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Un journaliste du Wall Street Journal détenu en Russie pour espionnage
information fournie par Reuters30/03/2023 à 21:10

(Ajoute nouveau commentaire de la Maison blanche)

par Andrew Osborn et Felix Light

LONDRES, 30 mars (Reuters) -

Un tribunal russe a ordonné jeudi le placement en détention provisoire d'un journaliste américain travaillant pour le Wall Street Journal que Moscou accuse d'espionnage au profit de Washington, des accusations dénoncées comme "ridicules" par la Maison blanche.

Il s'agit de la plus grave mesure prise par la Russie à l'encontre d'un journaliste étranger depuis le début de son offensive en Ukraine le 24 février 2022.

Le Service de sécurité fédéral russe (FSB) a annoncé plus tôt dans la journée avoir engagé des poursuites pénales pour espionnage à l'encontre d'Evan Gershkovich, qui a été "pris la main dans le sac", selon l'expression du Kremlin.

La Maison blanche a rapidement dénoncé cette arrestation, faisant savoir que le département d'Etat américain était en contact direct avec le gouvernement russe et que l'administration du président Joe Biden échangeait avec la famille et l'employeur d'Evan Gershkovich.

"Ces accusations d'espionnage sont ridicules. Il est inacceptable que le gouvernement russe cible des citoyens américains", a déclaré la porte-parole de la présidence américaine lors d'un point de presse.

"Nous sommes profondément préoccupés par les informations inquiétantes selon lesquelles Evan Gershkovich, un citoyen américain, a été placé en détention en Russie", avait dit au préalable Karine Jean-Pierre dans un communiqué. "Nous condamnons dans les termes les plus forts la détention de M. Gershkovich"

La porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères a indiqué que Washington avait demandé via des canaux diplomatiques un accès consulaire à Evan Gershkovich. Cela lui sera "accordé en temps voulu", a dit Maria Zakharova à Reuters.

Evan Gershkovich, qui travaille pour le bureau de Moscou du Wall Street Journal depuis janvier 2022, a plaidé non coupable devant le tribunal moscovite. Son employeur a jugé que ce dossier monté contre son journaliste s'appuyait sur de fausses allégations.

C'est la première fois depuis la fin de l'URSS en 1991 qu'un journaliste étranger est poursuivi pour espionnage en Russie.

L'espionnage est passible de vingt ans de prison en Russie.

"PAS DE LIEN AVEC LE JOURNALISME"

Cette affaire s'inscrit dans un contexte de relations extrêmement tendues entre Moscou et Washington, premier fournisseur d'armes à l'Ukraine.

Le FSB accuse Evan Gershkovich, qui est âgé de 31 ans, d'avoir recueilli des informations classées secret d'État au sujet d'une usine militaire. Il n'a fourni aucun élément de preuve de ses accusations.

Le FSB n'a pas cité l'usine ni précisé où elle se trouvait, mais a indiqué avoir arrêté le journaliste dans la ville d'Ekaterinbourg, en Sibérie occidentale.

"Il a été établi qu'Evan Gershkovich, agissant sur mandat américain, recueillait des informations classées secret d'État sur l'activité de l'une des entreprises du complexe militaro-industriel russe", a déclaré le FSB dans son communiqué.

Le Wall Street Journal s'est dit dans un communiqué "profondément inquiet" pour la sécurité d'Evan Gershkovich, démentant "avec véhémence" les allégations du FSB et demandant "la libération immédiate de notre journaliste dévoué et digne de confiance".

Maria Zakharova a déclaré que les activités de Gershkovich n'avaient "pas de lien avec le journalisme".

Une source diplomatique américaine a déclaré que l'ambassade des Etats-Unis à Moscou n'avait pas été informée de l'incident et qu'elle cherchait à obtenir des informations auprès des autorités russes.

L'affaire rappelle l'arrestation en 1986 par l'Union soviétique du journaliste américain Nicholas Daniloff, finalement relâché après avoir été accusé d'espionnage.

Evan Gershkovich devrait être transféré à la prison moscovite de Lefortovo, un centre de détention provisoire du FSB.

Le journaliste, qui couvre la Russie depuis 2017, a précédemment travaillé au journal The Moscow Times et à l'Agence France Presse. Ces derniers mois, il avait principalement couvert la politique russe et le conflit en Ukraine.

"ATTAQUE FRONTALE CONTRE LES JOURNALISTES ÉTRANGERS"

Iaroslav Chirchikov, politologue à Ekaterinbourg, a dit à Reuters avoir été interviewé il y a deux semaines par le journaliste américain, qu'il devait revoir à nouveau jeudi.

Le reporter, qui n'était pas selon lui un "ennemi de la Russie", l'avait interrogé sur l'attitude de la population locale vis-à-vis du groupe paramilitaire Wagner, qui combat en Ukraine. Il l'avait aussi informé qu'il comptait se rendre à Nijny Tagil, une ville abritant une usine de chars, afin de demander aux habitants si leur point de vue sur la guerre en Ukraine avait évolué.

La Russie a considérablement durci la censure depuis l'invasion de l'Ukraine en février 2022, punissant de cinq à quinze ans d'emprisonnement le fait de "discréditer" l'armée russe ou de diffuser des informations fausses à son sujet.

La définition de ce qui constitue un secret d'Etat, en particulier dans la sphère militaire, a été également élargie.

"Le problème est que la législation récemment mise à jour en Russie et l'interprétation par le FSB de l'espionnage aujourd'hui autorisent l'emprisonnement de quiconque est simplement intéressé par les questions militaires", déclare Tatiana Stanovaïa, fondatrice du bureau d'analyse politique R.Politik.

Elle a émis l'hypothèse qu'Evan Gershkovich ait été pris en "otage" pour un éventuel futur échange de prisonniers.

Il y a plus d'un an, une semaine avant l'invasion de l'Ukraine, la basketteuse américaine Brittney Griner avait été arrêtée et emprisonnée en Russie pour possession illégale de cannabis. Elle a été relâchée en décembre dernier en échange de la libération du marchand d'armes Viktor Bout, qui purgeait une peine de 25 ans de prison aux Etats-Unis.

Andreï Soldatov, auteur et spécialiste des agences de sécurité russes, a dénoncé sur Twitter une "attaque frontale" contre les journalistes étrangers en Russie.

"Evan Gershkovich est un très bon et courageux journaliste, pas un espion. C'est une attaque frontale contre tous les correspondants étrangers qui travaillent encore en Russie. Et cela signifie que le FSB a la bride sur le cou", a-t-il dit.

(Reportage Reuters; version française Nathan Vifflin, Jean-Stéphane Brosse et Jean Terzian, édité par Blandine Hénault et Tangi Salaün)

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