Le fabricant chinois de véhicules électriques BYD finalise ses projets d'usine au Mexique, une démarche qui mettra à l'épreuve la politique commerciale de Donald Trump et l'éventuelle envie du gouvernement mexicain d'en découdre avec le président élu des Etats-Unis.
Les représentants de BYD affirment que l'entreprise cherche à conclure un accord avec les autorités de l'Etat de Mexico pour lancer la construction d'une usine près de l'un des centres automobiles du centre ou du nord du Mexique.
Ces projets placent le Mexique devant un dilemme, aggravé par la menace de Donald Trump, lundi, d'imposer des droits de douane de 25% sur les produits mexicains importés aux Etats-Unis. Le pays est déjà un grand centre de construction automobile et voit généralement d'un bon oeil les investissements étrangers pour les emplois qu'ils génèrent. BYD, rival de Tesla pour la place de plus grand fabricant mondial de véhicules électriques, serait normalement un bon parti.
Cependant, les autorités mexicaines craignent qu'une usine de BYD envoie un mauvais signal à Donald Trump et aux partisans de sa politique commerciale, en suggérant que le Mexique veut servir de porte dérobée aux entreprises chinoises pour vendre leurs produits aux Etats-Unis. Le président élu s'en prend également au Mexique au sujet de l'immigration et de la contrebande de fentanyl, problèmes qu'il a cités dans sa menace de droits de douane.
Le Mexique affirme qu'il ne compte pas devenir un relais pour les produits fabriqués en Chine et qu'il a fait des progrès dans la lutte contre l'immigration clandestine. Il doit en persuader les Etats-Unis et le Canada lors des négociations qui débuteront l'année prochaine sur l'extension de l'accord de libre-échange entre les Etats-Unis, le Mexique et le Canada, conclu lors du premier mandat de Donald Trump à la Maison-Blanche.
+Se présenter comme partenaire fiable+
"A ce jour, les investissements en provenance de Chine doivent être analysés avec une extrême prudence", a affirmé Eduardo Solís, un consultant qui a précédemment dirigé l'association de l'industrie automobile mexicaine. "Le Mexique doit se présenter avec une carte de visite qui dit: partenaire fiable de l'Amérique du Nord", a-t-il ajouté.
Donald Trump avait déjà menacé d'imposer des droits de douane de 200% sur les voitures chinoises si elles étaient fabriquées au Mexique. L'inquiétude du Mexique concernant les investissements chinois constitue un autre exemple de la manière dont l'élection de Donald Trump oblige déjà les gouvernements et les entreprises à repenser leurs stratégies. Les autorités canadiennes tentent de leur côté d'isoler le Mexique pour se rapprocher davantage de Donald Trump.
BYD rêve depuis longtemps de commercialiser ses véhicules aux Etats-Unis, comme l'ont fait auparavant des constructeurs automobiles asiatiques tels que Toyota et Hyundai. Mais chaque piste possible a abouti à une impasse.
Exporter depuis la Chine est quasiment impossible depuis que l'administration Biden a imposé cette année des droits de douane d'environ 100% sur les véhicules électriques fabriqués en Chine. Essayer de construire une usine de voitures aux Etats-Unis comme celles des constructeurs japonais et sud-coréens se heurterait sans aucun doute à une forte résistance, étant donné le sentiment hostile à la Chine qui règne aux Etats-Unis.
BYD possède une usine de bus électriques à Lancaster, en Californie, depuis une dizaine d'années, et est le plus grand constructeur de bus électriques d'Amérique du Nord, avec une capacité de production annuelle d'environ 1.500 véhicules. Mais ce secteur est moins sensible politiquement que celui des voitures vendues aux particuliers.
+Des avantages réduits pour BYD+
La dernière idée de BYD, selon des personnes travaillant dans l'entreprise, serait de construire une usine au Mexique, dans un premier temps pour vendre les voitures aux acheteurs de ce pays et d'Amérique latine, tout en attendant que le climat politique permette d'exporter vers les États-Unis. Néanmoins, cette stratégie comporte à présent des incertitudes.
La construction d'une usine au Mexique nécessiterait l'accord de l'Etat dans lequel elle est située et celui du gouvernement fédéral, et c'est là que des problèmes se posent.
Plusieurs Etats mexicains ont réduit les avantages proposés à BYD pour l'inciter à implanter son usine, tels que des avantages fiscaux locaux et une eau moins chère, ont indiqué des personnes au fait de la situation.
Le gouvernement fédéral est contrarié par le calendrier de BYD et ne veut pas provoquer Donald Trump, a précisé un responsable mexicain. L'aval du gouvernement fédéral serait indispensable pour tout projet de BYD au Mexique car l'entreprise aurait besoin de permis environnementaux et d'importation, ainsi que d'autres mesures de soutien du gouvernement.
+Quatrième exportateur mondial+
L'accord USMCA (United States-Mexico-Canada Agreement), signé par le Mexique, les Etats-Unis et le Canada en 2018, a propulsé le Mexique au quatrième rang mondial des exportateurs de véhicules légers, avec près de 2,6 millions de véhicules livrés aux Etats-Unis l'année dernière.
L'augmentation de la part du Mexique sur le marché américain des importations implique une surveillance accrue, et le principal point de désaccord dans les négociations de l'USMCA sera "la manière de protéger le bloc commercial nord-américain de l'influence de la Chine", a écrit J.P. Morgan dans une récente note envoyée aux investisseurs.
La secrétaire au Trésor, Janet Yellen, s'est rendue au Mexique à la fin de l'année 2023 pour discuter des projets d'un mécanisme de vérification des investissements qui donnerait au Mexique un plus grand contrôle sur les investissements chinois. Ce point fera probablement partie de l'examen de l'accord USMCA, au même titre que les propositions visant à exiger davantage de production régionale.
Le Mexique estime que les inquiétudes des Etats-Unis et du Canada concernant la possibilité que le pays serve de porte dérobée ne sont pas fondées et reposent sur des preuves insuffisantes. Les autorités mexicaines font également remarquer que les investissements chinois se dirigent beaucoup plus vers les Etats-Unis et le Canada que vers le Mexique. Toute mesure visant à bloquer la Chine devrait être équitable entre les trois membres de l'USMCA, puisque les constructeurs automobiles américains opérant au Mexique sont également de gros importateurs de pièces détachées et de véhicules en provenance de Chine, soulignent les autorités mexicaines.
-Santiago Pérez et Raffaele Huang, The Wall Street Journal (Ryan Felton a contribué à cet article)
(Version française Aurélie Henri) ed: JDO
"Le Market Blog" est le blog économique et financier de l'agence Agefi-Dow Jones.
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