
Le logo de la société est visible à une succursale de la banque suisse UBS à Zurich
par Ariane Luthi et Oliver Hirt
Le gouvernement suisse a proposé vendredi d'imposer à UBS des règles plus strictes à la suite du rachat de Credit Suisse, ce qui pourrait obliger la banque à détenir 26 milliards de dollars de fonds propres supplémentaires et confirme ses pires craintes.
La principale proposition gouvernementale, pour laquelle UBS aurait six à huit ans pour se préparer une fois qu'elle sera entrée en vigueur, prévoit que la banque devra intégralement capitaliser ses filiales étrangères, conformément à ce que de nombreux analystes, législateurs et cadres attendaient.
UBS s'est déclaré vendredi en profond désaccord avec le projet, estimant dans un communiqué que l'augmentation de fonds propres envisagée - qui l'obligerait selon elle à détenir 24 milliards de dollars supplémentaires - était "extrême" et entraînerait des exigences qui ne sont "ni proportionnées ni alignées au niveau international".
Le titre UBS, à la traîne de ses pairs européens depuis des mois en raison des incertitudes sur la nouvelle régulation, a néanmoins bondi après l'annonce des propositions vendredi après-midi, gagnant jusqu'à 7% et s'orientant vers sa meilleure performance en une journée depuis mai 2024.
Le gouvernement a déclaré que sa proposition relative aux exigences en matière de fonds propres permettrait à UBS de réduire de 8 milliards de dollars sa détention d'obligations AT1. Aujourd'hui, la banque ne doit capitaliser ses filiales étrangères qu'à hauteur de 60% et peut couvrir une partie du capital avec des obligations AT1.
Les dirigeants d'UBS estiment que la charge de capital supplémentaire désavantagera la banque zurichoise par rapport à ses rivales et nuira à la compétitivité de la Suisse en tant que place financière.
UBS a sauvé Credit Suisse en mars 2023 en rachetant le groupe pour une bouchée de pain après une série de scandales qui a ébranlé la deuxième banque suisse, suscitant de nombreux appels à renforcer les réglementations afin d'éviter qu'un tel scénario ne se reproduise.
DES MESURES "CIBLÉES ET PROPORTIONNÉES"
Alors que la ministre suisse des finances Karin Keller-Sutter occupe actuellement la présidence tournante d'un an de la Suisse, les annonces de vendredi marquent le début d'une longue période de débats politiques sur les nouvelles mesures, que le Conseil fédéral au pouvoir a qualifiées de "ciblées et proportionnées".
"Elles sont cruciales pour la stabilité du secteur financier et donc pour la protection de l'économie et des contribuables", a déclaré Karin Keller-Sutter lors d'une conférence de presse.
En fonction de la réaction d'UBS, les exigences en matière de capital pourraient être considérablement revues à la baisse, a-t-elle ajouté.
Une commission d'enquête parlementaire a noté l'année dernière qu'UBS avait un bilan plus important que l'économie suisse depuis le rachat de Credit Suisse et a exhorté le gouvernement à prendre en considération les filiales étrangères.
Le Conseil fédéral a précisé qu'il présenterait des projets de propositions pour des consultations avec les parties prenantes au cours du second semestre 2025.
Selon des responsables du ministère des Finances, les lois nécessitant l'approbation du Parlement n'entreront pas en vigueur avant 2028.
Des mesures distinctes connues sous le nom d'ordonnances, qui peuvent être émises directement par le gouvernement, sont susceptibles de s'appliquer à partir de début 2027.
PÉRIODE DE TRANSITION
Le gouvernement a déclaré qu'une période de transition de six à huit ans semblait appropriée pour permettre à UBS de respecter les nouvelles règles. Cela donnerait à la banque jusqu'au milieu des années 2030 pour se mettre en conformité.
Des sources internes à UBS ont averti que les nouvelles réglementations pourraient faire de la banque une cible attrayante pour un rachat.
Le transfert de son siège social hors de Suisse fait partie des scénarios envisagés, selon des sources internes, mais Karin Keller-Sutter a déclaré qu'elle espérait que la banque resterait dans le pays.
"En fin de compte, c'est une décision d'entreprise", a-t-elle dit lors de la conférence de presse.
Selon les propositions suisses, le ratio CET1 d'UBS pourrait être légèrement plus élevé que celui de ses rivaux mondiaux, a admis le gouvernement. Il s'établit à 14,3% et pourrait atteindre 17%, ce qui dépasserait les seuils de banques telles que JPMorgan (15,8%), Morgan Stanley (15,7%) et Goldman Sachs (15,3%), a-t-il précisé.
Les analystes estiment que les nouvelles réglementations pourraient entraîner un remaniement du modèle d'entreprise d'UBS, qui se concentre désormais sur la croissance aux États-Unis et en Asie. Pour atténuer les effets de la réglementation, la banque pourrait être tentée de vendre certains actifs, selon les experts bancaires.
(Reportage d'Ariane Luthi et Oliver Hirt, avec John Revill, John O'Donnell et Miranda Murray, rédigé par Dave Graham ; version française Benjamin Mallet, édité par Tangi Salaün)
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