Le projet des Forges de Gerzat mort-né, un espoir envolé pour les ex-Luxfer
Le projet des Forges de Gerzat pour lequel un montage financier avait été arrêté en janvier 2022 et qui devait démarrer en 2024 n’a jamais vu le jour. Un espoir pour les ex-Luxfer parti en fumée en toute discrétion.
L’usine Luxfer de Gerzat, fermée au printemps 2019, employait 136 salariés et une trentaine d’intérimaires. Les mobilisations s’étaient succédé durant plus de deux ans pour trouver un repreneur jusqu’à la finalisation du projet Europlasma en janvier 2022. Depuis, rien n’a été réalisé et l’ancienne usine reste une friche. © BOILEAU FRANCK
"Pas de commentaires." C’est en ces mots que le service communication du groupe Europlasma nous a répondu alors que le projet d’une nouvelle usine reprenant les savoir-faire des ex-Luxfer, pour lequel un montage financier avait été arrêté en janvier 2022, n’a jamais vu le jour.
Cela devait s’appeler les Forges de Gerzat, pour rappeler un pan de l’histoire de Luxfer, mais l’implantation était prévue à Cébazat. Le projet prévoyait près de 100 M€ d’investissement : la moitié apportée par Europlasma (dont 25 M€ d’emprunt), mais aussi 4,5 M€ de l’État (garant également d’un prêt de 15 M€ via le Fonds de développement économique et social), la Région (3 M€ consacrés à la formation des futurs employés) et surtout 34 M€ de la Métropole pour l’achat du foncier et la construction de l’usine.
L’ "ambition" d’Europlasma
Dans un entretien qu’il nous avait accordé en ce début 2022, Jérôme Garnache, PDG d’Europlasma, confirmait son "ambition" pour le futur site, "complémentaire des Forges de Tarbes" acquises en 2021. Le dirigeant promettait aussi "200 emplois créés à Cébazat à horizon 2028", alors qu’au démarrage de l’usine, programmé en 2024, ces employés devaient être déjà 120. Pour les ex-Luxfer, dont l’entreprise avait fermé deux ans et demi plus tôt, cela représentait une dernière bouffée d’espoir qui s’est totalement évanouie depuis.
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Pas le moindre coup de pelle n’a été donné à Cébazat, aucun euro n’a été engagé et la Métropole n’a "aucun retour" d’Europlasma à ce sujet, aux dires de son président Olivier Bianchi. Le projet semble bel et bien mort-né.
Enjeux de souveraineté
Il s’agissait pourtant de conserver le savoir-faire des ex-Luxfer en matière de production de corps creux en aluminium recyclé (bouteilles de gaz haute pression et autres) destinés aux secteurs de la santé et de la défense. D’où l’implication de l’État et les enjeux de souveraineté soulevés alors…
Trois ans et demi plus tard, il n’en est donc plus question et Europlasma n’a pas souhaité justifier ce revirement effectué en toute discrétion. Même à la Métropole, le sujet n’est, semble-t-il, jamais revenu sur la table en conseil communautaire.
A-t-on jamais cru au projet du côté des collectivités et des autorités (*) ? Il faut dire que, depuis l’annonce, les agissements du groupe Europlasma et sa situation financière n’incitent pas à l’optimisme.
Le groupe basé en Gironde (450 salariés), lui-même racheté par son patron actuel en 2019 après un dépôt de bilan, s’est spécialisé dans le domaine militaire et s’est fait une autre spécialité : le rachat d’entreprises en difficulté à la barre des tribunaux de commerce. Après Tarbes, il y a eu Valdunes, à Dunkerque, en 2024, puis, le 25 avril dernier, la Fonderie de Bretagne, ex-fournisseur de Renault, que Jérôme Garnache souhaite aussi reconvertir en usine de production d’obus.
Déception et appréhensions
Quelques jours avant cette opération, le 16 avril, un article du journal Libération pointait les "faits d’armes un peu troubles du patron d’Europlasma", rappelant la "déception et les appréhensions" d’une déléguée syndicale des Forges de Tarbes, quatre ans après la reprise, le projet de reconversion inabouti à Dunkerque et surtout des résultats financiers 2023 (les derniers connus) affichant des pertes presque équivalentes aux 15,4 M€ de chiffre d’affaires du groupe.
Ceux de 2024, eux, seront divulgués en juin, après digestion du rachat de la Fonderie de Bretagne. Pas sûr que les ex-Luxfer y trouvent davantage matière à nourrir des regrets. La dernière fois qu’Europlasma a évoqué le projet de Cébazat, il y a un an, c’était pour indiquer qu’il était "en cours de redéfinition". Désormais, il ne souhaite même plus en parler.
(*) Du côté de la préfecture du Puy-de-Dôme, on considère que ce projet est toujours "en cours d’étude"…