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Un krach obligataire sans krach des actions ?
information fournie par Le Cercle des analystes indépendants 10/11/2022 à 08:30

Eric Galiègue
Eric Galiègue

Eric Galiègue

Phiadvisor Valquant

Directeur de la recherche

https://phi-advisor.com/fr/

(Crédits photo : Adobe Stock -  )

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L'année 2022 restera dans les annales des investisseurs. En effet, c'est la pire année jamais vécue par les porteurs d'obligations à 10 ans émises par l'Etat Français : ils ont perdu en un an près de 20% de leur capital.

Source : Factset et Valquant Expertyse

Source : Factset et Valquant Expertyse

Pourtant, les obligations d'Etat sont considérées «sans risque», et souvent constituent un refuge pour les investisseurs. On se retrouve ainsi dans la situation très paradoxale ou les profils de risque «sécuritaire», dominés par les produits de taux, ont perdu plus que les profils de risque «dynamique», dominé par les actions…

Les actions, actifs habituellement deux à trois fois plus risqués que les obligations, ont limité leurs pertes à moins de 10% sur un an au 8 novembre 2022. Normalement, la baisse des actions aurait dû dépasser 40%. Alors pourquoi les actions ont-elles si bien résisté ? Nous avançons plusieurs explications

1/ Une partie de la hausse des taux ne doit pas être considérée comme négative pour les actions, au contraire.

Il y a dans la hausse de 250 à 300 pb en un an, le constat de la disparition du risque déflationniste, qui avait porté les taux des obligations à zéro, voire en territoire négatif pendant plusieurs années. Il avait aussi convaincu la BCE de lancer son Quantitative Easing en 2015.

La fin du risque déflationniste conduit à une saine normalisation des taux ; on peut ainsi considérer que la moitié de la hausse des taux subie depuis un an ne devait pas impacter négativement le cours des actions. La hausse des taux est compensée par la hausse des perspectives à long terme des actions.

Source : Factset et Valquant Expertyse

Source : Factset et Valquant Expertyse

2/  La hausse de la prime de risque est  floue pour beaucoup

L'inflation induit une hausse structurelle et durable de la prime de risque : les raisons profondes de l'inflation (des dysfonctionnements durables de l'économie) créent de l'incertitude (quel cout ? quel prix de vente?) et du stress entre les parties prenantes de l'entreprise (négociations dures avec les salariés, les fournisseurs, les clients…). Le courtermisme qui règne en maitre actuellement sur les marchés, s'oppose au concept même de « prime de risque », par essence invisible, donc discutable…

Par exemple, la hausse des ventes liées à l'inflation est visible et jugée favorablement, alors que l'incertitude majeure sur certains couts futurs n'est pas un sujet, pourtant…

3/ La baisse à venir de la marge des entreprises n'est pas encore visible

Le niveau actuel des marges des entreprises n'est pas tenable, même si la baisse de l'€ produit des gains de change importants pour de nombreux groupes européens (effets de conversion des comptes exprimés en $ de certaines filiales).

Source : Factset et Valquant Expertyse

Source : Factset et Valquant Expertyse

Plusieurs éléments nous font penser que la baisse des marges qui commence en 2022 est durable :

  1. La hausse du cout de l'énergie est manifestement faite pour durer. Le cout de l'énergie fossile est de plus en plus élevé (raréfaction de l'offre en raison du déficit d'investissement dans l'amont pétrolier), comme celui de l'énergie renouvelable (importance des investissements à réaliser, cout d'exploitation parfois élevés)
  2. Les pénuries de compétences se traduisent par des hausses de salaires importantes.
  3. La hausse de la fiscalité des entreprises ne fait que commencer : un point bas du taux d'IS mondial vient d'être touché, et les Etats devront accroitre la pression fiscale sur les entreprises (banques, « superprofits » énergétiques…)
  4. La « démondialisation » (cf travaux récents du FMI sur ce sujet) et la « réindustrialisation » induisent des couts plus élevés pour les entreprises.

3/ Les acteurs de marché sont peu expérimentés et ont toujours vécu dans un contexte haussier

La hausse quasiment ininterrompue du cours des actions (surtout aux USA) est impressionnante et porte sur 12 ans…ce qui signifie que la grande majorité des acteurs du marché n'ont connu que la hausse. En conséquence, les traders considèrent qu'une baisse de marché sera forcément suivie par une hausse plus puissante…donc ils rachètent et par la même soutiennent les cours.
Depuis le défaut de LTCM et de la Russie (1998), les grandes crises ont été solutionnées par les banques centrales, via une création de monnaie considérable et/ou une baisse rapide des taux. Cette fois-ci, la problématique est inversée : la crise vient des banques centrales, qui veulent « porter les taux au-delà de l'inflation » (Powell, 2 novembre 2022). Dans les salles de marché, personne n'imagine que le bienfaiteur des marchés devienne tout d'un coup son bourreau …

Ces trois raisons expliquent la résilience des actions fac à un krach obligataire inédit. Mais, forcément, le marché va être confronté à la réalité en 2023. Ce retour à la réalité l'année prochaine sera difficile, et prendra la forme de :

  • La poursuite de la hausse des taux de la Fed et de la BCE
  • La hausse de taux de marché au-delà des niveaux actuels
  • La résilience de l'inflation
  • La crise immobilière
  • La baisse des profits des entreprises

Sauf à imaginer un « cygne blanc », comme la fin du conflit en Ukraine, ou un revirement spectaculaire des politiques monétaires des banques centrales, la combinaison de ces éléments nous promet une année 2023 difficile.

4 commentaires

  • 10 novembre 09:54

    Oui, bonne synthèse. Mais ne pas oublier que l'inflation est globalement bonne pour les entreprises, qui augmentent leurs prix et préservent leurs marges, et réduit l'endettement réel chaque fois que les taux d'intérêt restent inférieurs à celui de la hausse des prix. Certaines pénuries de facteurs devraient s'atténuer par ailleurs. Et les banques centrales restent sensibles aux marchés financiers. La jeunesse des traders est sans doute un moteur bullish...


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