
stellantis (Crédits: stellantis)
La fin de parcours de Carlos Tavares est aussi brutale qu'inattendue. Adulé il y a encore quelques mois par la communauté financière pour avoir redressé de manière spectaculaire les performances opérationnelles de Stellantis entre 2021 et 2023, le dirigeant de 66 ans a été prié de rendre le volant du constructeur automobile.
Réunis dimanche à Amsterdam, les membres du conseil d'administration du groupe ont décidé à l'unanimité de mettre un terme avec effet immédiat au mandat de directeur général de Carlos Tavares, a confié lundi une source proche du dossier à l'agence Agefi-Dow Jones.
Vers 15h00 lundi, l'action Stellantis accusait le plus net repli de l'indice CAC 40 en dérapant de 6,4%, à 11,73 euros.
L'annonce a pris de court la plupart des investisseurs et des analystes, car le départ de Carlos Tavares était prévu pour début 2026, à l'issue de son mandat. Mais les divergences de points de vue entre le principal architecte du groupe aux 14 marques automobiles et ses administrateurs menaçaient la pérennité de l'entreprise.
Dans un communiqué envoyé dimanche soir, Stellantis a indiqué avoir accepté la démission de Carlos Tavares, après que, "ces dernières semaines", "des points de vue différents" sont apparus entre le dirigeant et l'organe de gouvernance. Contactée, une porte-parole de Stellantis n'a pas souhaité apporter davantage d'informations.
+Des parts de marché qui s'effondrent aux Etats-Unis+
Cette séparation "semble confirmer que Carlos Tavares était de plus en plus isolé et, peut-être, trop rigide" pour adapter une stratégie qui ne semblait plus adaptée à l'environnement actuel, "comme en témoignent les importantes difficultés commerciales et opérationnelles du groupe cette année", suggère Oddo BHF. La "méthode Tavares" a notamment conduit Stellantis à déplorer d'importants stocks excédentaires aux Etats-Unis ces derniers mois.
En maintenant des tarifs élevés pour ses véhicules vendus aux Etats-Unis, là où d'autres constructeurs automobiles consentaient des remises, Stellantis a vu ses ventes, ses parts de marché et sa marge opérationnelle s'effondrer cette année dans le pays.
Au-delà même de la performance financière de Stellantis, Oddo BHF remet en cause la pertinence à moyen comme à long terme de l'approche du dirigeant, "systématiquement conflictuelle avec l'ensemble des parties prenantes" de l'entreprise, ainsi que le bien-fondé de sa communication, "constamment pessimiste". Il y a un an, lors de la grève historique des salariés du secteur automobile aux Etats-Unis, Stellantis avait formulé des propositions jugées provocatrices par les syndicats, au nom de la compétitivité, avant de finalement céder à l'essentiel des revendications.
+Un successeur attendu avant juin 2025+
En outre, la stratégie fondée sur la baisse des coûts déployée par Carlos Tavares a atteint ses limites, faisant de Stellantis un constructeur plus efficient que compétitif. Cette situation jette un doute sur le modèle d'entreprise des conglomérats automobiles, qui n'investissement pas suffisamment sur chacune de leurs marques, et sur la longévité des dirigeants exécutifs dans un secteur confronté à d'importants vents contraires cycliques et structurels, commente Jefferies. Carlos Tavares avait pris les rênes de PSA Peugeot Citroën en 2014, au moment où le constructeur automobile français était au bord de la faillite. En dix ans, et après des opérations significatives telles que le rachat d'Opel en 2017 et la fusion avec Fiat Chrysler Automobiles (FCA) en 2021, il a fait de Stellantis le troisième vendeur de voitures au monde à égalité avec General Motors, derrière Toyota et Volkswagen.
Selon Stellantis, le processus de nomination du nouveau directeur général "est en bonne voie et aboutira au cours du premier semestre de 2025". Dans l'intervalle, un nouveau comité exécutif temporaire, dirigé par John Elkann, le président du conseil d'administration, sera mis en place. Dans une note de recherche envoyée à ses clients, JPMorgan assure que Luca de Meo, l'actuel directeur général de Renault, présente les qualités pour succéder à Carlos Tavares. Mais "Stellantis possède aussi de nombreux talents en interne", relève un gérant basé à Paris, "dont Maxime Picat et Antonio Filosa". Le premier est directeur des achats et de l'approvisionnement de Stellantis, tandis que le second est directeur opérationnel du groupe pour la zone Amérique du Nord et directeur général de sa marque américaine Jeep.
Avec le départ de Carlos Tavares, "une page se tourne" chez Stellantis et la visibilité sur l'activité devrait "rester faible tant qu'un nouveau commandant ne sera pas aux commandes du navire", assure Invest Securities. Les investisseurs n'envisageront pas une amélioration des bénéfices du groupe en 2025, avant que l'équipe de direction soit réinitialisée, selon JPMorgan. L'action, qui se négocie actuellement selon un ratio cours de Bourse sur bénéfice net par action estimé pour 2025 de 5, contre un multiple de 4 en 2021, est susceptible de subir des pressions à court terme, prévient la banque d'affaires américaine.
Si Stellantis est potentiellement la valeur de retournement la plus séduisante dans l'univers automobile pour l'année 2025, le dossier n'en présente pas moins "un risque d'exécution supérieur à la moyenne", met en garde UBS. Au cours actuel, l'action se situe en dessous de son niveau de janvier 2021, soit au moment des premiers échanges des titres Stellantis après la fusion entre Groupe PSA et FCA. Signe qu'il y a toute une histoire boursière à reconstruire.
-Dimitri Delmond, Agefi-Dow Jones; +33 (0)1 41 27 47 31; ddelmond@agefi.fr ed: JDO
Agefi-Dow Jones The financial newswire
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