* Plus de 4.000 personnels de santé contaminés en Italie
* Colère des syndicats et des médecins
* Le gouvernement assure tout faire pour disposer de masques
par Silvia Aloisi, Elvira Pollina et Pamela Barbaglia
MILAN, 23 mars (Reuters) - A l'hôpital d'Oglio Po, dans le nord de l'Italie, 25 des 90 médecins ont été contaminés par le coronavirus. Si l'on ajoute les infirmières et les autres membres du personnel de santé, c'est un cinquième des effectifs qui a été testé positif au virus.
"Nous sommes au bout de nos forces", confie le médecin Romano Paolucci, qui a interrompu sa retraite pour apporter son aide à cet hôpital situé près de Crémone, l'une des villes les plus durement touchées par l'épidémie dans la région de Lombardie.
"Nous n'avons pas suffisamment de ressources, notamment en terme d'effectifs, parce que désormais le personnel commence à tomber malade", ajoute-t-il.
Dans la seule région de Lombardie, au moins deux hôpitaux sont devenus des vecteurs de la contamination - des médecins ont été infectés par des patients avant de propager le virus lors de déplacements lorsque ces derniers étaient encore autorisés.
C'est l'un des facteurs qui explique la propagation rapide du virus, estime Giuseppe Remuzzi, directeur de l'institut de recherche en pharmacologie Mario-Negri. "Les patients ont contaminé d'autres patients et des médecins qui ensuite sont sortis et ont contaminé d'autres personnes."
Au total, selon l'institut national de la santé, 4.268 personnels de santé, soit 0,4% des effectifs, avaient, à la date du 20 mars, contracté le virus en Italie, pays d'Europe le plus touché par le coronavirus avec 5.476 décès et 59.138 cas confirmés dimanche.
Dans la ville de Bergame, toujours en Lombardie, 134 médecins sur 600 (soit 22%) sont tombés malades ou ont été placés en quarantaine, raporte Guido Marinoni, le chef de l'association locale des médecins généralistes. Trois médecins sont morts.
Le bilan est lourd également dans les maisons de retraites de la ville où 1.464 soignants ont été contaminés - sur 5.805 au total.
"EXPONENTIELLE"
Face à cette situation, la colère gronde dans les rangs des professionnels de santé et des syndicats qui dénoncent la réaction tardive des autorités italiennes qui n'ont pas, selon eux, mis à disposition suffisamment tôt le matériel de protection (masques et gants) au début de l'épidémie, il y a un mois.
Selon Guido Marinoni, ce n'est que début mars que les médecins de famille de Bergame ont reçu une trentaine de masques chirurgicaux.
"Si une personne infectée contamine en moyenne deux autres personnes, un médecin peut contaminer au moins 10 autres personnes et cela fait se répandre l'épidémie de façon exponentielle", souligne-t-il. "C'est comme mener la guerre avec une arme en plastique. J'espère que le reste de l'Europe tirera des leçons de l'Italie, des bonnes idées comme des erreurs."
Sous le feu des critiques, le gouvernement a assuré qu'il faisait tout son possible pour avoir les 90 millions de masques par mois qu'il juge nécessaires.
"Nous n'avons pas d'industrie nationale ayant la capacité de les fabriquer à grande échelle", a plaidé dimanche le commissaire chargé des situations d’urgence, Domenico Arcuri, à la télévision nationale.
Capitale financière de l'Italie, Milan n'est pas épargnée par le manque de protection du personnel soignant. A l'hôpital Niguarda, un patient et une infirmière du service psychiatrique ont commencé à montrer des symptômes à quelques heures d'écart le 10 mars.
En l'espace de quelques jours, onze patients et huit infirmières du service ont contracté le virus, a rapporté la représentante syndicale de la CISL, Rossella Delcuratolo, dans une lettre adressée aux directeurs d'hôpitaux.
"Nous sommes en train de lutter contre la propagation du virus en verouillant la société mais nous devons également lutter contre sa propagation dans le milieu médical", explique-t-elle à Reuters. "Le personnel de santé vit dans la peur de contaminer quelqu'un, que ce soit au travail ou à la maison."
Pour limiter les risques, certains médecins réclament un dépistage massif et automatique du personnel de santé - mais ce scénario donne des sueurs froides à d'autres professionnels qui craignent que le taux de cas positifs n'entraîne la fermeture des hôpitaux.
(version française Marine Pennetier, édité par Jean-Stéphane Brosse)
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