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TFF Group : bien utile pour les vins et spiritueux ?
information fournie par Le Cercle des analystes indépendants 12/12/2024 à 08:08

Jérôme Lieury
Jérôme Lieury

Jérôme Lieury

Olier Etudes & Recherches

Analyste financier, membre du Cercle des analystes

https://www.olier-etudes-recherche.fr/

Basée à Saint-Romain, en Côte-d'Or près de Beaune, TFF Group, alias Tonnellerie François Frères, fabrique des tonneaux, comme son nom l'indique bien, pour un chiffre d'affaires de 486 millions d'euros sur son dernier exercice clos fin avril 2024. (crédit : DR)

Basée à Saint-Romain, en Côte-d'Or près de Beaune, TFF Group, alias Tonnellerie François Frères, fabrique des tonneaux, comme son nom l'indique bien, pour un chiffre d'affaires de 486 millions d'euros sur son dernier exercice clos fin avril 2024. (crédit : DR)

Entre un indice SBF 120 des grandes valeurs françaises à -1,85% depuis le 1er janvier 2024 et un indice Cac Mid & Small des petites valeurs à -6% dans le même laps de temps, il n'y a pas photo. Et si on rentre dans les détails des valeurs en baisse, on ne peut s'empêcher de penser que c'est presque bizarre de voir les cours de valeurs de qualité perdre -40% voire plus depuis le début de l'année. Mersen, Alten, Rémy Cointreau, par exemple, ne vont pas perdre d'argent en 2024 et en 2025, mais juste en gagner un peu moins, et le marché les sanctionne autant que les titres de sociétés moins solides, et donc moins bien armées pour affronter la conjoncture, laquelle n'est pas très dynamique il est vrai.

Les investisseurs peu discriminants, même avec les spiritueux

On a envie de dire que le marché n'est pas discriminant, même si les mid-caps sont pour la plupart des PME plus exposées à une économie européenne qui se traîne un peu que les grands groupes qui sont très largement internationalisés et donc logiquement bien implantés dans des pays à forts potentiels comme l'Inde, voire les Etats-Unis où se prépare un nouveau boom à en croire Mr Trump.

Et il n'est pas très discriminant parce qu'il ne regarde pas trop non plus les valeurs dites "défensives" qui ont pourtant toute leur place dans une conjoncture qui ralentit comme cela semble bien être malheureusement le cas. Comme les valeurs du secteur des Spiritueux, bien maltraitées en ce moment qu'elles soient grandes ou petites, alors que leurs clients ne changent pas vraiment de comportement, sinon à la marge, en fonction de la conjoncture. Des titres de sociétés qui adressent un marché global bien orienté sur le long-terme, avec toujours plus de classes moyennes dans ce vaste monde, et la possibilité de premiumiser les produits. Et qui sont quoiqu'il arrive très profitables : avec une marge brute de 70% environ et une marge opérationnelle de plus de 25% bon an mal an comme chez Pernod-Ricard ou Diageo ou Constellation Brands, etc…, on est plutôt dans le dessus du panier des sociétés cotées, la High Tech exceptée.

Sans parler de PME qui servent ces grands groupes, et qui dégagent un bon résultat économique aussi, comme TFF Group dont le cours de Bourse est à -33% year to date, ce qui peut paraître un peu beaucoup.

La tonnellerie, et tout ce qui s'ensuit

Basée à Saint-Romain, en Côte-d'Or près de Beaune, TFF Group, alias Tonnellerie François Frères, fabrique des tonneaux, comme son nom l'indique bien, pour un chiffre d'affaires de 486 millions d'euros sur son dernier exercice clos fin avril 2024, réalisé avec 1 800 collaborateurs en tout : tonneaux à vin (43% des ventes) pour les vins de Bourgogne, des Côtes du Rhône et de Bordeaux, les vins californiens, australiens, et espagnols, soit 13 maisons/marques en tout sur 5 continents, fûts à bourbon (41% des ventes) et à whisky (16% des ventes), soit deux tonnelleries (et neuf sites en tout) aux USA et neuf en Ecosse, et aussi des foudres, qui sont des tonneaux de grandes tailles pour grands chais. Par ailleurs, TFF est actif dans les produits de boisages, qui donnent du goût au vin qui vieillit dans des fûts en inox (et permettent de créer toutes sortes de variétés pour œnologues distingués) et dans la fabrication desdits fûts en inox même. Enfin, tout en amont de la chaîne de valeur, TFF Group est présent dans l'exploitation forestière pour sécuriser ses approvisionnements en bois de chêne, et dans la fabrication des merrains, qui sont les planches avec lesquelles on fabrique les tonneaux. Avec en tout 58% des ventes aux USA, 12% en France, et 12% au Royaume Uni, ou plutôt en Ecosse, qui en fait toujours partie malgré tout.

Une stratégie orientée croissance

TFF Group est cotée depuis 1999, mais c'est une société ancienne puisque créée en 1910, et toujours très familiale depuis, puisque gérée à présent par un membre de la quatrième génération. La société a commencé à exporter ses tonneaux dans les années 1970, pour des entreprises vinicoles comme Angelo Gaja en Italie, Mondavi en Californie, Rosemount en Australie, et Catena en Argentine, et s'est aussi bien développée par acquisitions au fil du temps : merranderies (qui fabriquent les merrains : Tronçais, SO.GI.BOIS, etc…), tonnelleries pour le vin (Bouyoud, Demptos España, Trust-Hongrie, Apjohn et Classic Oak en Australie-NZ, Apjohn), pour le whisky écossais (Speyside, Broxburn, Isla, Camlachie, etc…), produits de boisage (Arobois, Stavin aux USA, et Biossent très récemment), cuves en inox (Lejeune), négoce du bois (Idelot), etc...

Des acquisitions de toutes tailles, avec quelque fois des mouvements importants, comme celle du groupe Radoux (3 tonnelleries et 3 marques, une foudrerie, une merranderie, et une filiale de distribution) en 2012. En 2023/24, TFF a encore acquis la tonnellerie McDermott dans l'Ohio, pour renforcer encore Speyside Bourbon aux USA. TFF Group crée aussi des activités ex-nihilo, comme Demptos Yantaun une tonnellerie en Chine en 2007, ou un site à Corsica en Pennsylvanie en 2023/24.

Ce qui fait que TFF est à présent un grand acteur intégré et indépendant du métier qui consiste à fournir l'outil de travail des nombreuses maisons grandes et petite de négociants en vins, de caves vinicoles et viticoles, de distilleries de spiritueux, etc. Et qui a su éventuellement se rendre presque indispensable grâce au savoir-faire artisanal de ses collaborateurs, en se positionnant de plus comme un grand acteur de la rénovation/réparation des fûts usagés. Un très bon métier a priori dans la mesure où les distilleries écossaises, victimes de leur succès, manquent chroniquement de tonneaux. Le tout avec à la clé un chiffre d'affaires multiplié par 1,8x en cinq ans, soit un taux de croissance moyen annuel (cagr, pour les fins connaisseurs) de plus de +12%, ce qui n'est pas mal en soi.

Des résultats économiques intéressants

TFF Group avait réalisé un exercice 2022/23 fracassant, avec un chiffre d'affaires en croissance de +45%, et un pôle Alcools qui a pour la première fois dépassé le pôle Vins. Une forte croissance liée à une forte demande partout dans le vin, avec notamment une récolte abondante en Bourgogne et une consommation toujours soutenue, surtout aux USA, après la forte reprise de la sortie du covid, un rattrapage des prix violent pour les fûts à whisky, soit +46% en un an pour cause de pénurie de fûts usagés, et une croissance de +59% de la division Bourbon, avec ses deux tonnelleries et ses cinq merranderies, qui couvrent bien les régions de production et répondent à la demande en pleine explosion des distilleries artisanales, soit une production en hausse de +51% pour les merrains  (650.000 sets c. 430.000), et de +10% pour la tonnellerie (660 000 fûts) et des prix de ventes bien revalorisés (+25%, à 240$/fût). Et, avec des capacités de production bien utilisées aussi, un gain de plus de +5 points de la marge opérationnelle des comptes consolidés, marge qui atteint un très bon niveau en valeur absolue à 18%.

Le dernier exercice clos fin avril 2024 n'a pas été mal non plus, avec une croissance des ventes de +10,6%, dont +21,4% pour le pôle Alcools dont +23% pour la division Bourbon, avec encore +25% pour la production de merrans (840 000 sets), +5% pour les fûts (692 000 fûts) et +10% pour les prix, et une activité en croissance de +22% dans la réparation/rénovation/négoce des fûts de whisky usagés, le tout faisant plus que compenser une activité globalement stable (-1%) dans le pôle Vins, en baisse dans la tonnellerie et en hausse dans le boisage. Avec toujours ce bon niveau d'activité dans les Alcools, et l'inflation générale des coûts dernière nous, il n'est donc pas étonnant que la marge opérationnelle s'améliore encore un peu, soit +0,8 point à 18,8%, qui est un record historique.
Et éventuellement un chiffre à bien regarder, parce qu'on ne le reverra peut-être pas avant un certain temps.

Mais pas que des points forts, bien entendu…

TFF Group a connu deux exercices glorieux en termes d'exploitation, mais un peu moins toutefois en termes de bilan. Tout d'abord parce que, les acquisitions aidant, la société n'a pas généré de free cash-flow en 2023/24. Selon le calcul grossier, mais souvent assez parlant, qui consiste à soustraire d'une capacité d'autofinancement qui n'est rien d'autre que le résultat net augmenté des amortissements, les investissements bruts en équipements et en acquisitions de filiales (tout ça se trouve facilement dans les comptes consolidés). Ce qui se retrouve dans l'endettement net (un autre calcul grossier : - liquidités en caisse + dette financière à long-terme + dette financière à court-terme) qui a augmenté, le ratio endettement net / fonds propres passant de 40 à 52% en un an. Et qui a augmenté aussi et surtout parce que TFF Group porte des stocks importants de produits semi-finis, les merrains, pour ne pas les nommer, et que ces stocks ont bien augmenté (de +71millions d'euros, pour être précis) d'une année sur l'autre.

Et si un ratio Dette Nette/Fonds Propres de 52% n'est pas un drame en soi, TFF affiche systématiquement une situation de trésorerie nette largement négative, et a en d'autres termes beaucoup moins de liquidités en caisse que de dette financière à court-terme. Ce qui est éventuellement une fragilité qui peut peser un jour sur le cours de Bourse, surtout en cas de mauvaise nouvelle. Mais ce que l'on peut toutefois éventuellement relativiser puisque cette dette à court-terme finance les stocks cités plus haut, qui sont à court-terme (ou presque) aussi.

… et l'ambition 2024/25 revue un peu en baisse

Mais quand même. D'autant que les résultats vont être moins bons, c'est indubitable : le chiffre d'affaires du premier trimestre (mai-juin-juillet) de l'exercice en cours recule de -5,5% en données comparables, en baisse de -8,1% dans le pôle Vins, entre autres parce que les vendanges s'annonçaient mauvaises en Europe pour tout un tas de raisons, entre la météo (toujours elle !) et les maladies de la vigne, et -3,2% pour le pôle Alcools, les distilleries américaines réfreinant quelque peu leur production de bourbon. Ce qui a amené la direction à revoir ses objectifs pour l'année, soit un chiffre d'affaires attendu à moins de 500 millions d'euros à présent, et des marges aussi attendues moins bonnes qu'auparavant.

Mais si, selon le consensus Boursorama, la marge opérationnelle (EBIT/Chiffre d'affaires) pour l'exercice en cours 2024/25 est encore de 16% (76/467) environ, on s'en contentera.
De fait, il faut se contenter de ce qu'on a.

Comme dit Warren Buffett. Qui peut en parler.

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2 commentaires

  • 09 janvier 10:44

    Quelques semaines après, cela peut faire sourire.....


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