par John Irish et Arshad Mohammed PARIS/WASHINGTON, 20 décembre (Reuters) - Les trois puissances européennes impliquées dans l'accord de 2015 sur le programme nucléaire iranien semblent prêtes à déclencher le mois prochain la procédure de règlement des litiges prévue par le traité pour contraindre Téhéran à revenir sur ses décisions successives de se soustraire à une partie de ses dispositions. Pour autant, l'Allemagne, la France et la Grande-Bretagne n'iront pas jusqu'à lancer un rétablissement des sanctions de l'Onu qui tuerait l'accord de Vienne, indiquent des diplomates. La République islamique reproche aux Européens d'être impuissants à sauver le Plan d'action global commun (JCPOA) mis à mal par le retrait des Etats-Unis et à protéger l'économie iranienne du rétablissement des sanctions américaines. L'objectif du JCPOA était de réduire les risques de prolifération en prolongeant le délai qui serait nécessaire à l'Iran pour accumuler suffisamment de matière fissile pour produire une bombe atomique - pour autant que Téhéran en aurait l'intention. L'accord a porté la durée de ce "breakout time" de deux/trois mois, selon les estimations de l'époque, à environ un an. Mais les Européens redoutent que les dérogations successives que l'Iran s'est octroyées ces derniers mois ne réduisent sensiblement ce délai. Washington, sous l'impulsion de Donald Trump, veut de son côté contraindre Téhéran à négocier un accord plus large qui intégrerait aussi son programme de missiles balistiques et sa politique d'influence régionale. D'où la décision, annoncée par Trump en mai 2018, de se retirer de l'accord, de rétablir les sanctions américaines contre l'Iran et d'exercer une politique de "pression maximale". RENDEZ-VOUS LE 6 JANVIER Face à ce qu'il considère comme une agression, l'Iran a enclenché au printemps dernier un retrait graduel d'une partie des engagements pris dans le cadre du JCPOA. L'enrichissement de l'uranium a repris dans son site souterrain de Fordew et des "centrifugeuses" qui accélèrent le processus ont été rebranchées. D'après des responsables iraniens, l'Iran franchira un pas supplémentaire le 6 janvier prochain. Selon six diplomates européens et occidentaux interrogés par l'agence Reuters, l'Allemagne, la France et la Grande-Bretagne sont d'accord sur le principe d'enclencher le mécanisme de résolution des conflits, mais attendent de mesurer l'ampleur des futures décisions iraniennes avant d'appuyer sur la détente. "Lancer ce processus vise à résoudre les questions problématiques et à sauver l'accord. Il n'est pas automatique que des sanctions onusiennes suivront", souligne une source diplomatique européenne. "Si nous décidions de le faire (ndlr, réimposer ces sanctions), cela voudrait dire que nous aurions décidé de planter un ultime clou dans le cercueil", ajoute-t-elle. Le JCPOA prévoit qu'une des parties signataires, si elle estime qu'une autre partie ne respecte pas ses engagements, peut soumettre ce point de contentieux à la Commission conjointe formée par l'Iran, la Russie, la Chine, les trois puissances européennes de l'E3 mais aussi l'Union européenne. La Commission dispose alors de 15 jours pour régler ce litige (le délai peut être prolongé par consensus). Au terme d'une longue procédure, le dossier peut être transmis au Conseil de sécurité des Nations unies qui est alors en capacité de déclencher le "snapback", un retour automatique au régime de sanctions internationales qui prévalaient avant l'accord de Vienne. "NOUS CROYONS ENCORE QUE LA DIPLOMATIE N'EST PAS MORTE" Les Européens n'en sont pas là. "Nous croyons encore que la diplomatie n'est pas morte", dit un deuxième diplomate. Les pays de l'E3, en premier lieu la France, mènent campagne auprès de la Russie et de la Chine, les deux autres signataires de l'accord de 2015, pour les rallier à leur cause et constituer un front uni. Pour l'heure, Moscou et Pékin s'opposent à une saisine de la Commission conjointe. Et les Européens pourraient aussi renoncer à leur initiative si l'Iran ne bouge pas le mois prochain. Ils espèrent aussi que la première transaction via INSTEX, l'instrument financier fondé sur le principe du troc pour contourner les sanctions américaines, sera à même de convaincre Téhéran de revoir sa position. "Ce n'est pas une étape que nous voulons franchir mais les actes de l'Iran ne nous laissent guère d'autres options que de répondre dans le cadre des paramètres de l'accord", explique l'ambassadrice britannique auprès de l'Onu, Karen Pierce. "Si nous devions être forcés de prendre la voie d'un déclenchement du MRD (ndlr, le mécanisme de règlement des différents fixés par l'article 36 de la résolution 2231 https://www.undocs.org/fr/S/RES/2231(2015) du Conseil de sécurité des Nations unies qui endosse l'accord de Vienne), nous le ferions afin de trouver une issue diplomatique dans l'objectif de protéger l'accord", ajoute-t-elle. Parallèlement, le département américain d'Etat a rédigé un argumentaire juridique que Reuters a pu consulter et qui conclut que les Etats-Unis, même s'ils se sont retirés de l'accord, peuvent enclencher eux-mêmes le processus de "snapback". "Puisque les Etats-Unis sont un participant initial du JCPOA identifié au paragraphe 10 de la résolution 2231 du Conseil de sécurité des Nations unies, l'argument selon lequel nous pouvons affirmer que les Etats-Unis peuvent lancer la procédure de 'snapback' prévue par la résolution 2231 est légalement recevable", expose le département d'Etat en réponse à une question posée par le sénateur Ted Cruz. (avec Parisa Hafezi à Dubai, Michelle Nichols aux Nations unies et Sabine Siebold à Berlin version française Henri-Pierre André, édité par Jean-Michel Bélot)
Les Européens vont durcir leur politique iranienne sans aller jusqu'au retour des sanctions
information fournie par Reuters 20/12/2019 à 15:55
Mes listes
Une erreur est survenue pendant le chargement de la liste
0 commentaire
Vous devez être membre pour ajouter un commentaire.
Vous êtes déjà membre ? Connectez-vous
Pas encore membre ? Devenez membre gratuitement
Signaler le commentaire
Fermer