( AFP / ERIC PIERMONT )
La Cour de cassation se penchera mardi sur la question de savoir si la société Vivendi est "contrôlée de fait" ou non par le milliardaire Vincent Bolloré, un dossier de taille scruté par le monde de la finance.
L'avocat général de la plus haute juridiction de l'ordre judiciaire a déjà donné le ton, favorable au groupe Bolloré, premier actionnaire de Vivendi: il a estimé que la cour d'appel de Paris s'était trompée en évoquant un "contrôle de fait" au moment de la scission du conglomérat en quatre branches fin 2024.
Son avis ne sera pas forcément suivi par la Cour de cassation, qui a été saisie par les sociétés Bolloré et Vivendi.
La chambre commerciale, financière et économique rendra sa décision "à bref délai", compte tenu "de l’importance de cette question pour la régulation des marchés", selon un communiqué de la Cour.
Le dossier suscite un vif intérêt car y sont mêlés "Bolloré, les marchés, des montants à 3 milliards", glisse un protagoniste à l'AFP.
Si les magistrats ne lui donnent pas gain de cause, M. Bolloré s'expose à devoir indemniser les petits actionnaires de Vivendi en rachetant les titres restants, à hauteur de plusieurs milliards d'euros.
Au-delà, il s'agit de clarifier les mécanismes de gouvernance des entreprises.
Le sujet est de savoir "si le contrôle de fait que peut exercer un actionnaire minoritaire sur une société doit s’apprécier sur la seule base des droits de vote exercés en assemblée générale ou en tenant compte d’autres critères d’influence", explique la Cour de cassation.
Tout est parti de la scission du groupe Vivendi en décembre 2024 en quatre entités cotées: Canal+ (médias) à Londres, Havas (communication) à Amsterdam, Louis Hachette Group (édition) à Paris sur le marché Euronext Growth, ainsi que la holding, restée à la Bourse à Paris.
- "Particulière influence" -
Le fonds Ciam, actionnaire minoritaire qui contestait l'opération, avait saisi l'Autorité des marchés financiers (AMF) pour trouver une issue équitable.
Initialement, le gendarme de la Bourse de Paris avait estimé que la société Bolloré ne pouvait "pas être considéré comme contrôlant Vivendi". Elle détenait un peu moins de 30% de son capital, soit en dessous du seuil requis pour lancer une offre publique de retrait du marché (en rachetant les actions), réclamée par une partie des petits actionnaires.
La cour d'appel de Paris avait ensuite demandé en avril dernier à l'AMF de réexaminer sa décision. Celle-ci avait alors fait volte-face, décidant en juillet que la société Bolloré et l'entrepreneur conservateur étaient "tenus au dépôt d'un projet d'offre publique de retrait" (OPR) des titres Vivendi dans un délai de six mois. Vivendi et la société Bolloré ont également fait appel de cette décision de l'AMF.
C'est l'arrêt d'avril de la cour d'appel, un revers pour l'industriel breton, que la Cour de cassation examine. L'avocat général a préconisé de le renverser.
"La cour d’appel a relevé la particulière influence de M. Vincent Bolloré sur les actionnaires, compte tenu de ses fonctions au sein des instances dirigeantes et de son autorité personnelle", affirme le magistrat dans son avis, révélé par Le Monde et consulté par l'AFP.
"Or, ces éléments sont impropres à établir le contrôle de la société Bolloré sur Vivendi au sens du 3 du I de l’article L. 233-3 du code de commerce", indique-t-il.
Le cours de Vivendi a été brièvement suspendu mercredi après la révélation de cet avis. Depuis, l'action a logiquement dévissé, le marché parisien tablant sur l'absence de future offre de retrait.
Si l'avis de l'avocat général était suivi, ce serait "un scandale", a réagi Catherine Berjal, associée gérante de Ciam, qui envisage de porter l'affaire "devant la Cour européenne des droits de l'homme".
Une décision inverse serait compliquée à mettre en œuvre, avec des calculs d'indemnités promettant de nouvelles batailles judiciaires. Vivendi pèse aujourd'hui environ 2,5 milliards contre près de 9 milliards avant la scission, qui, quelle que soit l'issue, n'est pas remise en question.
"C'est à la justice, maintenant qu'elle a ouvert ce tiroir, de dire comment on le referme", dit un acteur du dossier.
Vivendi et la société Bolloré n'ont pas souhaité s'exprimer.
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