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« Value », « Croissance » : un clivage dépassé ?
information fournie par H24 Finance pour Boursorama 25/06/2020 à 09:15

(Crédits photo : Adobe Stock -  )

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Régulièrement opposés l'un à l'autre, les styles de gestion « value » et « croissance » divisent la sphère financière. Certains gérants d'actifs favorisent les entreprises qui présentent un fort potentiel de progression de leur activité, quand d'autres préfèrent placer leurs pions sur les valeurs décotées.

Durant la crise du coronavirus, le style « croissance » a conforté son statut de favori en surperformant le « value ». A fin mai, le MSCI World Growth Index affichait une performance de 2,01% depuis le début de l'année, quand, dans le même temps, le MSCI World Value Index reculait de plus de 18%.

Le gagnant semble connu d'avance. Et pourtant, les marchés observent depuis peu un rebond très fort des titres « value » et laissent entrevoir un possible retournement de cycle. Alors sur lequel de ces biais faut-il miser ? Ou le duel est-il simplement dépassé ? Un gérant « value » et un gérant « croissance », à fortes convictions, expliquent en quoi leur segment respectif peut faire la différence dans le monde post-coronavirus.

Un marché propice aux actions

« Nous sommes dans une phase où les taux sont encore extrêmement écrasés et où, par conséquent, il n'y a pas de vraie alternative aux actions », lance d'emblée Laurent Dobler, gérant et directeur général de Comgest. En tant que stock-picker, ce spécialiste des entreprises de croissance est moins intéressé par le marché dans sa globalité que par les valeurs dans lesquelles il investit. Malgré tout, il précise que la conjoncture économique actuelle, « avec tous les coussins monétaires apportés par les banques centrales », milite pour « des taux qui resteront relativement bas et une économie qui va se remettre en route petit à petit ».

Face à lui, Marc Renaud, gérant et président de Mandarine Gestion, s'étonne « comme tous les stratégistes et macroéconomistes » que « le marché anticipe une reprise en V ». Cet expert de la gestion « value » souligne également qu'à l'heure actuelle, « le marché n'est ni cher, ni pas cher ». Il est coupé en deux, selon lui, avec d'une part « toutes les valeurs défensives, les vraies et fausses valeurs de croissance, qui sont à des plus hauts », et d'autre part « des value stocks qui, après 10 ans de sous-performance, sont à des prix complétement déments pour certaines d'entre elles ».

En effet, Laurent Dobler l'admet lui-même : « les niveaux de valorisation des entreprises de croissance ne sont pas tombés à des niveaux incroyablement bas ». Celles-ci ont fait office de valeurs refuge durant la crise, et il toujours possible de « toucher les plus bas si les résultats du deuxième trimestre sont vraiment épouvantables ». Non seulement car il est encore difficile de mesurer l'ampleur du choc économique sur les sociétés, mais aussi car « il y a cette menace de retour de l'épidémie, même s'il s'agira probablement d'une vague mieux maitrisée », tient à rappeler le gérant de Comgest. Pour l'heure, « ce qui fait tenir le marché, c'est l'absence d'alternative et le fait que les banquiers centraux ont inondé le marché de liquidité ».

Deux gérants, deux approches

Dans ce marché volatil et incertain, que font les deux gérants ? Tout d'abord, Marc Renaud de Mandarine Gestion rappelle que dans son cas, « ce ne sont pas les valeurs qui sont value, mais les gérants », car en réalité, « tout peut devenir value », insiste-t-il. « Après la crise du SRAS en 2003, on achetait les entreprises du luxe pour rien du tout », tandis qu'aujourd'hui, certaines d'entre elles figurent parmi les plus grosses capitalisations boursières mondiales.

Aujourd'hui, son approche consiste à investir dans des sociétés décotées, généralement malmenées par les marchés à un moment donné de leur existence. « Momentanément parce que sinon, ce sont les fameuses value traps (pièges de valorisations), que je ne veux absolument pas acheter », ajoute Marc Renaud. Dans le détail, cet expert du « value » cherche « des sociétés qui sont sous leur valorisation de milieu de cycle en identifiant la raison de cette décote ». Les pièges de valorisation sont nombreux et c'est la raison pour laquelle il se montre très sélectif : « je n'ai jamais acheté une compagnie aérienne de ma vie et je suis extrêmement prudent sur l'automobile, que je pondère. De plus je n'ai absolument pas de distribution ou de publicité. Ce sont des secteurs auxquels je ne touche pas ».

Si chercher la sous-valorisation est l'un des piliers de la gestion « value », Laurent Dobler mentionne qu'il est également possible de trouver des entreprises de croissance mal évaluées par les marchés. Le gérant de Comgest concède qu'il achète « des titres visibles et chers », mais « là où le marché se trompe et où on peut apporter de la valeur », c'est quand il y a « une super durabilité de la croissance. Quand ça ne dure pas 5 ans, mais 7, 8, 10, 15 voire 20 ans ». C'est donc à ce moment-là que l'on aurait « des marchés un peu myopes, et un titre qui est massivement sous-évalué ». Naturellement, peu de sociétés parviennent à maintenir une croissance à deux chiffres sur plusieurs décennies, « mais si l'on arrive à avoir ne serait-ce que 10 à 15 titres de ce type, cela va pousser la performance de tout le portefeuille et nous permettre de surperformer les indices à long terme », affirme le gérant.

Quel avenir pour le « value » et le « growth » ?

Durant la crise, beaucoup d'investisseurs se sont détournés du « value » et de sa sous-performance. Résultat, « nous sommes à un plus bas historique de valorisation relative », fait savoir Marc Renaud de Mandarine Gestion. Cela s'explique aussi par « la baisse des taux d'intérêts qui crée un contexte extrêmement néfaste pour les valeurs value », ajoute le gérant.

Il s'agit en effet de « contextes déprimés qui survalorisent la croissance à long terme et qui sont défavorables aux valeurs à duration courte, et donc au value ». En ce qui concerne l'avenir, Marc Renaud est formel : « il n'y aura pas de rebond durable de ce biais avec des taux à zéro et une courbe plate ». Pour voir une vraie tendance se dessiner, et non pas un simple rebond ponctuel cyclique, « il faudra une repentification et une hausse des taux ».

De son côté, Laurent Dobler estime lui aussi que les taux devraient rester au plancher. « Vu le niveau d'endettement, dès qu'il y aura une petite reprise de l'inflation et une montée des taux, les banques centrales et gouvernements mettront immédiatement le holà », prévient le gérant. Cela devrait bénéficier à son créneau d'investissement, à savoir les entreprises qui génèrent de fortes croissances des bénéfices. « Sur les 5 dernières années, le marché n'a pas de croissance de bénéfices et nous, nous en avons de l'ordre de 8 à 10% par an », constate le directeur général de Comgest. Et si le prix de l'action de certaines valeurs de croissance est si élevé, c'est que d'après lui, « nous sommes dans une phase où tout ce qui est rare est cher ; et parce que la croissance est rare, elle se paye cher ».

Mais tout n'est pas rose pour le biais « growth ». La crise est passée par là et Laurent Dobler a aussi dans son portefeuille « des titres qui ont fortement baissé et qui ont bouffé du cash parce que leurs magasins n'étaient pas ouverts ». Ainsi, il anticipe « qu'il va y avoir une baisse des bénéfices cette année, ce qui n'était quasiment jamais arrivé de mémoire de gérant ». Mais que ses souscripteurs se rassurent : « cette grande partie de notre portefeuille qui est effectivement à l'arrêt, a aussi un pouvoir de rebond ». Tout comme certaines valeurs « value ».

Laurent Dobler prévoit qu'il y aura des « rallyes des zombies », mais anticipe aussi que « quand le marché va constater que la Société Générale ne fait pas faillite et que Renault arrive à nouveau à vendre des voitures, il y aura une reprise de ces titres extrêmement massacrés parce que le marché était dans une exagération ». Un constat que ne l'empêche pas de garder sa ligne directrice : « trouver les marathoniens sur lesquels investir à long terme ».

Les secteurs que visent les gérants

« Tout ce qui n'est pas cher ne mérite pas forcément d'être dans un portefeuille d'investissement, y compris un portefeuille value », tempère Marc Renaud de Mandarine Gestion. Mais certains secteurs attirent son attention et présentent un potentiel d'appréciation important selon lui. D'abord, « les bancaires – solides et non zombies – qui, même si elles viennent de faire l'objet d'un rallye, affichent pour certaines des sous-valorisations incroyables ». Son regard se porte également vers les sociétés de matières premières « qui sont tombées à des niveaux trop bas alors qu'elles versent des rendements à 7/8% par an ». La conviction de ce gérant « value » est que « les grosses pétrolières seront des acteurs majeurs de la transition climatique et qu'aujourd'hui, elles souffrent de leur image et sont même exclues de certains portefeuilles de manière injustifiée ». Finalement, à ses yeux, « il y a des secteurs à exclure et la crise du coronavirus en a rajouté quelques-uns. Mais des sociétés pas chères, dans ce marché coupé en deux, il y en a plein ».

En tant que gérant « croissance », Laurent Dobler a lui une affinité pour les titres technologiques ou liés à la santé : « Il y a beaucoup de mégatendances qui viennent renforcer structurellement le secteur de la santé, à commencer par le vieillissement de la population ». D'autant que le créneau des sociétés pharmaceutiques « est le moins cher de mon portefeuille », renchérit-t-il. En ce qui concerne la digitalisation de l'économie, Laurent Dobler relève que « personne ne peut vraiment échapper à ça » et que le phénomène balaye tous les secteurs. « Une société comme L'Oréal qui a réussi à rentrer tôt dans le digital a une bien meilleure croissance qu'une société qui n'y serait pas rentré, ou trop tard, comme Procter & Gamble ».

En somme, s'il est probable que le style « croissance » continue de séduire davantage les investisseurs, la gestion « value » n'est pas à délaisser. « Je ne suis pas capable de dire si c'est le moment d'acheter du value. En revanche, je prétends que c'est dangereux de ne pas en avoir du tout après une performance pareille sur 10 ans », résume Marc Renaud de Mandarine Gestion. Finalement, le clivage entre « value » et « croissance » ne serait-il pas désuet ? Aimer les sociétés de croissance n'empêche effectivement pas « d'avoir un petit peu de value, parce qu'il y a un gros risque de rater quelque chose dans le cas contraire ».

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