(Actualisé avec déclaration de Trump excluant tout recul §§1 et 3-5, Bessent §6, clôture de Wall Street §13)
par Susan Heavey, David Lawder et Philip Blenkinsop
Donald Trump a dit lundi ne pas envisager de pause dans la mise en oeuvre des droits de douane dits "réciproques" et menacé la Chine de surenchérir si elle ne renonce pas à ses mesures de rétorsion, alors que l'Union européenne (UE) a esquissé à son tour une première batterie de contre-mesures.
La guerre commerciale tous azimuts déclenchée par le président américain a continué à semer la panique sur les marchés financiers, qui ont terminé en forte baisse en Asie et en Europe, tandis que Wall Street a limité les dégâts après avoir fait du yo-yo au gré des rumeurs, menaces et annonces diverses.
Interrogé lundi soir lors d'une conférence de presse à la Maison Blanche au côté du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu sur une éventuelle suspension des droits de douane dits "réciproques" qui entreront en vigueur mercredi, Donald Trump a exclu toute pause de sa part.
"Eh bien, nous ne l'envisageons pas. De très nombreux pays viennent négocier des accords avec nous et ces accords seront équitables. Dans certains cas, ils paieront des droits de douane substantiels. Mais il y aura des accords équitables", a-t-il déclaré.
Evoquant l'Union européenne (UE), le président américain a exigé qu'elle achète davantage d'énergie aux États-Unis pour rééquilibrer les échanges commerciaux, avançant la somme de 350 milliards de dollars.
Maniant lui aussi la carotte, son secrétaire au Trésor, Scott Bessent, a pour sa part dit espérer une baisse des droits de douane pour les pays qui s'abstiennent de répliquer et acceptent de négocier avec Washington, y compris sur les barrières "non-tarifaires".
Après la Chine, qui a annoncé vendredi des droits de douane supplémentaires de 34%, l'UE a enclenché sa riposte aux surtaxes américaines, tout en tenant compte des objections de certains États-membres.
Le bourbon du Kentucky a ainsi été retiré de la liste des produits américains auxquels la Commission européenne propose d'imposer des droits de douane de 25% à partir du 16 mai en réponse à ceux que Washington applique déjà à l'acier et l'aluminium européens, montre un document officiel consulté par Reuters.
Donald Trump a menacé d'imposer des droits de douane de 200% aux vins et spiritueux européens si le bourbon devait être inclus dans les contre-mesures de l'Union européenne.
Le commissaire européen au Commerce, Maros Sefcovic, avait déclaré plus tôt lundi qu'une première vague de contre-mesures s'appliquerait dès le 15 avril, puis une seconde à partir du 16 mai. Il avait prévenu que le montant des importations de biens américains visées par les droits de douane de 25% serait moindre que les 26 milliards d'euros évoqué au départ.
Selon le document consulté par Reuters, qui sera soumis à l'approbation des Vingt-Sept mercredi, l'exécutif européen a par ailleurs choisi de temporiser en ne faisant entrer en vigueur les premiers droits de douane que le 15 mai, tandis que d'autres ne s'appliqueront qu'à compter du 1er décembre si aucune solution n'a été trouvée d'ici là.
En attendant, la guerre commerciale déclenchée par Donald Trump continue de faire des ravages sur les marchés. A Paris, le CAC 40 .FCHI a perdu 4,78%, après 3,3% jeudi puis 4,26% vendredi. L'indice paneuropéen Stoxx 600 .STOXX a reculé de 4,54%, après avoir lâché jusqu'à 6,5% en début de journée.
Wall Street a davantage limité les dégâts, le Nasdaq
.IXIC réussissant à terminer légèrement dans le vert (+0,10%) alors que le Dow Jones .DJI et le S&P-500 .SPX ont à nouveau fini en baisse.
En Asie, en revanche, les marchés ont connu leur pire journée en plus de 16 ans. L'indice MSCI regroupant les places boursières de la région .MIMS00000PUS a plongé de 8,9%, son plus fort repli depuis octobre 2008 et la crise financière mondiale.
L'indice de la Bourse de Taïwan .TWII a chuté de 9,7%, sa plus forte baisse jamais enregistrée en une séance.
Les investisseurs craignent que la politique commerciale de Donald Trump ne déclenche une flambée des prix, une baisse de la demande, un blocage des investissements et, au bout du compte, provoque une récession mondiale.
Lundi, le président des États-Unis a prévenu la Chine qu'elle s'exposerait à des droits de douane supplémentaires de 50% si elle ne renonce pas dans les 48 heures à sa riposte dévoilée vendredi.
Goldman Sachs a relevé à 45% sa probabilité d'une récession aux Etats-Unis au cours des 12 prochains mois tandis que les économistes de JPMorgan estiment désormais que les droits de douane vont entraîner une contraction de 0,3% de l'économie américaine alors qu'ils pariaient auparavant sur une croissance de 1,3%.
Des hommes d'affaires de premier plan expriment ouvertement leurs inquiétudes, à l'image de Jamie Dimon, le PDG de JPMorgan, qui craint des conséquences négatives durables, ou de l'investisseur Bill Ackman, qui évoque un "hiver nucléaire économique".
Les services douaniers américains prélèvent depuis samedi des taxes de 10% - le seuil minimal fixé mercredi par Donald Trump - sur les importations de nombreux pays. Les droits de douane réciproques, allant de 11% à 50% en fonction des pays, doivent entrer en vigueur mercredi à 04h01 GMT.
Donald Trump n'a manifesté lundi aucune envie d'assouplir sa position. "Les Etats-Unis ont l'opportunité de faire quelque chose qui aurait dû être fait DEPUIS DES DÉCENNIES. Ne soyez pas faibles! Ne soyez pas stupides!", a-t-il écrit sur son réseau Truth Social.
S'exprimant dimanche auprès de journalistes, il avait déjà dit ne pas être préoccupé par le plongeon des marchés financiers à travers le monde alors que des milliers de milliards de dollars de capitalisation boursière se sont évaporés depuis l'annonce de ses droits de douane massifs.
"Je ne veux pas que quoi que ce soit plonge. Mais parfois vous devez prendre des médicaments pour corriger quelque chose", a-t-il dit à bord de l'avion présidentiel Air Force One le ramenant à Washington après un week-end de golf en Floride.
Avec ses droits de douane, le président américain entend mettre fin aux relations commerciales déséquilibrées dont les Etats-Unis seraient victimes avec leurs principaux partenaires.
Il a fait savoir qu'il s'était entretenu au cours du week-end avec des dirigeants d'Europe et d'Asie.
"Ils viennent à la table. Ils veulent discuter, mais il n'y aura pas de discussion à moins qu'ils ne nous paient beaucoup d'argent sur une base annuelle", a-t-il dit, semant la crainte chez les investisseurs.
Donald Trump a déclaré lundi avoir discuté avec Shigeru Ishiba, Premier ministre du Japon, l'un des principaux alliés des Etats-Unis en Asie, et annoncé la venue prochaine d'une délégation japonaise à Washington pour des discussions commerciales.
Avant cet entretien, Shigeru Ishiba a toutefois prévenu que des résultats ne viendraient "pas du jour au lendemain".
Donald Trump devait aussi discuter lundi de droits de douane avec le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu alors que les Etats-Unis prévoient d'imposer des surtaxes de 17% à Israël. Il s'agit du premier dirigeant que Donald Trump reçoit à la Maison blanche depuis le choc provoqué par l'annonce des droits de douane dits "réciproques".
(Rédactions de Reuters; version française Jean Terzian, Blandine Hénault, Bertrand Boucey et Tangi Salaün, édité par Sophie Louet)
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