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Taux obligataires, vers un retour vers le « taux naturel » ?
information fournie par Le Cercle des analystes indépendants 18/03/2021 à 19:15

François d'Hautefeuille
François d'Hautefeuille

François d'Hautefeuille

Evariste Quant Research

Cofondateur & président

https://www.evariste-quant-research.com/

1. Le mouvement des marchés obligataires est en train de casser 40 ans de déflation et de baisse des taux vers des plus bas historiques et négatifs
2. Un retour progressif vers le « taux naturel » de 4/6% pourrait impacter fondamentalement l'équilibre épargne investissement et optimiser la création de richesse
3. La sortie du « piège à la liquidité » peut relancer la croissance des pays européens après 20 ans de de stagnation économique en Europe du Sud et en particulier en Italie

Qu'est-ce que le « taux naturel » ?

Le taux naturel a été défini par le grand économiste Suédois Knut Wicksell dans les années 20. Ce taux naturel est le taux qui optimise l'allocation épargne/investissement et donc la création de richesse. Il est au cœur de la « Stabilitaetspolitik » allemande telle qu'elle a été définie par Ludwig Ehrhardt et institutionnalisée par le Traité de Maastricht.

Comment définir le « taux naturel » ?

Le taux naturel est la somme du taux de croissance potentiel à long terme de l'économie (lié au fameux « Output Gap » calculé comme la différence entre le PNB réel et le PNB potentiel) et de l'objectif d'inflation long terme de la banque centrale (soit actuellement autour de 2 % en Europe et aux USA) ainsi que d'une prime de risque (autour de 1%).

Comment estimer le taux de croissance potentiel ?

Le taux de croissance potentiel est la somme du taux de croissance de la population active et de la productivité long terme. Il a longtemps été estimé à autour de 2 % dans les pays riches, soit autour de 1 % pour la croissance de la population active (via la croissance naturelle et l'immigration) et 1 % pour la croissance de la productivité.

Quel serait alors le taux naturel des obligations en Europe ?

Durant longtemps le taux naturel allemand a été estimé autour de 6 % avec une fluctuation dans un couloir 3 à 9 %. Ceci correspondait bien à une croissance potentielle long terme du PNB nominal d'autour 4/5 % (2 % pour le PNB nominal et 2% pour l'inflation) et une prime de risque autour de 1 %. Ceci correspondait aussi à la croissance moyenne long terme de la masse monétaire allemande de 4 à 6 %, objectif longtemps officiel de la Bundesbank et même de la BCE à sa création.

Le taux naturel Allemand a été autour de 6% jusqu'à la création de l'Euro. Le taux moyen est bien autour de 6%. C'est le taux naturel qui optimise l'équilibre épargne / investissement. Le taux actuel est proche de 0%.

Taux naturel allemand. (source : IMF, Bloomberg LLP)

Taux naturel allemand. (source : IMF, Bloomberg LLP)

Comment expliquer la chute du taux nominal en dessous de ce taux naturel ?

La grande question économique et politique de ces 15 dernières années quant à l'avenir de l'Euro et donc de l'Europe est de comprendre comment et pourquoi les pays occidentaux sont tombés dans le fameux et dangereux « piège à la liquidité » dénoncé par Keynes dans sa Théorie Générale de la Monnaie.

Ce piège à la liquidité reflète une croissance monétaire et économique atone très en dessous du taux naturel et proche de 0 % voire en dessous. Dans une telle situation la banque centrale perd une grande partie de son pouvoir monétaire dans la mesure où les acteurs économiques thésaurisent leur épargne dans des actifs stériles (or, immobilier, liquidités). Ils ne financent donc plus les entrepreneurs et les « animals spirits » qui sont au cœur du Progrès et donc des valeurs des Lumières. Le pays sombre alors dans une grande stagnation comme le Japon depuis 30 ans (« Japonification » de l'économie). L'épargne stérile est alors recyclée dans des zones plus productives. Le point positif de ce « forced saving » (épargne forcée) est qu'il a permis le refinancement de la croissance prodigieuse de la Chine depuis 20 ans.

Cette stagnation peut se transformer en dépression financière et économique comme dans les années 30 ou comme cela a pu être évité pour la crise sanitaire grâce à l'action résolue de deux grandes Européennes : Ursula von der Leyen et Christine Lagarde. Sans leur action, ce sont alors les fondements même du capitalisme et de la démocratie et donc de nos libertés qui auraient alors en été risque.
La MMT (« Modern Money Theory ») comme politique économique pour sortir du piège aux liquidités ?

On ne peut ainsi qu'admirer et respecter la politique de la BCE appuyée par la Commission Européenne lors de la crise Covid. Cette politique innovante voire iconoclaste a su éviter un effondrement historique de l'économie. Elle a compensé la baisse du PNB réel par des injections majeure de liquidités et une politique fiscale accommodante. Elle a ainsi limité l‘ effondrement du PNB nominal et donc de ne pas enclencher un cycle de dépression type 1933 qui aurait pu mener à nouveau l'Europe au désastre totalitaire.

De facto, la BCE suivant la FED appliquent une politique de Modern Money Theory en remettant en cause les critères de Maastricht. Ces critères ont probablement joué un rôle majeur dans la sous croissance européenne de ces 20 dernières années. Ils auraient pu conduire l'Europe à son autodestruction dans la mesure où il n'ont pas permis à l'Italie de s'enrichir depuis 20 ans (l'écart du PNB par habitant entre l'Allemagne et l'Italie a augmenté ainsi plus de 20% depuis 20 ans). Ils auraient aussi pu empêcher la BCE de contrecarrer le risque de dépression lié au Covid.

La Commission Européenne d'Ursula von der Leyen a bien identifié avec le soutien du Président Macron qu'une telle stagnation séculaire condamne forcément à terme l'Euro et l'Europe. Les mesures de relance de l'Italie via les Eurobonds sont sans aucun doute un tournant historique dans l'histoire de l'Euro et de l'Europe. « Super Mario » Draghi a certainement toutes les qualités requises pour déployer d'une manière productive un tel plan Marshall Européen et relancer la croissance Italienne.

Quelles stratégies d'investissement face à ce nouveau paradigme obligataire ?

Nous sortons de 40 ans de baisse des taux longs. Cette grande désinflation a été débuté vers 1980. Paul Volker a alors cassé l'inflation des années 70 suite à la stagflation des années Carter et l'arrivée au pouvoir de Ronald Reagan. La plupart des investisseurs ne se souviennent plus d'une telle économie d'inflation ou même de retour à un « taux naturel ». Pourtant, les impacts d'une renormalisation annoncée de l'inflation et des taux vont profondément impacter la structure économique et financière. De fait, les taux d'intérêt sont le « prix du temps ». Ils sont au cœur de la valorisation relative de tous les actifs financiers.

Politique monétaire américaine et conjoncture économique depuis cinquante ans. (source : Factset et Valquant Expertyse)

Politique monétaire américaine et conjoncture économique depuis cinquante ans. (source : Factset et Valquant Expertyse)

1.    Vendre les obligations pour acheter des actions. Nos modèles quantitatifs sont favorables aux actions au détriment des obligations (cf. graphes ci-dessous). Ceci montre l'anticipation d'une reprise de la croissance après la crise sanitaire. De fait, les politiques monétaires et budgétaires très pro croissances de la BCE, de la Commission et des Etats mêmes ouvrent la voie à une reprise de l'économie réelle pour toute la zone Euro. Ceci devrait favoriser la hausse du cours des actions

2.    Vendre les actions technologie (Nasdaq) et revenir sur les financières, les actions matières premières et énergie, ainsi que les actions Européennes. On assiste actuellement à une reprise de secteurs actions qui ont longtemps sous performé :  actions financières (banques car elles vont profiter de la repentification de la courbe des taux), actions matières premières industrielles du fait de la reprise de l'économie réelle.

Portefeuille modèle Evariste. On reste très favorable aux actions par rapport aux obligations. Les actions USA ont été revendues (baisse des technologiques) du fait de la rotation sectorielle.

Portefeuille modèle Evariste. (Source: Evariste Quant Research, Bloomberg LLP)

Portefeuille modèle Evariste. (Source: Evariste Quant Research, Bloomberg LLP)

3.    Faut-il avoir peur d'un crash obligataires ? Nous ne le pensons pas. Une remontée incontrôlée des taux via un crash obligataire pourrait impacter profondément la reprise économique souhaitée. La Président Lagarde a clairement indiqué qu'elle souhaitait une hausse graduelle et contrôlée de l'inflation et donc des taux vers les objectifs long terme de la BCE. La BCE a clairement le moyen de contrôler l'ensemble de la courbe des taux via ses opérations de Quantitative Easing.

4.    Conserver ses fonds en Euros ? C'est la question à 1.000 Mds EUR vu l'importance considérable des fonds en Euros dans l'épargne des Français. Nous recommandons un transfert progressif de ces encours via des allocations actives en unités de compte. Les investisseurs doivent réapprendre à investir. Sinon, ils seront confrontés à « l'euthanasie des rentiers pour sauver les entrepreneurs » comme cela a toujours été le cas dans les crises équivalentes de l'histoire.

5.    Dynamiser ses liquidités ? Comme le disent les anglo-saxons, « cash is a wasting asset » (les liquidités ne sont pas une réserve de valeur) surtout quand on se place dans le cadre d'une épargne long terme comme l'assurance vie. On est là face à un paradoxe majeur : sur le long terme, ne pas prendre de risque est un énorme risque de voir son capital diminué par l'inflation. Seule l'acceptation d'un niveau de risque plus élevé permet d'éviter la perte en capital, alors qu'habituellement c'est la recherche de performance via la prise de risque qui expose à une perte en capital…

6.    Conserver les obligations à haut rendement, les obligations convertibles et internationales ? Nos systèmes restent positifs sur ces actifs plus risqués que les obligations d'Etat ou même indexées sur l'inflation. Ceci reflète la confiance des marchés quant à la capacité de la BCE et de la Commission à recréer de la croissance en Europe.

Portefeuille modèle Evariste. Les obligations zone Euro et Emergentes ont été vendues. Par contre, on reste long sur les obligations à haut rendement et convertibles. Ceci va bien dans le sens d'une reprise de la croissance.

Portefeuille modèle Evariste. (Source: Evariste Quant Research, Bloomberg LLP)

Portefeuille modèle Evariste. (Source: Evariste Quant Research, Bloomberg LLP)

7.    Vendre l'or et les mines d'or et l'argent métal et acheter des matières premières industrielles et énergétiques ? Nous sommes très méfiants sur les « actifs de misère » que sont les métaux précieux. Durant l'été 2020, on a assisté à une grande vague d'achat de ces actifs face aux craintes liées à la crise pandémique. Contrairement à ce large consensus de marché, les métaux précieux n'ont pas performé et sont de plus en plus fragilisés. On a là la mise en exergue des anticipations de reprise économique mentionnées ci-dessus. En effet, habituellement l'évolution des cours des métaux précieux est un bon indicateur de confiance /méfiance vis-à-vis de la croissance économique en général. A l'opposé, les métaux industriels sont corrélés avec la croissance économique mondiale. Ainsi, comme nous l'avions recommandé, les métaux industriels (cuivre), les matières agricoles (blé, maïs) ou encore le pétrole ont fortement sur performé l'or au cours des 6 derniers mois. Cela montre à nouveau que la dynamique économique est bien au rendez-vous en 2021-2022, et que la confiance est bien là.

Conclusion

Les banques centrales et les gouvernements ont mis en place des politiques radicales depuis le début de la pandémie. Ces politiques de rupture peuvent espérer voir l'Europe sortir du piège à la liquidité et de la Japonification de son économie dans lequel elle est tombée depuis la crise de l'Euro. C'est une opportunité majeure de sortir de 7 ans de vaches maigres pour connaitre à nouveau les taux de croissance potentiel de l'économie.

Les investisseurs qui sauront s'adapter à ce nouveau paradigme économique et financier peuvent s'enrichir en refinançant les entrepreneurs et la croissance économique retrouvée. Les autres s'exposent à subir « l'euthanasie des rentiers », qui est programmée pour les prochaines années…

3 commentaires

  • 19 mars 06:57

    Toute cette pseudo analyse ne fait que décrire ce qui vient de se passer mais n'est pas du tout un guide pour le futur .


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