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Riber : tout en haut de la filière microélectronique, ce qui n'est pas mal en soi
information fournie par Le Cercle des analystes indépendants 14/04/2022 à 08:42

Jérôme Lieury
Jérôme Lieury

Jérôme Lieury

Olier Etudes & Recherches

Analyste financier, membre du Cercle des analystes

https://www.olier-etudes-recherche.fr/

Avec un chiffre d'affaires de 31,2 millions d'euros en 2021 et 120 salariés, Riber est manifestement une PME, avec toutefois en principe une position mondiale forte sur son segment soit, selon la direction, 47% de part du marché des machines EJM en valeur en 2020. L'EJM, pour Epitaxie par Jet Moléculaire. (Crédits photo : Adobe Stock -  )

Avec un chiffre d'affaires de 31,2 millions d'euros en 2021 et 120 salariés, Riber est manifestement une PME, avec toutefois en principe une position mondiale forte sur son segment soit, selon la direction, 47% de part du marché des machines EJM en valeur en 2020. L'EJM, pour Epitaxie par Jet Moléculaire. (Crédits photo : Adobe Stock - )

Les puces ont tout envahi semble-t-il : elles ne sont pas que dans nos ordinateurs et nos smartphones, puisqu'elles commandent ces machines diverses et variées qui nous rendent la vie bien plus facile depuis quelques temps, il faut le dire. Sans elles, c'est-à-dire sans microcontrôleurs, pas d'ascenseur qui parle, pas de trottinettes et de vélos en libre-service au milieu des rues, pas de conduite assistée, pas de Tesla pour monsieur tout le monde, pas de livraisons par drones et ainsi de suite.

Tout cela est bel et bon, mais, comme chacun sait, la demande pour les puces est devenue telle que la production a du mal à suivre. Ce qui est devenu particulièrement flagrant pour les constructeurs automobiles qui, pratiquement tous (sauf Ferrari éventuellement), ont dû revoir en baisse leurs plans de production en 2021 faute d'assez de composants électroniques, et fabriquent encore à présent par à-coups, imposant à leurs autres fournisseurs, qui travaillent, eux, en juste à temps des "stop & go" pénibles a priori. Mais inutile de préciser qu'à l'autre bout de la chaîne de valeur, tout va plutôt bien pour la belle industrie des "semis".

Tout va bien très dans l'industrie des semi…

Ce n'est donc pas tout à fait un hasard si la marge opérationnelle (le résultat opérationnel : le chiffre d'affaires moins toutes les charges d'exploitation, rapporté au chiffre d'affaires) de nos champions européens STMicroelectronics et Infineon Technologies a augmenté en gros de +50% en 2021 pour tangenter les 20%, si celle du hollandais ASML, un fournisseur incontournable de machines de production, est passée quant à elle de 23 à 30% et plus, et si celle d'un autre fournisseur incontournable de l'industrie, le fondeur taïwanais TSMC qui fabrique pour les autres, dégage allégrement une rentabilité de plus de 40% depuis deux ans.

Ce qui, soit dit en passant, est intéressant à observer : si TSMC ne fait que fabriquer, il le fait tellement bien qu'il est bien plus profitable que la plupart de ses grands clients. Lesquels ont choisi délibérément d'être "fabless" vraisemblablement pour ne pas immobiliser bêtement du capital dans un outil industriel, et se concentrer sur la vraie création de valeur : la propriété intellectuelle. Comme quoi….

…ou presque : un sujet qui peut fâcher avec Taïwan ?

TSMC occupe une place importante dans les capacités de production globale de semi-conducteurs, toutes ses usines sont à Taïwan, et, en ajoutant celles de fondeurs concurrents plus petits, on s'aperçoit qu'une grosse partie de dites capacités globales sont concentrées sur cette ile. Une ile qui risque fort de revenir, comme Hong Kong, un jour ou l'autre dans le giron de sa mère patrie, ce qui peut inquiéter, surtout quand on aime les scénarios catastrophes géopolitiques. Mais le pire n'est jamais sûr, et cette inquiétude légitime devant ce qui ressemble fort à un risque systémique a l'immense mérite de rebattre un peu les cartes : TSMC a des projets de développement hors de l'ile, au Japon (avec Sony) et en Allemagne, et l'Union Européenne a lancé un vaste programme (une enveloppe de 42 milliards d'euros à investir, ce n'est pas rien) pour doubler d'ici 2030 nos capacités de production, et donc moins dépendre de ces puces devenues de plus en plus stratégiques.

Ce qui, on s'en doute, ouvre des perspectives intéressantes aussi pour les acteurs locaux du secteur, du plus grand au plus petit. Un des plus petits étant Riber (ALRIB ; 1,80€) à Bezons, qui fabrique des machines d'épitaxie, lesquelles servent à fabriquer les matériaux semiconducteurs, et se situe donc tout en haut de la chaîne de valeur, ce qui n'est pas rien.

Riber : petit, mais grand dans l'EJM

Avec un chiffre d'affaires de 31,2 millions d'euros en 2021 et 120 salariés, Riber est manifestement une PME, avec toutefois en principe une position mondiale forte sur son segment soit, selon la direction, 47% de part du marché des machines EJM en valeur en 2020. L'EJM, pour Epitaxie par Jet Moléculaire, ou encore MBE (pour Molecular Beam Epitaxy) en bon anglais, est le business de Riber depuis ses origines : a) l'épitaxie consiste à faire croître des cristaux d'un matériau donné dans une chambre ultra chaude et à ultra-vide, et créer ainsi des couches très fines et très homogènes sur un substrat, ce qui est bien pratique pour fabriquer les matériaux semiconducteurs sur lesquels on grave les puces, b) on crée ces films minces le plus souvent avec des procédés dits de dépôt physique (ou chimique) en phase vapeur (ou gazeuse), mais si l'on veut affiner, l'EJM utilise simultanément plusieurs canons moléculaires et permet de réaliser des alliages, et d'obtenir ainsi de nouveaux semi-conducteurs composés de toutes sortes.

Ce qui peut intéresser les laboratoires de recherche, qui justement cherchent de nouveaux matériaux en permanence : il y a en tout 750 machines Riber en activité dans le monde, dont 630 sont dans des universités etc…, soit 324 clients académiques dans 38 pays, dont des institutions très réputées comme Fraunhofer. Ce qui peut intéresser aussi les industriels, notamment ceux qui utilisent les semiconducteurs dits "composés", pour les puces capables de supporter les très hautes fréquences du spectre radioélectriques, dont on se sert notamment dans les antennes WiFi, 4G et 5G et dans les antennes des satellites de télécom, et pour les diodes laser, qui ont de multiples applications en optronique : depuis la transmission optique dans les réseaux télécom, jusqu'aux appareils médicaux, en passant par les machines industrielles, les capteurs, etc… : Riber revendique 44 clients dans cet univers, dont Raytheon, IQE, ou encore Teledyne Technologies.

La société vend par ailleurs des évaporateurs, des dérivés de ses canons à jet moléculaire (ou cellules d'effusion, si j'ai bien compris) pour fabriquer des films ultra-minces de matériaux organiques, c'est-à-dire à base de carbone, qui servent notamment à fabriquer les OLED, la brique de base des écrans plats, et les cellules photovoltaïques. Ces évaporateurs pouvant s'adapter à toutes sortes de matériaux et s'insérer dans toutes sortes de lignes de production.
Enfin et surtout, Riber tire une bonne partie de ses revenus, soit 44% de son chiffre d'affaires 2021, de son activité d'accessoires et de services générée par cette base installée de 750 machines : composants pour machines EJM, pièces détachées et rechanges, réparations, logiciel de supervision des processus (Crystal XE), formations, etc….

Rentabilité : du mieux en 2021

Selon la direction, la société fabrique la plus grande partie des équipements qu'elle vend en interne, avec entre autres des capacités d'usinage et 1 000 mètres carrés de salle blanche. Toujours selon la direction, la concurrence est relativement rude, avec entre autres un rival américain agressif sur les prix, ce qui peut paraître étonnant sur un petit marché assez oligopolistique a priori mais c'est comme ça (il n'y a pas que des oligopoles intelligents). Ceci pour des machines pour la recherche qui ont un prix de l'ordre du million d'euros, alors que les machines de production se vendent deux ou trois fois plus cher à l'unité. Riber étant par ailleurs souvent disposé à faire un effort sur ses prix, puisque les machines durent longtemps (elles sont garanties 10 ans) et génèrent donc très longtemps des revenus en rechanges et en services.
Tout ceci expliquant éventuellement pourquoi Riber a dégagé une marge opérationnelle des plus médiocres, de l'ordre de 2,5%, en 2019 et en 2020. La crise sanitaire n'ayant pas aidé sur cette dernière année, avec un chiffre d'affaires à -10% qui plus est.

Mais tout semble en amélioration au vu des résultats 2021 qui viennent d'être publiés : si l'activité ne progresse que de +3% seulement, avec 8 systèmes livrés contre 10 en 2020, soit un chiffre d'affaires machine en baisse de -4%, en partie pour cause de refus de licences d'exportation vers certains pays, Riber a néanmoins remonté sa marge brute (: le chiffre d'affaire diminué des achats, voire du coût des ventes agrégé) de +6 points. Grâce à i) un effet mix très favorable, soit en proportion plus de ventes de machines de production mieux margées, et ii) une augmentation de la part des services (+15%) dans les revenus. Riber a en conséquence bien remonté aussi sa marge opérationnelle, soit +1,9 point, et un niveau de 4,2% plus agréable à regarder, même si ça paraît toujours peu pour ce merveilleux secteur des semiconducteurs.

Perspectives : des commandes, un nouveau produit, et quelques beaux projets

Riber a semble-t-il bien commencé l'année avec 6 commandes au T1-2022 (dont 5 pour la recherche) et  un pipeline commercial bien rempli a priori, notamment avec la nouvelle machine MBE 8 000 lancée en 2021, qui est deux fois plus productive que la génération précédente tout en occupant moins de place. Ce qui devrait plus que compenser le fait que la société ne peut plus travailler en Russie, où elle avait vendu une grosse machine de production en 2021.

Et la société a plusieurs projets sérieux en cours, développés autant avec ses propres ingénieurs/chercheurs (40% du personnel) que dans des partenariats, notamment pour une machine entièrement automatisée pilotée par logiciel, ainsi que Rosie, la première machine de dépôt épitaxié sur silicium sur tranche de 300mm, financée en partie par le plan de relance France, et une alliance avec le CNRS dans le domaine de l'ordinateur quantique, qui est incontestablement un sujet à la mode.

Soit éventuellement plus de coûts de R&D et un peu plus d'investissements comme en 2021, ce qui ne devrait toutefois pas poser de problème : Riber a fini l'année avec un bilan plutôt solide, soit un ratio d'endettement net (la dette financière - le cash en caisse)/Fonds Propres de seulement 8%.

Tout ceci pouvant justifier la bonne performance relative du titre depuis le 1er janvier, soit +0% quand l'indice CAC Small perd -10%. Un bon bilan, ça vaut quelque chose.

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Euronext Paris -0.36%

4 commentaires

  • 09 juin 07:04

    Riber revendique 44 clients dans cet univers, dont Raytheon, IQE, ou encore Teledyne Technologies.


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