Le président kazakh intensifie les purges au sein du renseignement

information fournie par Reuters •09/01/2022 à 22:18

* Deux responsables du renseignement limogés

* Un remaniement gouvernement possible mardi

* Pas de dissensions entre l'ex et l'actuel président-porte-parole

* L'accès internet perturbé, pas de déclaration des manifestants

par Olzhas Auyezov et Tamara Vaal

ALMATY, 9 janvier (Reuters) - Le président kazakh Kassim-Jomart Tokaïev a limogé dimanche deux autres responsables de la sécurité nationale alors que les autorités annoncent une stabilisation de la situation dans le pays après plusieurs jours de violence.

Ces deux responsables, Marat Osipov et Daulet Ergozhin, étaient des adjoints de Karim Massimov, l'ancien chef du comité de sécurité nationale du Kazakhstan, lui-même arrêté samedi pour soupçons de trahison. nL8N2TO0A4

L'ancienne république soviétique fait actuellement face aux pires violences de son histoire depuis son accession à l'indépendance il y a trente ans. Les émeutes ont été déclenchées sur fond d'inflation et de hausse des prix de l'énergie.

Des milliers de personnes ont depuis été arrêtées, tandis des bâtiments publics ont été incendiés au cours de manifestations antigouvernementales de grande ampleur.

Vendredi, le président du Kazakhstan a annoncé avoir autorisé les forces de l'ordre à ouvrir le feu sans sommation pour mettre fin aux désordres dit-il, générés par des "terroristes".

Les autorités kazakhes ont déclaré dimanche qu'elles avaient stabilisé la situation dans le pays et que des "sites stratégiques" étaient désormais sous contrôle.

A la demande du président kazakh, Moscou a envoyé des troupes pour aider le pouvoir kazakh à rétablir l'ordre dans le cadre de l'Organisation du traité de sécurité collective (OTSC), qui lie la Russie, l'Arménie, la Biélorussie, le Kazakhstan, le Kirghizistan et le Tadjikistan.

"SITUATION STABILISÉE"

"La situation a été stabilisée dans toutes les régions du pays", a dit le bureau de la présidence, ajoutant que les forces de l'ordre avaient repris le contrôle des bâtiments administratifs et que les services essentiels étaient sur le point d'être rétablis.

À Almaty, la plus grande ville du pays, la vie semblait avoir repris son cours normal dimanche, les forces de sécurité ayant mis en place des postes de contrôle autour de la ville.

La place de la République, principale artère de la ville, est cependant restée bouclée. Reuters a notamment constaté que deux véhicules militaires équipés de mitrailleuses se dirigeaient vers cette place. Les véhicules incendiés durant les manifestations ont par ailleurs été retirés.

La chaîne de supermarchés Magnum a déclaré que 15 de ses 68 magasins à Almaty avaient été pillés.

Selon des médias publiques et russes, citant une publication du gouvernement sur les réseaux sociaux, 164 personnes ont été tuées au cours des affrontements avec les forces de sécurité. Ce chiffre n'a toutefois pas été confirmé par les autorités sanitaires et la police.

D'après la police, 6.044 personnes ont également été arrêtées.

Ces différents bilans sont difficiles à vérifier, l'accès au réseau internet et aux télécommunications étant perturbé.

Depuis le début des manifestations, aucun groupe n'a émergé pour s'exprimer au nom des protestataires.

POSSIBLE REMANIEMENT GOUVERNEMENTAL MARDI

La main mise du pouvoir sur le puissant organe du renseignement pourrait être le signe d'une fracture au sein de l'équipe dirigeante alors que Kassim-Jomart Tokaïev cherche à consolider son autorité.

Karim Massimov, limogé mercredi de son poste de chef du renseignement, a été Premier ministre du Kazakhstan à deux reprises et a collaboré avec Noursoultan Nazarbaïev, l'homme qui a dirigé le pays d'une main de fer jusqu'en 2019 avant de céder la présidence à Kassim-Jomart Tokaïev.

Les autorités kazakhes n'ont pas développé les accusations de trahison portées à l'encontre de Karim Massimov. Ce dernier n'a pu être contacté dans l'immédiat pour un commentaire.

Dans un communiqué destiné à minimiser les spéculations sur d'éventuelles dissensions entre Noursoultan Nazarbaïev et Kassim-Jomart Tokaïev, le porte-parole de l'ancien chef de l'Etat kazakh a assuré que les deux hommes ont toujours été "du même côté des barricades".

Le porte-parole de Kassim-Jomart Tokaïev a déclaré, pour sa part, que le président kazakh pourrait procéder à un remaniement gouvernemental mardi à la faveur d'un discours au Parlement.

Le président russe Vladimir Poutine et d'autres dirigeants des pays de l'OTSC tiendront lundi une visioconférence pour discuter de la crise au Kazakhstan, a indiqué de son côté le Kremlin.

Les Etats-Unis ont critiqué le déploiement de troupes russes au Kazakhstan et se demandent si cette décision présentée par l'OTSC comme une mission de quelques jours ou semaines ne va pas se transformer en une présence beaucoup plus longue.

Le secrétaire d'État américain Antony Blinken a en outre dénoncé l'ordre donné par les autorités kazakhes aux forces de l'ordre de tirer pour tuer.

(Reportage Olzhas Auzeyov, Tamara Vaal, Mariya Gordeeva Robin Paxton; rédigé par Mark Trevelyan et Tom Balmforthversion française Claude Chendjou)