
Pourquoi la Bourse chute ? Crédit photo : Adobe Stock
Les cycles boursiers se succèdent invariablement. L'expansion conduit au boom, clôt par la récession qui entraîne la dépression…avant la prochaine phase d'expansion. Pourtant, si le schéma bien connu se répète sans cesse, il est impossible de l'anticiper et le basculement dans la récession et la dépression cristallise toutes les peurs, se traduisant notamment par une hausse du fear index et du Vix, l'indice de la peur qui mesure la volatilité des marchés. Il faut dire que les causes de la récession sont changeantes et dépendent du contexte macro-économique. Les raisons d'une entrée en Bear market sont nombreuses, complexes, liés aux politiques économiques et monétaires, aux comportements des acteurs des marchés financiers, à la géopolitique, mais aussi à des cygnes noirs, ces événements imprévus dont les conséquences retentissantes bousculent l'ordre établi.
Nous n'avons pas pour ambition ici de vous fournir une liste exhaustive des raisons qui ont conduit les marchés boursiers à entrer en Bear Market au cours de ce premier semestre 2022, mais nous nous attacherons à décrypter quelques facteurs parmi les plus évidents qui expliquent la baisse des marchés, ainsi que les principaux événements qui ont permis l'apparition de ces facteurs.
L'installation de l'inflation
Inflation. Le mot est sur toutes les lèvres, dans tous les journaux, au sein de toutes les analyses financières, au cœur des préoccupations des populations, des politiques, des économistes. Il s'agit d'une augmentation du niveau des prix, qui a un impact retentissant sur le pouvoir d'achat des ménages comme sur les coûts de production des entreprises.
Depuis plus de 10 ans, l'inflation des pays occidentaux n'avait pas excédé les 3 %, restant proche de la cible de 2 % d'inflation généralement adoptée par les Banques Centrales. Or, l'inflation au 2ème trimestre 2022 était de +7,6 % sur un an aux États-Unis, + 7,5 % en Zone Euro et de + 5,6 % en France. Les Banques centrales qui avaient toutes tenu le même discours au début de l'année 2022, insistant sur le fait que cette forte inflation ne durerait pas, tablent désormais sur un retour à une inflation oscillant autour de 2 % aux alentours de 2024.
L'inflation que nous connaissons actuellement trouve ses origines dans de très nombreux facteurs. D'abord, une inflation par la demande est née. Il y avait trop d'argent pour trop peu de biens. En effet, les plans de relance des différents pays qui ont suivi la crise Covid mais aussi la faiblesse des taux directeurs et le Quantitative Easing (ou rachat d'actifs par les banques centrales) ont permis d'injecter des milliards dans l'économie, créant une forte demande dans de très nombreux secteurs, alors même que l'économie mondiale à l'arrêt peinait à repartir, non faute de commandes mais faute de tension sur les chaînes d'approvisionnement liées à la crise Covid et à la résurgence de l'épidémie dans certaines zones du globe, notamment en Chine qui pratique la politique zéro Covid et n'hésite pas à mettre son économie à l'arrêt au moindre soubresaut de l'épidémie. Si les tensions sur les chaînes d'approvisionnement a été la première explication à l'inflation que nous connaissons actuellement, avec la surmédiatisation de la pénurie de semi-conducteurs, très révélatrice, qui a pénalisé l'industrie informatique comme l'industrie automobile, une seconde explication se trouve dans la guerre en Ukraine. Ce conflit armé qui s'est accompagné dès ses débuts de très lourdes sanctions économiques contre la Russie a notamment conduit à une explosion du prix des matières premières. Les matières premières agricoles sont concernées, l'Ukraine, très gros producteur de blé et d'huile de Tournesol notamment, n'étant non seulement plus en mesure de cultiver ses terres agricoles dans les mêmes proportions qu'avant le conflit mais qui se trouve aussi confronté à l'impossibilité d'exporter les récoltes déjà effectuées et stockées. Les matières premières énergétiques sont aussi touchées, notamment en raison des sanctions prises par les Européens et les États-Unis sur le pétrole russe et les menaces que laissent planer le Kremlin sur la possibilité de couper le robinet de gaz russe aux Européens en représailles des sanctions contre la Russie.
En quoi cette inflation est-elle si dommageable ? Pourquoi conduit-elle à une chute des marchés ? L'inflation, on l'a vu, provoque une perte du pouvoir d'achat pour les ménages, tentés de moins consommer et de n'acheter que le strict minimum. Elle provoque aussi pour les entreprises une hausse des coûts de production qui freine les investissements.
La mise en place du resserrement monétaire
Pour stopper l'inflation, un resserrement monétaire s'impose. Afin d'endiguer la hausse des prix, il faut stopper net l'économie et réduire la masse monétaire. Exit donc les politiques de rachat d'actifs et mise en place d'une augmentation des taux directeurs. Cette hausse des taux directeurs signifie que la Banque centrale va émettre et prêter de la monnaie aux banques commerciales à un taux plus élevé, et ces dernières vont répercuter cette hausse sur les taux applicables aux crédits (prêt immobilier, crédit à la consommation, auto, etc.), ce qui aura tendance bien sûr à freiner le recours au crédit et diminuer la masse monétaire.
Le but de l'opération est de provoquer une récession maîtrisée (de courte durée) afin que l'inflation baisse et que la situation se normalise sur le front des prix avant de se normaliser sur le front de la croissance. Le risque est de provoquer une récession qui s'installe dans la durée avec un maintien de l'inflation, situation critique connue sous le nom de stagflation.
De plus, si l'inflation permet de réduire le poids de la dette publique rapidement. En revanche, l'augmentation des taux directeurs conduit à accroître le poids de la dette, d'où la nécessité pour les banques centrales de réussir le soft landing, soit une récession brève de l'économie, avant un retour à des niveaux de croissance et d'inflation plus normaux, attendus et espérés par les marchés. C'est cette attente et cette crainte de voir la situation déraper et se transformer en hard landing, c'est-à-dire une stagflation qui s'installe dans la durée, qui provoque les craintes des investisseurs.
Le moral des ménages et des investisseurs en berne
Et les marchés n'aiment pas l'incertitude ! Pas plus d'ailleurs que les ménages ou les entreprises. La forte inflation, le spectre de la récession, le retour de la guerre sur le continent européen, la montée des populismes, les craintes sur l'approvisionnement en énergie, l'urgence climatique sont autant de problématiques qui viennent saper le moral des ménages comme des investisseurs, ce qui n'est évidemment pas sans conséquence sur la Bourse.
Ainsi, le moral des ménages poursuit sa baisse en juin 2022 qui affichent un pessimisme grandissant sur leur situation financière et l'évolution de leur niveau de vie. Selon l'INSEE, l'indicateur qui synthétise la confiance des ménages perd 3 points en juin 2022 et tombe à 82, perdant 3 points sur un mois, un chiffre bien inférieur à la moyenne de longue période qui est de 100.
Quant au moral des investisseurs, il a connu lui aussi une baisse notable ces derniers mois. Ainsi, l'indice Sentix, qui mesure le sentiment des investisseurs en zone euro, s'est redressé à -15,8 en juin 2022, contre un consensus de -20 et après -22,6 le mois précédent. Toutefois, la situation pourrait de nouveau se dégrader en juillet compte tenu de la baisse du moral des investisseurs outre-Rhin qui se dégrade plus que prévu en juillet après une légère amélioration en juin.
Les anticipations de croissance revues à la baisse
La conséquence logique de cette situation est bien sûr la baisse des anticipations de croissance, notamment en Zone Euro. Le 14 juillet 2022, la Commission européenne a une nouvelle fois dégradé ses prévisions de croissance en zone euro, à 2,6 % (contre 2,7 % précédemment) en 2022 et …1,4 % (contre 2,3 %) en 2023.
Outre-Atlantique, les prévisions de croissance sont aussi revues à la baisse. Le FMI a publié fin juin son évaluation annuelle de la politique économique américaine, dans laquelle il anticipe une croissance de 2,9 % du produit intérieur brut (PIB) américain en 2022, contre une précédente estimation de 3,7 % en avril. Et en 2023, les anticipations de croissance aux États-Unis du FMI sont de 1,7 %, et pour 2024 de 0,8 %.
Ces anticipations, véritable cercle vicieux, alimentent les craintes d'une récession et participent aussi à faire plonger les cours de Bourse. Mais est-ce si grave ? Comme nous l'avons vu, une récession maîtrisée permettra de mettre fin à la spirale inflationniste.
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