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Metabolic Explorer : chimie verte, c'est sûr. Recovery ?
information fournie par Le Cercle des analystes indépendants 15/12/2022 à 10:27

Jérôme Lieury
Jérôme Lieury

Jérôme Lieury

Olier Etudes & Recherches

Analyste financier, membre du Cercle des analystes

https://www.olier-etudes-recherche.fr/

Un site de production Metabolic Explorer. (crédit : Jérôme Palle / Metabolic Explorer)

Un site de production Metabolic Explorer. (crédit : Jérôme Palle / Metabolic Explorer)

Le lot de l'investisseur boursier : beaucoup de choses à prendre en considération, mais peu de certitudes

Il y a plein de choses à prendre en considération quand on veut investir dans une action, c'est bien connu, et si avoir une méthode bien balisée et bien rodée pour regarder un dossier d'investissement est éventuellement un plus pour ne pas commettre trop d'erreurs, il faut se dire qu'il y aura toujours des considérations qui nous échappent (voire nous dépassent totalement, il faut bien se l'avouer). De fait, si toute l'information est comprise dans le cours de Bourse, comme le veut la théorie, et si toute l'information qui sous-tend ce cours est publique en principe, il est cependant loin d'être sûr qu'on la maîtrise totalement. Et il vaut mieux être sûr du contraire, ce qui fait une incertitude de moins et donc déjà une information.

D'autant que ce sont souvent des considérations d'ordre plus général qui nous amènent à regarder un investissement éventuel, avant de l'inspecter sous toutes ses coutures, comme il se doit. Comme, par exemple : s'intéresser aux titres délaissés par le marché n'est pas toujours du temps de perdu, ou encore : la vraie création de valeur se fait dans l'industrie, ou enfin : les biotechnologies ont de plus en plus d'applications, et des applications très rentables. En principe.

Considération n°1: jouer les "recoveries" ?

Quand un titre se traîne en Bourse, c'est qu'il y a de bonnes raisons : les résultats ne sont pas bons, le bilan est trop fragile, la société consomme de la trésorerie, autrement dit brûle du cash, beaucoup d'investisseurs ont été très déçus après y avoir beaucoup cru, ont perdu de l'argent et ne veulent plus en entendre parler, etc…, etc… Mais tout change tout le temps, et il y a très souvent dans une société en difficulté des gens qui travaillent à la redresser. Ce qui, quand ça arrive, peut se traduire aussi par un redressement du cours de Bourse, un redressement d'autant plus fort parfois que le marché décide alors souvent d'appliquer des multiples de valorisation plus élevés, puisque tout va mieux et que le risque de l'affaire se réduit, à des chiffres, ventes et résultats, eux-mêmes en nette progression.

Les redressements, autrement dit les "recoveries" (pour les fins connaisseurs) ne sont donc pas à négliger. Mais après une analyse financière, en profondeur s'entend, des causes du mal, et de la possibilité que ce mal disparaisse (à force).

Considération n°2 : l'industrie, c'est bien

Faut-il le rappeler ? une société qui sous-traite ses fabrications i) au loin, là où les coûts de personnel sont bien inférieurs à ce qu'elle paierait en fabricant près de ou sur son marché domestique, et/ou ii) pour être "asset light" et en bonne logique financière ne pas immobiliser bêtement des capitaux dans un outil industriel, se prive d'une source importante de création de richesse : le levier opérationnel. Avec la meilleure absorption des coûts fixes, et très notamment des salaires, au fur et à mesure que les volumes d'activité augmentent, une usine bien chargée peut être très rentable, c'est un fait. Et ce n'est pas pour rien que la Chine est devenue l'usine du monde : elle s'est indéniablement bien enrichie ces trente dernières années grâce à ça. C'est-à-dire en faisant du vrai capitalisme, ce qui peut paraître finalement assez cocasse au pays de Mao Tse Toung.

Et ce n'est donc pas pour rien non plus que les relocalisations sont devenues un grand sujet à la mode en France, pays où on a vraisemblablement un peu trop délocalisé et désinvesti, et où on s'est éventuellement appauvri, au nom du sacro-saint compte d'exploitation.

Considération n°3 : la biotech, c'est encore mieux

Utiliser la puissance du vivant pour fabriquer toutes sortes de choses, plutôt que de transformer des matières fossiles, lesquelles ont mis des millions d'années à maturer dans le sous-sol, et sont en principe en quantités finies et donc épuisables, paraît intuitivement une bonne idée en soi, puisqu'on est manifestement dans le renouvelable. Partant de là, et les progrès permanents de la science aidant, il n'est pas étonnant de voir apparaître nombre de sociétés qui ont pour objet d'exploiter de nouveaux procédés naturels, biosourcés, biotechnologiques, etc… qui peuvent, par exemple, se substituer à la chimie traditionnelle. Et se substituer encore plus à la pétrochimie, qui n'est plus très bien vue pour des raisons que tout le monde connaît et sur lesquelles nous ne reviendrons pas.

Ce qui, là aussi, paraît intuitivement une bonne idée en soi quand il s'agit de produits qui entrent dans la composition des aliments (voire des aliments des animaux que l'on mange), ou des cosmétiques qu'on se tartine sur la peau, et qui sont encore, pour le moment, principalement issus de la chimie dite "organique".

Mais si ce que l'on peut appeler de la biotech paraît très moderne, c'est un vieux métier en fait, si l'on songe que le danois Novozymes produit des enzymes par fermentation bactérienne depuis les années 1950, et que de grands acteurs de ce secteur sont de vieilles sociétés familiales (qui ne sont surtout pas cotées, parce que vraisemblablement très profitables) comme Lesaffre (levures) et Roquette Frères (amidons, etc…), pour ne citer que quelques belles affaires aussi françaises que discrètes.

Et la nouvelle vague est là, puisque l'on trouve dans la cote parisienne des sociétés de chimie verte comme Amoeba, qui produit des fongicides tirés d'une amibe, Carbios, dont les enzymes naturelles permettent de recycler le vieux plastique, Fermentalg et ses micro-algues qui donnent des ingrédients alimentaires, des biofiltrants, etc…, Afyren, qui fabrique toutes sortes d'additifs naturels, et non plus d'origine pétrochimique par fermentation de la biomasse, ou encore Metabolic Explorer, quasiment une vieille boutique, puisqu'elle a été créée en 1999, et est cotée depuis 2007, ce qui peut paraître une éternité au train où vont les choses.

MetEx : d'abord laboratoire qui vend sa matière grise avant tout…

Basé près de Clermont-Ferrand, et créé au départ pour exploiter la recherche biotech de l'Université d'Auvergne (: le pays de Limagrain, maison mère de Vilmorin et Cie, c'est tout dire), Metabolic Explorer, alias MetEx, a longtemps été un laboratoire qui développait et pré-industrialisait des procédés brevetés de fermentation biologiques à base de bactéries, et fournissait des prestations de recherche à de grands groupes de l'agroalimentaire. Des procédés alternatifs aux procédés pétrochimiques pour produire des intermédiaires chimiques, dont des acides aminés pour la nutrition animale ou la cosmétique. Dans les années 2022-2008, MetEx a ainsi développé un grand partenariat dans la L-Méthionine avec Roquette Frères, qui a duré jusqu'en 2014, et développé aussi un pilote industriel pour fabriquer du PDO (ou 1,3 Propanediol), un glycol dérivé de l'amidon de maïs fermenté, qui a des applications en cosmétique.

Cette dernière fabrication une fois au point, la société a fait en 2010 le projet de monter une usine en Malaisie pour produire elle-même, projet qui n'a pas abouti finalement, puis a accordé en 2014 une licence exclusive à un chimiste coréen, SK Chemicals, licence qui a été reprise en 2015. Toujours en 2015, MetEx s'est associé avec UPM pour utiliser des sucres cellulosiques tirés du bois pour la fabrication de 1,2 Propanediol, ou MPG, et ainsi ne pas entrer en concurrence avec les sources de l'alimentation.

Quant à la L-Méthionine, après avoir obtenu l'agrément des autorités US pour la vendre pour l'alimentation animale sous forme d'un additif dénommé Inola, MetEx en a vendu tous les droits en 2016 à un chimiste allemand : Evonik, pour la modique somme de 45 millions d'euros.

… puis industriel pur et dur : le grand saut en 2021

La société a alors décidé de changer de stratégie et de devenir un industriel, en construisant sa propre usine pour produire du PDO, ainsi qu'un additif tout autant biosourcé pour l'alimentation animale : l'acide butyrique, ou AB. Ce qui s'est fait à Carling Saint Avold en Moselle, dans une filiale nouvelle dénommée Noovista avec Bpifrance comme associé, et un investissement total de 47 millions d'euros pour des premières productions en 2021. Et deux partenaires pour la commercialisation : Alinova/Axereal pour la nutrition animale, et le grand groupe hollandais DSM pour la cosmétique, le PDO étant vendu sous la marque Tilamar.

La partie recherche/propriété intellectuelle étant regroupée dans une autre filiale : Altanoov, "plateforme technologique qui développe un portefeuille d'ingrédients fonctionnels d'origine naturelle", et qui doit industrialiser un procédé nouveau par an. En commençant par le seul acide glycolique à être biosourcé, et la L-Valine, un acide aminé pour la nutrition animale qui permet de réduire la part du soja importé.
Mais ce n'est pas tout : MetEx a repris en avril 2021 une grande usine située à Amiens, rebaptisée Noovistago, seul fabricant européen de lysine, avec une très forte part de marché, et une gamme complète de produits pour deux secteurs : la nutrition animale, avec comme clients les fabricants d'aliments pour poulets et porcs avant tout et les éleveurs, et la cosmétique, le premier client étant L'Oréal. Cet outil de production unique a été racheté à Ajinomoto, un industriel japonais qui voulait sortir du marché européen, pour un investissement limité, soit 13 millions d'euros environ et bien moins que la valeur comptable de la société.

Ce qui fait que MetEx devrait réaliser en 2022 un chiffre d'affaires de l'ordre de 240 millions d'euros avec plus de 460 salariés, et est donc devenu une vraie ETI, grand spécialiste des ingrédients fonctionnels et autres biopolymères produits par fermentation.
Mais voilà : la société a pour le moment un peu de mal à gagner sa vie, avec sur les 9 premiers mois un chiffre d'affaires en recul de -7% à périmètre constant pour des volumes à -27%, et sera en perte sur l'année après un résultat opérationnel courant (le chiffre d'affaires moins toutes les charges courantes, amortissements y compris) de -12,7 millions d'euros au premier semestre.

Une bonne explication pour la très sévère contre-performance du cours de Bourse, qui a été divisé par /4 environ sur un an, soit -75% depuis le début de l'année, ce qui est un peu beaucoup.

Des problèmes ponctuels, on l'espère tout du moins

De fait, MetEx doit affronter à la fois a) une baisse de ses volumes vendus, avec notamment la grippe aviaire dans les élevage de poulets, et la concurrence de la lysine importée de Chine, pays où on a créé trop de capacités de production, et b) des hausses de coûts, principalement des matières premières consommées, qui sont notamment le sucre, pour alimenter les bactéries dans les processus de fermentation, l'ammoniac, et enfin le gaz, pour avoir de la vapeur à haute pression dans les processus de stérilisation.

Tout ceci n'aide pas, comme on peut s'en douter, avec de plus les surcoûts de démarrage, lequel n'est pas de tout repos, de Noovista et des coûts centraux augmentés par la nouvelles structure, même si Noovistago à Amiens, qui a gagné en flexibilité, couvre ses frais avant amortissements, et si la société a des couvertures sur le gaz jusqu'à mi-2023, et se couvre aux trois quarts sur sa consommation d'électricité grâce aux quotas Arenh.

Mais, comme le plus souvent, il y a aussi des points positifs : i) même si la société n'a pas trop de cash en caisse à fin juin, elle a obtenu un financement de 100 millions d'euros de plusieurs banques en mai 2022, et affichait un ratio d'endettement net/Fonds Propres de 29% à fin juin qui n'a rien d'excessif, soit un risque de liquidité bien bordé a priori, en attendant que l'horizon se dégage, ii) MetEx peut bien tenir ses prix, semble-t-il, avec aussi des arguments de poids comme la baisse de l'empreinte carbone, qui est une demande forte des clients, et de la dépendance de l'Europe au soja venu des USA ou du Brésil.

D'autant que la Commission Européenne pourrait aussi prendre des mesures anti-dumping sur les importations chinoises, comme elle l'a fait pour d'autres productions. Et que l'énergie chère, qui fait l'ammoniac et le sucre cher aussi, n'est peut-être pas éternelle : tout change tout le temps, on l'a déjà dit, et si quelque chose est bien totalement imprévisible, c'est bien les cours du pétrole. N'en déplaise à l'Agence Internationale de l'Energie.

Ceci alors que, selon la direction, la société adresse un marché total des ingrédients bio sourcés estimé à 27 milliards d'euros, entre les compléments alimentaires, les biopolymères, la nutrition animale, les produits d'hygiène beauté, les arômes et les fragrances et les édulcorants, et a donc encore pas mal de place pour se développer, semble-t-il.
Bref : qui vivra verra. C'est tout ce qu'on peut dire, finalement.

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2 commentaires

  • 28 décembre 11:58

    Les analystes indépendants , soit ils sont très mauvais soit ils ne sont pas si indépendants que ça !


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