
drapeau américain 3 (Crédits: Unsplash - Ben White)
Colin Graham, gérant multi-actifs chez Robeco, estime que la surchauffe de l'économie américaine devrait tirer la sonnette d'alarme pour les investisseurs, car elle pourrait être préjudiciable aux actions comme aux obligations.
• L'économie américaine dispose de peu de marge de manœuvre pour absorber la relance par les réductions d'impôts
• La Fed abaisse les taux même si l'inflation reste supérieure à son objectif de 2 %
• Perspectives mitigées pour les actions et vents contraires pour les obligations d'État
Une combinaison de mesures de relance budgétaire et monétaire est mise en œuvre alors qu'il y a peu de capacités inutilisées dans la plus grande économie du monde. Cela laisse peu de marge pour relâcher de la pression et peut se terminer par une explosion malvenue, déclare Colin Graham, co-responsable de Robeco Investment Solutions.
Ce type de scénario pèse sur les actions des marchés développés et émergents, ainsi que sur les obligations d'État à duration longue, même si les matières premières ont tendance à tirer leur épingle du jeu, comme en témoigne la récente hausse de l'or, prévient-il.
Une économie sous haute pression
«Ces dernières années, les États-Unis présentent de plus en plus les caractéristiques d'une économie sous haute pression, c'est-à-dire un scénario dans lequel une croissance robuste avec le plein emploi rencontre une marge de manœuvre économique limitée, et qui est encore renforcé par des mesures de relance politique sous forme de réductions d'impôts et de baisse des taux d'intérêt», explique Colin Graham.
«Les droits de douane constituent un obstacle supplémentaire à la libération de la pression, car ils empêchent l'importation de la dynamique de déflation observée dans les marchés haussiers des années 1990 et 2000. Cet environnement présente à la fois des opportunités et des risques qui redessinent le paysage macroéconomique et le comportement des investisseurs. Bien qu'il ne s'agisse pas de notre scénario de base, les signes annonciateurs d'une baisse des taux à venir, d'un report de l'impact des tarifs douaniers et de nouvelles réductions d'impôts signifient qu'il est de plus en plus probable que les marchés financiers intègrent cette évolution. Nous n'en sommes pas encore là, mais les largesses budgétaire et monétaire font monter la pression dans l'économique américaine, sans qu'il y ait de moyen d'évacuer de la vapeur. Nous pensons que ce scénario se terminera par une explosion, mais il n'est pas certain que ce soit avant la fin 2025, 2026 ou au-delà.»
Comment nous en sommes arrivés là
On parle d'économie sous haute pression lorsque l'activité économique fonctionne à un niveau égal ou supérieur à sa production potentielle, ce qui laisse peu de marge de manœuvre dans les chaînes de travail et d'approvisionnement et peut entraîner une hausse des salaires et des prix à la consommation. Aux États-Unis, cette situation est due à plusieurs facteurs, en particulier à une relance budgétaire procyclique et à une politique monétaire accommodante menées simultanément.
«Les dépenses publiques restent robustes, les mesures budgétaires continuant à stimuler la demande des consommateurs et des entreprises», explique Colin Graham. «Ces mesures de relance soutiennent la consommation et l'investissement, et poussent l'économie contre la limite de sa pleine capacité. Dans le même temps, la Réserve fédérale a maintenu des taux d'intérêt historiquement bas pendant une longue période, encourageant l'emprunt et l'investissement, en dépit d'une inflation dépassant les niveaux cibles. Cette politique a contribué à soutenir une demande élevée dans certains pans de l'économie. La banque centrale s'apprête maintenant à procéder à de nouvelles baisses de taux alors que l'inflation reste supérieure à l'objectif fixé et que les données économiques ne présentent aucune faiblesse généralisée.»
Marchés du travail et chaînes d'approvisionnement
Entre-temps, le taux de chômage aux États-Unis est proche de ses plus bas niveaux historiques, ce qui exerce une pression à la hausse sur les salaires, tandis que les restrictions imposées à la main-d'œuvre immigrée signifient qu'une croissance plus faible de la masse salariale est nécessaire pour maintenir le plein emploi.
«Les perturbations persistantes des chaînes d'approvisionnement mondiales, les pénuries d'intrants clés et les goulets d'étranglement logistiques limitent la capacité des producteurs à suivre le rythme de la demande, ce qui contribue encore aux pressions inflationnistes», ajoute Colin Graham.
«Si les coûts peuvent être répercutés à court terme, nous estimons que 50 % des augmentations tarifaires se répercuteront sur les prix des biens de consommation. Les marges à long terme seront soumises à des pressions, à moins que l'intelligence artificielle n'entraîne des gains de productivité.»
La combinaison de ces éléments crée un environnement économique sous haute pression sans soupape de sécurité.
La sonnette d'alarme des baisses de taux
L'une des sonnettes d'alarme a été l'abaissement des taux par la Fed – peut-être sous la pression du président Donald Trump – alors que l'inflation reste supérieure à l'objectif de 2% que la banque centrale s'est fixé de longue date. Des taux plus bas ont tendance à encourager les emprunts et les dépenses, ce qui peut faire grimper l'inflation encore plus haut.
«L'inflation persistante dans une économie sous haute pression complique les décisions politiques », affirme Colin Graham. « Sans ancrage des attentes, la Fed pourrait entamer un cycle de resserrement plus agressif, avec des hausses rapides des taux d'intérêt et une éventuelle réduction du bilan.»
Conséquences pour les classes d'actifs
Pour les investisseurs, cela accroît la volatilité des marchés et augmente le risque de ralentissements économiques ou de récessions provoqués par les politiques. Les conséquences pour les classes d'actifs sont les suivantes :
• Actions : Dans une économie sous haute pression, les actions sont souvent confrontées à des perspectives mitigées. D'une part, la forte croissance économique et les bénéfices des entreprises soutiennent les valorisations des actions, en particulier pour les secteurs ayant un pouvoir de fixation des prix et ceux impliqués dans la révolution de l'IA. À l'inverse, les secteurs tributaires de taux bas et de faibles marges, tels que les valeurs de consommation, peuvent être exposés à un risque baissier accru.
• Obligations : La hausse de l'inflation et des taux d'intérêt pèse sur l'obligataire traditionnel, en particulier sur les obligations d'État à duration longue. Généralement, le crédit Investment Grade et certains titres High Yield à fondamentaux solides peuvent offrir de meilleures performances ajustées du risque que les obligations souveraines. Cependant, les spreads sont déjà à des niveaux historiquement bas, et offrent donc moins de protection cette fois-ci.
• Marchés émergents : La perspective d'un resserrement de la politique monétaire de la Fed et d'un raffermissement du dollar tend à exercer une pression sur les marchés émergents par le biais de sorties de capitaux et d'une dépréciation des devises. Cela va à l'encontre de la vision à long terme de Robeco présentée dans les Expected Returns, selon laquelle le billet vert se dévalorise à partir des niveaux élevés.
• Matières premières : Les matières premières et les actifs réels tels que l'or, qui a atteint des sommets dernièrement, ont tendance à bien se comporter dans un contexte de pressions inflationnistes, bénéficiant d'une demande robuste et de goulets d'étranglement au niveau de l'offre.
«De notre point de vue, lorsque l'on élargit les horizons temporels, on constate une divergence significative des performances entre les différentes classes d'actifs lorsque l'inflation augmente et que la politique monétaire ne réduit pas la pression en augmentant les taux d'intérêt», explique Colin Graham.
Lorsque l'inflation se situe dans la fourchette «idéale» de 0 à 2%, les performances moyennes historiques des actions sont les plus élevées, à 9,8% sur une base annualisée. Mais lorsqu'elle est supérieure à 4%, les performances des actions deviennent négatives (-1,7 %), car les marchés actions chutent. Les obligations reculent également de 4,6% et les liquidités de 4,3% en raison de la hausse de l'inflation qui pèse sur les performances.
«L'économie américaine sous haute pression reflète un équilibre délicat entre une forte demande, une offre limitée et des réponses politiques procycliques en évolution», conclut Colin Graham. «Tout en soutenant la croissance à court terme, les risques d'inflation persistants nécessitent un suivi vigilant de la politique monétaire et des indicateurs économiques. Pour les investisseurs, il est essentiel de comprendre les nuances de ce régime pour procéder à une allocation d'actifs réussie, gérer efficacement les risques et déterminer quand la situation est sur le point d'exploser.»
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