par Florence Loeve
La Cour de cassation a entendu mardi matin les arguments des parties impliquées dans le dossier Vivendi, une affaire cruciale pour la place de Paris qui menace le groupe Bolloré d'une coûteuse offre publique de retrait sur sa filiale.
La plus haute juridiction française doit rendre sa décision vendredi à 14h00 (13h00 GMT).
Un bras de fer juridique oppose depuis plusieurs mois le groupe Bolloré, contrôlé par la famille du millionnaire Vincent Bolloré, et un de ses actionnaires minoritaires, le fonds activiste parisien CIAM, qui conteste les modalités de la scission de Vivendi intervenue fin 2024.
L'action Vivendi a chuté jusqu'à 20% mercredi dernier après que Le Monde a révélé que la première avocate générale de la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, Irène Luc, avait recommandé de casser un arrêt de la Cour d'appel de Paris.
En avril, la Cour d'appel avait désavoué l'Autorité des marchés financiers (AMF), estimant que Vincent Bolloré contrôlait Vivendi et que le gendarme boursier devait réexaminer sa scission. Trois mois plus tard, l'AMF a ordonné à Bolloré de préparer une offre publique de retrait sur Vivendi.
Bolloré et Vivendi contestent ces décisions.
En préambule de l'audience de mardi, l'avocate générale a souhaité clarifier son rôle, affirmant que l'avis des avocats généraux "ne lient aucunement" la chambre de la Cour à laquelle ils sont rattachés, et qu'il était "très fréquent" que leur avis ne soient pas suivis.
La Cour de cassation doit trancher deux questions techniques : si la Cour d'appel disposait des pouvoirs pour statuer comme elle l'a fait, et la définition du contrôle de fait d'une société.
Bolloré et Vivendi soutiennent que le contrôle d'une société n'est caractérisé que par la majorité des droits de vote - que le groupe Bolloré ne détient pas chez Vivendi -, un argument sur lequel l'avocate générale s'est alignée.
Les deux groupes affirment qu'il en va de la "sécurité juridique" pour les entreprises que de respecter cette définition.
"La Cour d'appel de Paris a excédé ses pouvoirs", a déclaré Me Alain Bénabent, avocat de Vivendi. Le conseil du groupe Bolloré a affirmé que son client "ne contrôle pas Vivendi ni en droit ni en fait" et a demandé à la cour de "statuer définitivement", sans renvoi.
"STRATAGÈME"
Il a par ailleurs attaqué la Cour d'appel en critiquant ses "erreurs", notamment "la référence à la personnalité de Vincent Bolloré", "absent de cette procédure",
Pour répondre à ces arguments, le conseil de CIAM, Me Patrice Spinosi, a invoqué une lointaine référence historique : "Dans le Japon médiéval, le pouvoir n'était que rarement exercé par son titulaire officiel."
L'avocat du fonds a plaidé pour une approche "réaliste et pratique" du contrôle de fait, l'opposant à une lecture "formaliste" et une "stricte lecture arithmétique", dénonçant le "stratagème" d'un actionnaire dont le but serait de "rendre le juge impuissant". Il a exhorté la Cour de cassation à ne pas être "dupe".
Patrice Spinosi a défendu l'arrêt de la Cour d'appel, qui selon lui "prend en considération la quantité des droits de vote mais aussi la réalité de leur poids dans la prise de décision".
L'AMF n'a pas souhaité faire d'observation lors de l'audience, a indiqué son avocat.
Vivendi a acté en décembre 2024 la scission et la cotation de ses entités sur différentes places boursières, dont celle de Canal+ à Londres et de Havas à Amsterdam.
Cette scission avait été approuvée par une large majorité de plus de 97% des actionnaires du groupe mais a fait l'objet de l'opposition forte de certains minoritaires, notamment le fonds parisien CIAM.
Ce dernier jugeait que les modalités de la scission ne respectaient pas la réglementation protégeant les actionnaires minoritaires, et que la partition telle que décidée ne créerait pas de valeur pour les actionnaires.
(Reportage Florence Loève, édité par Sophie Louet)

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