L'Autorité des marchés financiers "va prendre le temps nécessaire pour examiner de façon très approfondie" l'OPA lancée par l'État.

( AFP / DENIS CHARLET )
Les petits actionnaires salariés d'EDF manœuvrent pour retarder la renationalisation complète d'EDF en dénonçant des conflits d'intérêts du PDG. Ils comptent sur le tribunal de commerce ou le gendarme des marchés pour obtenir gain de cause.
Le gouvernement d'Emmanuel Macron avait annoncé en juillet sa volonté de passer de 84% à 100% du capital du groupe, l'un des objectifs étant de relancer un vaste programme nucléaire en France, 17 ans après l'ouverture du capital d'EDF. Mais l'opération a pris du retard, et de petits actionnaires salariés du groupe sont à l'offensive pour obtenir un nouveau délai.
Dernier rebondissement, ils ont dénoncé une "situation de conflit d'intérêts potentiel" du PDG actuel Jean-Bernard Lévy, ses intérêts ayant selon eux "pu influencer ses décisions et le sens de son vote dans le cadre des délibérations du conseil d'administration d'EDF" relatives à l'OPA lancée par l'Etat, selon une lettre dont l'AFP a pris connaissance. Ces actionnaires dénoncent l'occupation par Jean-Bernard Lévy des fonctions de censeur au conseil d'administration de Société Générale , "l'un des deux établissements présentateurs de l'offre désigné par l'État" , dans cette lettre en date de mardi, adressée au PDG et aux membres du conseil d'administration.
"Eu égard aux liens qui unissent Monsieur Jean-Bernard Lévy et Société Générale depuis plus d'une décennie, il ne saurait être nié que Monsieur Jean-Bernard Lévy tient à préserver autant que possible les intérêts de Société Générale et à ne pas adopter de comportement (y compris dans le cadre de l'expression de son vote au sein d'un organe de gouvernance d'une autre entité) qui puisse être défavorable à Société Générale", écrivent-ils.
Un vote "déterminant"
L'autre conflit d'intérêt potentiel soulevé par ces petits actionnaires concerne le statut même de Jean-Bernard Lévy, nommé directement par l'exécutif : selon eux, le PDG serait peu susceptible de s'opposer au projet de renationalisation voulu par l'État, puisqu'il s'exposerait à une révocation. "Il aurait dû s'abstenir" de participer au vote du 27 octobre qui a donné le feu vert à l'opération de renationalisation d'EDF, comme les représentants de l'État l'avaient fait, "pour les deux raisons qui sont évoquées dans la lettre", a indiqué à l' AFP Martine Faure, autrice de cette lettre au nom des Fonds communs de placement EDF, qu'elle préside.
Le vote de Jean-Bernard Lévy "a été déterminant, c'est bien pour ça que ça nous gêne", a indiqué Martine Faure, selon qui il a permis d'atteindre six voix contre six et fait basculer le vote par sa "voix prépondérante", en tant que PDG.
"Il y a cet après-midi un conseil d'administration d'EDF. J'attends de savoir si le courrier fait l'objet d'un examen et s'il sera proposé au CA d'organiser une nouvelle consultation", lors de laquelle Jean-Bernard Lévy s'abstiendrait. Dans le cas contraire, Martine Faure n'exclut pas de nouvelles démarches judiciaires et notamment "un nouveau référé d'heure à heure, par rapport à cette problématique de conflit d'intérêt".
"On a envoyé copie de tout ça à l'AMF, on ne veut surtout pas qu'elle émette d'avis tant que tout ça n'est pas réglé", a-t-elle conclu.
L'AMF "va prendre le temps nécessaire"
L'Autorité des marchés financiers, dont l'imprimatur est indispensable pour valider la conformité de cette OPA lancée par l'État, "va prendre le temps nécessaire pour examiner de façon très approfondie" cette offre, a indiqué mercredi sa nouvelle présidente Marie-Anne Barbat-Layani, sans dire si c'était lié à la connaissance de ces nouveaux éléments.
Les actionnaires contestataires, majoritairement des salariés et anciens salariés, sont réunis sous la bannière du Fonds commun de placement d'entreprise (FCPE) actions EDF. Ils détiennent moins de 1,5% du capital.
Ils ont déjà assigné lundi le groupe dans une procédure en référé devant le tribunal de commerce de Paris, dont la décision est attendue jeudi, au motif notamment "que le conseil d'administration n'a pas été valablement convoqué, dans la mesure où le délai statutaire de convocation de sept jours, prévu par le règlement intérieur d'EDF, n'a pas été respecté".
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