LES BANQUES SUISSES COURTISENT À NOUVEAU LES RICHES AMÉRICAINS
par Angelika Gruber
ZURICH (Reuters) - Dix ans après le début de leurs déboires fiscaux aux Etats-Unis, où leurs affaires avec des clients soucieux de discrétion leur ont coûté des milliards de dollars et conduit finalement à la fin du secret bancaire en Suisse, les banques helvétiques s'efforcent de retisser des liens avec une clientèle américaine fortunée.
Confrontés à un environnement extrêmement concurrentiel et saturé sur leur marché domestique et à de faibles perspectives de croissance en Europe, les banquiers suisses courtisent les riches Américains susceptibles de vouloir investir une partie de leur argent à l'étranger. Les Etats-Unis abritent plus de milliardaires que tout autre pays dans le monde.
Vontobel, spécialisée dans la banque privée, a ainsi annoncé vendredi le rachat du portefeuille international des clients de son concurrent Lombard Odier aux Etats-Unis, soit 1,2 milliard de francs suisses (1,05 milliard d'euros) d'actifs sous gestion, ce qui va lui permettre de développer son activité dans la région.
"L'Amérique du Nord est l'un de nos marchés prioritaires sur lequel nous voulons dégager une croissance supérieure à la moyenne", a dit Georg Schubiger, responsable de la gestion de fortune chez Vontobel.
UBS, première banque suisse et numéro un mondial de la gestion de fortune, a maintenu une présence importante aux Etats-Unis malgré les 780 millions de dollars (680 millions d'euros) déboursés pour régler une série de litiges avec les autorités américaines au sujet des actifs non déclarés de certains de ses clients aux Etats-Unis.
Sa clientèle en Amérique du Nord représente environ la moitié de son activité de gestion de fortune.
UBS cherche désormais à attirer également les Américains expatriés. Elle mise pour cela sur la fusion organisée cette année de ses activités nord-américaines et internationales de gestion de fortune.
LA SUISSE RESTE UN REFUGE
En la matière, la taille compte car les règles spécialement mises en place par les autorités américaines rendent plus difficiles les opérations à l'étranger pour des clients américains.
"La règle, c'est qu'il faut environ deux milliards de dollars d'actifs sous gestion, ce qui représente déjà beaucoup pour des petites banques sur un seul marché", dit Ralph Kreis, directeur du cabinet de consultants AlixPartners.
En deçà de ce seuil, cette activité n'est intéressante que pour les institutions spécialisées sur un segment particulier ou auprès d'une clientèle particulièrement rentable, ajoute-t-il.
Ces divers obstacles ont dissuadé certains grands acteurs suisses de la banque privée, comme Credit Suisse et Julius Bär, de proposer des services de gestion de fortune aux Etats-Unis.
Si l'activité de banque privée aux Etats-Unis est dominée par de grandes banques américaines comme Morgan Stanley, Bank of America Merrill Lynch et Wells Fargo, les établissements suisses perçoivent tout de même des opportunités lucratives auprès des Américains désireux de placer leur argent en toute sécurité à l'étranger.
Les Américains les plus fortunés s'efforcent généralement de diversifier leurs portefeuilles d'actifs par zones géographiques et les banques suisses pensent pouvoir jouer un rôle dans ce domaine en proposant des opportunités d'investissements respectueuses de la législation fiscale dans un pays stable doté d'une monnaie à l'abri des crises.
"Nous proposons un refuge sûr", dit Patrice E. Humbel, responsable du marché américain chez Vontobel. "Deux tiers de nos clients ont de l'ADN européen. Ce sont des Allemands, des Italiens, des Français ou des Suisses qui sont des citoyens américains de première, deuxième ou troisième générations."
Au-delà d'une certaine taille, les banques doivent disposer d'une licence accordée par la SEC, le gendarme de la Bourse de New York, pour pouvoir proposer des produits d'investissement à des clients américains.
"En Suisse, environ 40 à 50 entreprises possèdent cette licence", dit Martin Büchel, du cabinet AlixPartners.
Ce nombre a doublé à peu près au cours des quatre dernières années, affirme Anne Liebgott, consultante auprès d'Américains souhaitant bénéficier de services suisses de gestion de fortune.
(Bertrand Boucey pour le service français, édité par Dominique Rodriguez)
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