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"La règlementation pourrait ralentir l’adoption de la voiture électrique" (M. Dischamps, Powerdot)
information fournie par AOF 23/05/2024 à 15:50

(AOF) - L’adoption du véhicule électrique pourrait être ralentie par la règlementation en matière de bornes de recharge. C’est ce qu’affirme Matthieu Dischamps, directeur général de Powerdot, dans un entretien accordé à AOF. Cet opérateur déploie des bornes de recharge rapide pour véhicules électriques dans les espaces commerciaux. Il possède le plus large réseau de recharge rapide et ultra rapide de France, devant Tesla et Totalenergies.

Quel est aujourd'hui l'enjeu de l'installation de bornes de recharge électriques dans les espaces commerciaux ?

Si on veut convaincre des automobilistes de se convertir à l'électrique, on doit pouvoir leur offrir une expérience utilisateur qui soit encore plus simple que celle du véhicule thermique.Et pour ce faire on doit leur permettre de recharger pendant qu'ils font leurs courses, sans passer trop de temps à recharger.

Dans le cadre de la Loi LOM actuelle, un parking de 1.000 places devrait installer 50 bornes de recharge. Or, il serait plus judicieux de lui fixer un objectif de puissance, par exemple 500 kW à installer. S'il doit installer un total de 500 kW, il peut alors décider de mettre soit 50 places de 10 kW soit 10 places de 50 kW. Dans le premier cas, la puissance est adaptée à une recharge qui dure 12 heures. Dans le deuxième cas, à une recharge qui dure une heure.

Faire le plein d'essence, c'était une activité délibérée, où l'acteur était 100% concentré sur l'action de faire le plein, mais maintenant avec la recharge électrique rapide, ça peut devenir une activité passive. Et donc, on pourra rendre du temps aux Français.

Justement la directive européenne concernée vient d'être révisée…

Cette nouvelle version de la directive s'appelle Energy Performance of Buildings Directive. Avec les acteurs d'industrie de la filière nous avons lutté aux côtés du gouvernement français pour que la nouvelle version du texte inclue un objectif de puissance plutôt qu'un objectif de places. Ils ont été convaincus, ou plutôt ils se sont rendus à l'évidence, et ils ont porté cette proposition de puissance auprès de l'Union européenne .

Et alors ?

Le problème c'est que la France est retrouvée isolée sur la scène européenne. C'était le seul État membre à défendre cette proposition d'intégrer l'objectif de puissance. Les 26 autres pays ont défendu l'objectif de place. Et donc, c'est avec ce dernier objectif que la directive a été votée au Parlement européen en décembre et entérinée par la Commission européenne et le Conseil des ministres ces derniers mois.

Et c'est ce texte qui pose problème…

Aujourd'hui, on se retrouve avec une nouvelle directive qui impose d'équiper 10% des places de parking en bornes de recharge au lieu de 5%. Elle pousse les espaces commerciaux à accueillir des bornes lentes et pas adaptées au temps de passage des automobilistes. Ils vont préférer équiper beaucoup de places avec une puissance faible, plutôt que d'équiper quelques places avec une puissance de charge dérivée qui correspond au temps de passage du client.

Est-ce que vous savez quelles conséquences ce texte pourra avoir sur les industriels du secteur ?

Pour les constructeurs, ça va rendre plus difficile de convaincre les Français d'adopter la voiture électrique. Ils vont avoir un réseau de recharge public qui ne sera pas adapté à leur temps de passage, et il y aura un impact pour l'avance de l'industrie.

Comment pourrait-on sortir de cette situation ?

La prochaine étape, c'est de retranscrire cette nouvelle version de la directive dans le droit national. C'est là que le gouvernement français a l'occasion de reprendre cette directive et de l'amender ou de la compléter. Une législation efficace devrait fixer un objectif de puissance et ensuite, charge à l'hébergeur de décider comment il veut répartir cette puissance en fonction de ce que demande sa clientèle, en fonction de l'expérience utilisateur.

Est-ce que cela représente une charge financière importante pour les supermarchés ?

Oui, ça peut être une charge très importante car c'est déjà un équipement colossal. Donc il vaut mieux que ces bornes-là soient adaptées à la clientèle.

Maintenant, les supermarchés ont des options qui leur permettent de ne pas investir tout en respectant la loi, en faisant appel à des acteurs, des opérateurs de bornes de recharge, qui vont prendre en charge l'investissement pour être ensuite propriétaires des bornes sur les parkings des supermarchés. C'est un modèle qui s'est énormément développé parmi les supermarchés.

Il faut dire qu'ils ont énormément de contraintes qui leur demandent des investissements conséquents. Et donc, forcément, ils n'ont soit pas la surface financière, soit pas les ressources pour gérer ce projet, soit simplement, ce n'est pas stratégique pour eux puisque ce n'est pas leur métier. Ils préfèrent investir leur capital dans une baisse des prix, ou dans une meilleure gamme pour leur clientèle.

Quelle autre problématique est importante pour réussir la transition ?

La disponibilité des bornes. Il y a un objectif ambitieux d'ici 2030, le gouvernement a fixé pour cap les 400 000 bornes de recharge en accès public. Aujourd'hui, on est à 130 000 bornes. Mais premièrement moins de 20% des bornes de recharge publiques sont des bornes de recharge rapide. Et de plus le taux de disponibilité des bornes publiques en France aujourd'hui est de 80%. Ca veut dire que deux mois et demi dans l'année, les bornes sont en panne. C'est énorme.

Actuellement, chez Powerdot, on est à 98%. Ce n'est pas pleinement satisfaisant, on aimerait être à 99%. Mais, dans la mesure où le marché actuellement est à 80%, c'est vraiment dramatique comme expérience utilisateur. Il faut résoudre ces deux problématiques pour vraiment permettre la démocratisation des véhicules électriques.

Le créneau de Powerdot, c'est donc la borne de recharge rapide.

Le produit, c'est la recharge rapide avec répartition dans les opérations. Le modèle, c'est le modèle tiers investisseur. Nous prenons en charge tout l'investissement d'implantation et tous les coûts d'exploitation.

Et la verticale, c'est la verticale des espaces commerciaux. Ce sont des centres commerciaux, retail parks et supermarchés. Et donc, aujourd'hui, nous sommes le plus large réseau de recharge rapide et ultra rapide de France, devant Tesla et Totalenergies. Notre objectif maintenant c'est d'être le réseau le plus fiable d'Europe avec des taux de disponibilité proches de 100% contre 80% pour le secteur actuellement.

Que pensez-vous du rythme d'installation de bornes de recharge ? Un rapport de l'Acea paru en avril disait que cela devrait aller 8 fois plus vite pour pouvoir atteindre les objectifs.

Aujourd'hui, il y a 1,5 million de voitures électriques en France sur un parc automobile de 30 millions de véhicules soit 3% du parc automobile français. Ça reste un épiphénomène.

Pour ces 3%, aujourd'hui, la France est suréquipée et les équipements sont surdimensionnés. C'est un marché très concurrentiel et très éclaté : fin 2020 le marché de la recharge rapide comprenait 13 acteurs. Les 3 premiers contrôlaient 95% du marché. Fin 2023, on était à 114 acteurs, dont le top 5 ne contrôlait plus que 50% du marché. Après nous, il y a Tesla et Totalenergies et aussi Unity, Allego et Lidl ou encore Fastmed.

C'est la croissance à venir du marché qui attire les convoitises…

La trajectoire de pénétration des véhicules électriques est en marche. L'objectif du gouvernement, c'est qu'on soit d'ici 2030 à 5,4 millions de voitures 100% électriques, et 8 millions en comptant les véhicules hybrides rechargeables. Donc, c'est un marché qui doit se multiplier par 5 sur 6 ans. Nécessairement, la demande sur les bornes de recherche publique va croître fortement. On va basculer d'un réseau surdimensionné à un réseau adapté à la demande future.

Le marché a été complètement balkanisé avec cet éclatement en passant de 13 à 114 acteurs, ça a été le fruit d'une valse de levée de fonds en 2022 : beaucoup d'acteurs ont levé des centaines de millions sur à peu près le même business plan.

On va donc vers une rationalisation…

Maintenant que l'argent se fait plus rare, et on va assister à une phase de consolidation et d'assèchement du marché qui va aboutir d'ici la fin de l'année, avec beaucoup d'acteurs qui vont disparaître. 2025 va être une année avec énormément de transactions. Des acteurs vont soit devoir pivoter vers un modèle serviciel et donc se débarrasser de ce modèle en transition, soit ils vont découper leur réseau, leur portefeuille et le vendre en appartements voire même se vendre entièrement au plus offrant.

Propos recueillis par Matthieu Richard-Molard

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