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Neurones : la bien nommée
information fournie par Le Cercle des analystes indépendants 16/03/2023 à 08:26

Jérôme Lieury
Jérôme Lieury

Jérôme Lieury

Olier Etudes & Recherches

Analyste financier, membre du Cercle des analystes

https://www.olier-etudes-recherche.fr/

Basée à Nanterre, cotée en Bourse depuis l'an 2000, Neurones est une Entreprise de Services Numériques, et une belle ETI qui a réalisé un chiffre d'affaires de 665 millions d'euros, réalisé à 85% en France, en 2022 avec 6 400 salariés. (Crédits photo : Pexels - Panumas Nikhomkhai  )

Basée à Nanterre, cotée en Bourse depuis l'an 2000, Neurones est une Entreprise de Services Numériques, et une belle ETI qui a réalisé un chiffre d'affaires de 665 millions d'euros, réalisé à 85% en France, en 2022 avec 6 400 salariés. (Crédits photo : Pexels - Panumas Nikhomkhai )

Un sou est un sou (et un dollar vaut un dollar), et il faut en être bien conscient : l'argent durement gagné qui tombe dans nos poches n'est pas tout à fait le même que celui des sommes colossales, et, partant, hallucinantes, comme le PIB d'un pays, le budget (et les déficits) d'un Etat, voire les résultats financiers de grands groupes, et ainsi de suite, que l'on nous met tous les jours sous le nez dans les médias. Ceci pour au moins une bonne raison : le seul argent qui compte vraiment, c'est celui que l'on a sa disposition. Même si c'est de l'argent emprunté, et que l'on aura donc à rendre un jour : c'est bien pratique, et parfois même bien utile, d'avoir aujourd'hui les fonds pour avancer plus vite dans la vie (sinon, à quoi servirait les banques ?).

Ces fortes considérations (peu académiques, certes, mais on fait ce qu'on peut) peuvent s'appliquer peu ou prou aussi à la finance d'entreprise. Pour répondre à deux questions très existentielles, surtout quand il s'agit d'une société cotée : l'argent dans la caisse est-il entièrement à la disposition de l'actionnaire ? et quel niveau d'endettement est raisonnable a priori ?

Free cash-flow opérationnel vs free cash-flow : pas tout à fait le même argent ?

Il y a de fait deux manières de compter l'argent généré par l'activité, et ce sans trop sans se casser la tête : a) la moderne, qui est le free cash-flow opérationnel, lequel part du premier résultat d'exploitation, autrement dit le fameux Ebitda, qui est ce qui reste une fois payé toutes charges (achats, salaires, loyers, énergie, télécom, pub, etc…), auquel on ajoute (ou on retranche, selon les années) la variation du Besoin en Fonds de Roulement (la différence entre les stocks et les créances clients d'une part et le crédit fournisseur d'autre part), et auquel on retranche enfin les investissements (en équipements, etc….), et b) l'ancienne, qui ajoute la charge des amortissements au résultat net pour obtenir un cash-flow, auquel on retranche toujours les mêmes investissements pour obtenir un free cash-flow tout court.

Le marché regarde plutôt le free cash-flow tout court : c'est un fait

Si chaque méthode a ses mérites, on peut remarquer que le free cash-flow opérationnel rend compte avant tout de l'évolution des liquidités en caisse, ce qui est très important comme on peut le penser, mais intéresse avant tout le trésorier de l'entreprise en question (qui n'a jamais la partie facile, c'est sûr). Et on peut remarquer aussi que l'actionnaire n'est pas propriétaire de ce free cash-flow opérationnel, puisqu'il faudra payer avec l'argent de l'Ebitda i) les frais financiers aux banques quand il y en a, et ii) l'impôt sur les sociétés au fisc qui, lui, est toujours là. Et que donc l'argent dans la caisse n'est pas entièrement, ou pas tout à fait en tout cas, à l'entière disposition de l'actionnaire.

On peut remarquer enfin que l'analyste financier se met en principe plus à la place dudit actionnaire que du trésorier, et qu'il vaut donc mieux éventuellement, même si ça ne fait pas très moderne, raisonner en free cash-flow tout court quand il s'agit d'investir dans le titre. Puisque l'actionnaire est propriétaire de ce free cash-flow, et que c'est la création de valeur tangible générée par l'activité que le marché boursier finit par valoriser un jour ou l'autre. Un bon (contre)exemple étant Valeo, dont le cours a baissé tendanciellement à partir de 2017, année où le groupe s'est retrouvé en free cash-flow négatif pour cause des (trop ?) gros investissements en R&D avant tout, tout en communiquant aux investisseurs sur un free cash-flow opérationnel positif. Bref…

L'endettement, ça compte aussi, hélas !

Quant à l'endettement, il y a aussi une façon moderne de le mesurer, soit l'endettement net (les dettes financières moins les liquidités en caisse) rapporté à ce fameux Ebitda, un rapport qui doit être de toute éternité inférieur à 3x, sinon, gare !, et une façon plus simpliste (et plus à l'ancienne aussi) de le contempler : en rapportant ce même endettement net aux Fonds Propres de l'entreprise, rapport qui est manifestement excessif quand il dépasse les 100%. Puisque dans ce cas les prêteurs d'argent ont mis autant de monnaie, sinon plus, dans l'affaire que les actionnaires, lesquels n'ont donc éventuellement plus autant de pouvoir de décision qu'il le faudrait. Ce qui fragilise, comme on peut le penser, et fait que les mauvaises nouvelles, quand elles arrivent, se traduisent le plus souvent par une chute du cours de Bourse. Orpea étant l'exemple parfait, comme on peut s'en douter, avec un ratio Dette Nette/Fonds Propres de 191% avant la parution de ce fameux livre sur lequel nous ne reviendrons pas.

La morale de tout ça étant qu'il faut éventuellement être un peu plus circonspect envers les entreprises qui communiquent avant tout, et le plus souvent triomphalement, sur leur free cash-flow opérationnel et leur ratio de levier Dette Nette/Ebitda. Mais qu'il faut, de toutes façons, être circonspect quand il s'agit d'investissement boursier : caveat emptor !

Ceci même si on trouve de temps à autres des perles sur le marché, comme Neurones, qui n'a apparemment pas vraiment de défauts fondamentaux en tant que dossier d'investissement. Tout simplement.

Une belle ETI, avec tout ce qu'il faut pour bien faire son beau métier des services numériques

Basée à Nanterre, cotée en Bourse depuis l'an 2000, Neurones est une Entreprise de Services Numériques, et une belle ETI qui a réalisé un chiffre d'affaires de 665 millions d'euros, réalisé à 85% en France, en 2022 avec 6 400 salariés. Avec a priori toute l'offre pour répondre aux besoins des entreprises. Besoins qui ne font que croître et embellir, puisque tout ou presque s'informatise de plus en plus. Et puisque les éditeurs de logiciels ont, il faut le dire, toujours quelque chose de nouveau à faire vendre par les sociétés de services, lesquelles ont déjà du travail pour maintenir l'existant, autrement dit le "legacy". Le tout faisant que l'informatique est un bien beau métier.

De fait, Neurones opère avec un pôle "Services d'Infrastructures", qui contribue pour près des 2/3 de son activité, et qui contient en fait toutes sortes de prestations, depuis les services dits "managés" dans lesquels les personnels de Neurones font fonctionner les systèmes informatiques des clients, jusqu'à l'intégration de système, dans laquelle il est plus question de mettre en place une nouvelle fonction en mode projet. Comme, par exemple, déplacer tout ou partie de l'informatique vers des serveurs externes tenus par un opérateur de data centers (qui peut être aussi Neurones) et, autrement dit, migrer vers le "cloud". Ce que la société sait faire d'autant mieux qu'elle dispose a priori de compétences sérieuses en cybersécurité, maîtrise aussi de nouvelles façons de travailler, comme la méthodologie DevOps qui fait fonctionner ensemble ceux qui écrivent le code et ceux qui l'implémentent et l'exploitent, ce qui est en principe une nouveauté, a par ailleurs des capacités assez flexibles, puisqu'elle possède aussi des plateformes de développeurs offshore implantés en Tunisie, en Roumanie, en Inde et à Singapour, même si ce n'est pas dans des proportions aussi larges que chez Capgemini ou Atos, et peut enfin s'appuyer sur un vivier (1.500 personnes) de sous-traitants, autres ESN et free lancers individuels, qui ont contribué pour 26% du chiffre d'affaires en 2022.

Neurones a aussi une division "Applications" plus axée sur le développement et l'intégration de nouveaux logiciels, qu'il s'agisse de développements spécifiques ou de produits achetés sur étagère. Et Dieu sait s'il y en a, d'autant que le groupe a aussi ses propres start-ups, noblesse oblige. Là aussi avec des méthodes en pointe de la technique : Agiles, DevOps et autres, et, par la force des choses, puisque c'est l'ERP dominant en Europe, de fortes compétences sur SAP, et sa déclinaison "cloud" à succès S/4Hana, ainsi que dans un autre domaine porteur : la gestion de contenus/gestion électronique de documents. Enfin, pour compléter l'offre, voire générer de l'activité pour les deux grandes divisions, Neurones a un pôle Conseil employant notamment des spécialistes en transformation numérique et en transformation digitale, et en transformation RH, ce qui ne gâte rien.

Une ETI très bien gérée : belle marge, zéro dette et beaucoup de cash

Le capital de Neurones est détenu à 70% environ par son management, qui a créé la société en 1985 et continue semble-t-il à bien faire les choses, puisque la croissance moyenne du chiffre d'affaires a été de +7,8% par an ces dix dernières années, soit bien plus que la croissance moyenne du marché des services numériques, et ce largement par croissance interne. Alors que, de plus, Neurones revendique une base de clientèle à la fois de grande qualité, puisqu'elle inclut 32 groupes du Cac 40, et à la fois très large et bien diversifiée, soit 1 000 entreprises clientes en tout dans des secteurs variés de l'économie, les Banques et les Compagnies d'Assurances étant le premier secteur client avec en tout 1/3 des revenus consolidés. Avec un risque client bien bordé a priori : le premier d'entre eux contribue pour moins de 10% du chiffre d'affaires, alors que Neurones exécute par ailleurs beaucoup de contrats moyens et petits dans ses services managés d'infrastructures.

Tout ceci, plus un marché porteur, puisque le Numeum, le syndicat professionnel des Services Numériques, a estimé la croissance du secteur à +7,5% en 2022, a vraisemblablement bien aidé pour que le dernier exercice soit un des meilleurs réalisés par le groupe, avec un croissance de l'activité de +14,7% presqu'entièrement organique, et une marge opérationnelle (le rapport résultat opérationnel, qui est le fameux Ebitda de la théorie financière moderne diminué des amortissements poussiéreux/chiffre d'affaires) à son plus haut historique, soit 11%. Laquelle marge opérationnelle n'est plus très loin de celle du grand Capgemini, soit 12,2%. Même si, comme toujours, des esprits chagrins diront qu'on peut encore faire mieux, puisque le leader mondial Accenture dégage allègrement du 15%.

Mais ce n'est pas tout : Neurones n'a pas de dettes financières, ce qui est rarissime, et seulement du cash dans son bilan à fin décembre, soit un endettement net très négatif et une situation de trésorerie nette de +272 millions d'euros, ce qui n'est pas rien.

Entre autres parce que l'activité génère structurellement de la trésorerie libre, soit de 30 à 40 millions d'euros par an ces trois dernières années, selon un calcul simplissime de free cash-flow tout court à l'ancienne.

Ce que l'on retrouve dans le cours de Bourse, qui a performé de +3% en 2022 sur un marché à -10% : CQFD ?
Bref : des neurones vraiment bien employés, sans aucun doute.

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Cette analyse a été élaborée par Le Cercle des analystes indépendants et diffusée par BOURSORAMA le 16/03/2023 à 08:26:24.

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