
Mario Draghi, nouvel adepte de la reflation
Un vent frais souffle sur l'économie européenne. Si elle est toujours en difficulté, celle-ci va mieux et les risques de déflation semblent s'éloigner.
Une seule petite phrase dont les banquiers centraux ont le secret aura suffi à convaincre que le président de la BCE, définitivement plus confiant, s'apprête à ajuster les curseurs de sa politique monétaire. En affirmant que « les forces déflationnistes ont été remplacées par des forces reflationnistes », lors du symposium annuel de la BCE de Sintra, Mario Draghi a lancé mardi une petite bombe en direction des marchés. En quelques heures, le taux de change de l'euro s'est envolé à plus de 1,135 dollar et les taux d'intérêt à terme se sont partout redressés, renouant dans le cas des taux à deux ans allemands avec un plus haut depuis le 23 juin 2016, date du référendum britannique en faveur d'un Brexit, en même temps que, pour la première fois depuis longtemps, la probabilité implicite de hausse des taux directeurs de la BCE à horizon mi-2018 dépassait 50 %.
Autant dire que Mario Draghi n'a pas intérêt à se tromper car de son diagnostic dépendent bien des éléments de l'environnement financier en place. L'idée d'une possible reflation née ces derniers mois de l'élection de Donald Trump aux États-Unis, de la hausse généralisée des taux d'inflation et de signaux plus encourageants sur le front économique mondial a suscité de nombreux espoirs ces derniers mois sur les marchés boursiers mais ne semble guère convaincre les marchés obligataires. Un temps preneurs d'un tel scénario, immédiatement après l'élection de D. Trump, ces derniers ont largement rectifié le tir de leurs anticipations depuis le début de l'année, au fur et à mesure que s'éloignaient les espoirs d'une politique de stimulation de la croissance par le nouveau président américain, que se détérioraient les statistiques économiques et que retombaient les chiffres d'inflation et les cours du pétrole... Dans leur sillage, les valeurs bancaires, automobiles et celles des matériaux de base, a priori les plus favorablement exposées à un scénario de reflation, n'ont guère été à la fête, happées par le scepticisme des marchés obligataires et par le net reflux des anticipations d'inflation.
Le fait est que les preuves d'une reflation se font attendre.
Malgré l'embellie généralisée du climat des affaires à l'échelle mondiale depuis le début de l'hiver dernier, la croissance des pays occidentaux n'a guère donné de signes patents d'accélération. L'inflation est, elle, aux abonnés absents ne faisant ni plus ni moins qu'osciller au gré des effets de base pétroliers, c'est-à-dire de l'influence des variations annuelles des cours du pétrole sur le calcul annuel de l'inflation. Hors pétrole et produits frais, l'inflation dite sous-jacente, ne montre aucun signe de ressaisissement, y compris dans les pays les plus avancés dans le cycle, et le bas niveau du taux de chômage aux États-Unis, en Allemagne, voire au Royaume-Uni, semble n'avoir aucun effet sur la croissance des salaires.
Alors reflation y a-t-il ? Si l'envie est là, surtout pour des banquiers centraux qui voient dans cette éventualité le succès des politiques de lutte contre la déflation de ces dernières années, difficile de le prouver et, sans doute, plus encore difficile à démontrer demain, quand les fameux effets de base pétroliers joueront à revers et feront selon toute vraisemblance retomber les chiffres de l'inflation du monde développé vers des niveaux inconfortables, probablement inférieurs à 1,5 % aux États-Unis et en deça de 1 % en zone euro d'ici la fin de l'année… Mario Draghi a finalement été bien inspiré de corriger le tir aux premières secondes de son second discours du même symposium de Sintra.
Véronique Riches-Flores, économiste indépendante, RICHESFLORES RESEARCH
Membre du Cercle des Analystes Indépendants
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