, plus durables et, surtout, moins polluants. En France, la société Algopack récupère par exemple les algues en Bretagne et les sargasses aux Antilles pour en faire du plastique 100 % biodégradable. Celui-ci est ensuite utilisé pour fabriquer des pots de fleurs, cartes bleues ou encore jouets. L'an dernier, la start-up Notpla, connue pour concevoir des emballages à base d'algues, s'est vue couronner d'un Earthshot Prize Award. En Allemagne, une société propose même des tampons périodiques à base d'algues.


    Certaines algues pourraient enfin présenter des bienfaits sur la production de méthane. Cultivée en Australie, une petite algue rouge nommée Asparagopsis pourrait réduire de 90 % les émissions de méthane des vaches. « Si on en donnait 40 grammes à toutes les vaches de la planète, cela serait équivalent à arrêter tous les camions et toutes les voitures du monde du jour au lendemain », illustre Vincent Doumeizel.

    Des avantages face au changement climatique
    Ce n'est pas tout : les algues permettent aussi de séquestrer le carbone. Alors que la menace climatique se fait chaque jour plus présente, développer cette culture pourrait bien être une solution d'avenir. « Au niveau mondial, les populations sauvages de micro-algues contribuent à capter à peu près un tiers des émissions de CO2 annuelles », explique Philippe Potin, biologiste marin et directeur de recherche au CNRS spécialiste de la question au sein de la Station biologique de Roscoff, en Bretagne. En termes de captation de carbone, leur surface de productivité pourrait même être deux fois supérieure à celle de la forêt amazonienne.

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    L'intérêt porté aux avantages des algues a bondi ces dernières années. Des tentatives de quantification dans les sédiments de carbone séquestré ont ainsi été menées dans les fonds côtiers ou dans des fonds de très grands forages, à un peu plus de 1.500 mètres de profondeur. En 2023, une étude réalisée par des scientifiques allemands de l'Institut Max Planck de microbiologie marine de Brême avait conclu que les algues brunes transformaient environ 0,55 gigatonne de CO2 en glucides chaque année. En comparaison, les émissions de gaz à effet de serre de la France en 2022 s'élevaient à 0,40 gigatonne de CO2. « Cela nous conforte dans l'idée qu'il faut absolument essayer de conserver des forêts d'algues fonctionnelles au niveau mondial, affirme Philippe Potin. Il est important de comprendre quelle va être la dynamique de ces forêts dans toutes les régions du monde afin de voir dans quelles mesures elles pourront continuer à jouer un rôle. »

    Philippe Potin alerte cependant sur les risques du « technosolutionnisme » : si de plus en plus de projets voient le jour, ils ne doivent pas nous inciter à l'inaction climatique. « Il ne faut pas compter sur les algues pour nous permettre de continuer à émettre autant de carbone qu'aujourd'hui », martèle-t-il. Le scientifique s'inquiète de voir fleurir à travers le monde « beaucoup de projets un peu fous ».

    A Zanzibar, la culture d'algues par les femmes leur a ainsi progressivement permis d'atteindre une certaine parité et une autonomie
    A Zanzibar, la culture d'algues par les femmes leur a ainsi progressivement permis d'atteindre une certaine parité et une autonomiePatricia Martinez / Efe / SIPA

    A ce jour, les projets d'envergure nécessiteraient la création de digues artificielles pour remonter des nutriments qui contribueraient à booster les stocks d'algues. Aux Etats-Unis, certains envisagent même de modifier génétiquement des algues. Face à toutes ces initiatives, Vincent Doumeizel appelle lui aussi à la prudence : « Nous avons une pompe à carbone potentielle sur les algues, mais nous connaissons encore trop peu les conséquences de tels projets, notamment sur les écosystèmes. »

    « L'enjeu est bien plus large que la simple captation du carbone, insiste Philippe Potin. La présence d'algues permet aussi d'absorber des quantités importantes de nutriments et de préserver la biodiversité des littoraux. Auprès des coraux et des herbiers, elles assurent le maintien d'un équilibre dans les écosystèmes. » Dans les années à venir, les algues pourraient bien devenir essentielles dans la restauration des systèmes océaniques. Sans compter, affirment les deux défenseurs des algues, que ces cultures contribueraient aussi à sortir des populations côtières de la pauvreté. A Zanzibar, la culture d'algues par les femmes leur a ainsi progressivement permis d'atteindre une certaine parité et une autonomie.

    Freins au développement
    Selon les chiffres de la FAO - sous-estimés, assure le scientifique breton -, la production mondiale d'algues de cultures serait aujourd'hui de l'ordre de 35 millions de tonnes. Pour jouer un véritable rôle dans la lutte contre le changement climatique, l'étendue de ces différentes cultures devrait être considérablement multipliée. Or, cela semble aujourd'hui peu envisageable. « La première raison est d'ordre écologique, explique Philippe Potin. Les océans n'ont pas la capacité d'accueillir autant de systèmes de cultures d'algues. »

    Surtout, reconnaît le scientifique, ces projets restent très chers à mettre en place. En Asie du Sud-Est, principale région d'algoculture, les systèmes ont pu être développés grâce à des coûts de production extrêmement bas, limitant le revenu des producteurs. « Les prix vont d'ailleurs progressivement augmenter car les producteurs se font de plus en plus rares, la filière n'étant pas assez attractive pour les jeunes », observe Philippe Potin qui incite à davantage valoriser les algues produites en Europe.

    « La situation évolue, mais encore très lentement », observe de son côté Vincent Doumeizel qui regrette l'absence de collaboration sur le sujet à travers le monde. Le manque de connaissance sur la question en Occident ralentit également la procédure. « Nous ne savons pas cultiver les algues en Europe et malheureusement ce ne sont pas les mêmes qu'en Asie, explique-t-il. Nous devons impérativement comprendre les algues, comment elles se reproduisent et se défendent, afin de les cultiver dans les meilleures conditions possibles. » A ce jour, la recherche sur la filière manque encore cruellement de financements.

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    « Cette ressource est en effet plus coûteuse que d'autres ressources agricoles, appuie Olivier Lepine. Et nous ne touchons pas de subventions ou d'aides comme on peut en trouver en Europe pour l'agriculture classique. » Algosource est actuellement en levée de fonds afin de développer son outil de fabrication et développer la recherche clinique. Leur nouvelle campagne de financement participatif sera bientôt ouverte.

    Philippe Potin et Vincent Doumeizel font tous deux partie de la Global Seaweed Coalition qui rassemble industriels, scientifiques et producteurs pour structurer l'exploitation des algues et mettre en place une législation à l'échelle internationale. Un manifeste a été présenté à l'ONU en 2021. Dans certains pays comme la Tanzanie, où opère la coalition, les populations commencent à se réapproprier localement le potentiel des algues autrefois exportées, soit pour s'alimenter, soit pour les transformer en produits comme des cosmétiques afin de faire vivre une économie locale. Comme le rappellent les défenseurs des algues, les enjeux sont énormes.

    Charlotte Meyer


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