
Le compteur de la dette américaine à Manhattan, en avril 2025. (crédit : ANGELA WEISS / AFP)
Les marchés s'inquiètent de la trajectoire des déficits publics. De fait, au cœur de l'Europe, en Allemagne, le frein constitutionnel au déficit public a été desserré par les deux chambres. Il faut donc s'attendre à ce que la première économie européenne augmente sensiblement son déficit et ses besoins de financement publics pour assurer son réarmement.
En France, les efforts de réduction du déficit sont louables, mais son niveau demeure élevé. Aux USA, cette semaine, la proposition de loi budgétaire pluriannuelle de l'administration Trump a été votée par la Chambre des Représentants cette semaine, et devrait passer rapidement devant le Sénat. Elle induit une hausse de 3.800 Mds$ de dette supplémentaire au cours des 10 prochaines années...Comme la dette des USA représente déjà 120% du PIB, la dérive future est d'autant plus inquiétante.
En plus de ces besoins de financement publics qui s'accroissent, la situation sur le front de l'inflation demeure tendue. L'inflation au Japon a été publiée à 3,5%, soit significativement plus que les anticipations du consensus. L'inflation de l'archipel du Soleil Levant est comprise entre 2 et 4% depuis 3 ans, au plus haut depuis plus de 30 ans...

L'indice des prix au Japon.
La Fed elle-même est contrariée par une inflation qui demeure largement supérieure à son objectif de 2% : son statu quo sur ses taux directeurs pourrait durer encore, au grand dam de M. Trump. Plus le temps passe, plus le risque de transformer la hausse des prix en un phénomène inflationniste augmente...
Face à ces deux évolutions, les taux d'intérêt de marché commencent à bouger. Le taux des obligations du trésor US à 10 ans ont débordé le niveau de 4,5%. Au Japon, qui connaissait aussi une hausse significative de l'inflation, les taux des obligations à plus de 20 ans ont flambé, à la suite d'une adjudication d'obligations à 20 ans qui s'est mal déroulée. Les taux à 30 ans ont atteint 3%, un plus haut de 25 ans.

Rendement des obligations d'Etat japonaises.
Le niveau des taux à 10 ans reste «raisonnable» (1,5%) mais a quand même progressé de 50 points de base en quelques mois. Face à ce stress sur les marchés obligataires, les marchés d'actions semblent sereins. Nous proposons plusieurs points d'analyse.
1/ Les actions semblent vivre leur vie, indépendamment de l'évolution des taux d'intérêt. Il est vrai que depuis plusieurs années, la hausse des taux de marché n'a pas affecté significativement le cours des actions. Il y a juste 3 ans, le taux des OAT françaises à 10 ans valait 0,2%. La hausse de 300 pb, et notamment celle de 2023 (passage de 1,4% à 3%), n'a pas suscité de krach sur les actions. Au contraire, cette année-là, le CAC 40 a progressé de plus de 16%...Ces observations peuvent faire croire à certains que les actions peuvent progresser en dépit de la hausse des taux d'intérêt…Nous n'y croyons pas. Il existe toujours des arbitrages sur le marché entre actions et obligations. Le niveau des taux constitue aussi une charge pour les entreprises : leur hausse durable induit une baisse de leur bénéfice. Par ailleurs, nous expliquons la résistance des actions à la hausse des taux de à 0 à 3 %, par la disparition du risque déflationniste, qui est le vrai cauchemar des actions. C'est ce risque déflationniste qui a expliqué le niveau très faible, et même négatif, des taux obligataires de 2015 à mi- 2022. Le retour à un niveau « normal » des taux est induit par le retour de l'inflation « normale », et l'éloignement du risque déflationniste...
2/ Le stress lié au financement des déficits publics et à l'inflation concerne aussi, forcément, les actions. Dans beaucoup de cas les investisseurs obligataires professionnels sont aussi des investisseurs en actions. En cas d'accélération de la hausse des taux de marché et de pertes subies par les investisseurs, ceux-ci devront vendre des actions simplement pour rééquilibrer leur allocation d'actifs cible, ce qui fera baisser leurs cours.
3/ La situation au Japon mérite une attention particulière. Elle est symbolique de l'éloignement du risque déflationniste dans ce pays qui l'a subi pendant deux décennies, et explique la contreperformance considérable des actions avant leur redressement récent. Elle est caractéristique aussi d'un pays dont les finances publiques sont très dégradées depuis longtemps, et dont l'endettement est considérable. Les excédents très importants de ce pays en ont fait un investisseur majeur en obligations américaines : le japon détient actuellement 1.000 Mds$ d'obligations US.
Par ailleurs, le yen est une monnaie de financement de positions spéculatives très importantes, dans la mesure ou ses taux d'intérêt sont (ou étaient) très bas. Le fait que les taux monétaires doivent progresser induit la fin de ce que l'on appelle le yen carry trade, un phénomène qui avait suscité un épisode de volatilité sur les marchés au début du mois d'aout. Par ailleurs, la hausse des taux longs japonais induit potentiellement le retour des investisseurs japonais vers leurs propres obligations, désormais porteuse de taux enfin attractifs, notamment sur les obligations à plus de 20 ans…Cela représente un risque majeur pour le scénario de marché.
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